mercredi 23 décembre 2015

Impact de la COP21 en 2100: 0,2°C au mieux !

L'accord de la COP 21 n'aura pas d'impact sensible sur le réchauffement climatique, alors que faire ? A partir des thèses du Copenhagen Consensus Center, voyons comment prolonger le premier pas diplomatique réussi de la COP 21 dans le sens ... du bon sens.

L'impossible débat sur le climat

Sensibilisé à la question du changement climatique, j'écoute et je lis désormais les media en étant vigilant sur ce point. Or je constate qu'en ce mois de Décembre si doux, il n'est plus aucun journaliste ou présentateur météo (surtout depuis le licenciement de Philippe Verdier de France 2, ci contre) qui ne fasse son intro sur le réchauffement climatique ... ancrant chaque jour plus profondément l'évidence "climato-consensuelle".

Ainsi qui voudrait encore débattre d'une évidence aussi dangereuse ? Et avec qui ? Les tenants d'autre chose que de la thèse du GIEC sont désormais taxés non plus de "climato-scepticisme" mais de "climato-négationnisme"(c'est une mauvaise traduction de l'anglais climate change denier). Cette référence implicite au nazisme fait désormais office de police de la pensée. Elle montre assez qu'aucune discussion n'est plus possible ... (voyez ce qu'est la loi de Godwin ici) .

Les attaques Ad Hominem des deux côtés font recette. C'est propagande contre propagande d'autant plus qu'aux USA, les Démocrates sont dans l'ensemble du côté du consensus et certains Républicains du côté du scepticisme. Sur un sujet présenté comme engageant la survie de la planète et comportant de nombreux aspects scientifiques, il n'y a donc pas de débat sur le fond, il n'y a que de l'invective. Puisque la politique et la médiatisation ont investi le domaine scientifique, comment le bon sens va-t-il s'y retrouver ? Y-a-t-il une médiation possible vers une gouvernance raisonnable, en commençant par les idées avant de passer aux prélèvements fiscaux ?

L'indispensable retour au bon sens

Je vais m'appuyer sur un auteur et speaker TED, Bjorn Lomborg, pour proposer une approche dont je vois bien le cousinage avec celles que j'ai eu l'occasion de proposer dans un contexte d'entreprise. Je vous dis tout de suite que Lomborg, bien que n'ayant pas le profil-type du pollueur réac classique (c'est un prof danois, ancien de Greenpeace, gay et végétarien !) est considéré comme un provocateur climato-négationniste à la solde des pétroliers. Il n'a plus beaucoup d'amis chez Greenpeace ... Pourtant, ce trublion infréquentable, m'a semblé avoir eu une idée qui "vaut la peine d'être partagée". Voici sa vidéo à l'occasion de TED 2005 (Bjorn Lomborg fixe des priorités pour le monde. | TED Talk | TED.com ):


Lomborg est statisticien et économiste et non climatologue. Dans son livre L'écologiste sceptique, il ne remet en cause ni le réchauffement récent, ni les modèles des gaz à effet de serre mais estime que leur sensibilité au CO2 est exagérée. Pour Lomborg, c'est un problème secondaire comparé aux priorités de développement comme fournir de l'électricité et de l'eau potable à l'Afrique. Il part de l'idée qu'un choix, et surtout un choix d'investissement quel qu'il soit, doit s'évaluer en fonction de deux axes. D'un côté, l'importance de l'impact attendu de l'action considérée et de l'autre son coût qui peut être mesuré en effort financier, en temps et/ou en tout autre forme d'effort. En croisant les deux axes, on a alors une meilleure idée de ce qu'il est utile de faire. Voici le genre de matrices classiques coûts/bénéfices ou atouts/attraits que j'ai souvent utilisé pour ma part à l'occasion de missions de  changement stratégique:
Pourquoi ne pas faire pareil avec les choix politiques ?

L'impossible maîtrise du réchauffement  !

Eh bien, c'est l'idée de Lomborg. Classer les actions en fonction de leur retour sur investissement en croisant leur impact relatif et leur coût. Alors pour cela, il faut d'abord évaluer l'impact de la mesure. C'est ce qu'a fait le CCC sur l'accord de la COP 21. C'était possible dès le début Décembre car très astucieusement, Laurent Fabius avait demandé aux 195 Etats de faire parvenir leurs promesses de réductions d'émissions de CO2 AVANT la conférence (185 l'ont fait). En code ONUsien, il s'agit des INDC (Intended Nationally Determined Contribution). Vous pouvez lire ici un article grand public qui tire la conclusion de ce travail académique.

Voici en rouge la courbe du modèle prévisionnel du GIEC si l'on ne fait rien, en turquoise la même ajustée de l'impact des promesses INDC jusqu'à 2030 selon le modèle GIEC et en vert la même en espérant que les actions seront prolongées jusqu'en 2100.

D'après communiqué de presse de l'article de Lomberg, courbe tirée de: http://www.pensee-unique.fr/news.html#cop21

Cette courbe montre l'impact minuscule de l'accord de Paris: au mieux 0,17°C dans l'hypothèse d'un effort d'investissement soutenu de 100 mds$ par an pendant 85 ans ! Cet article officiel est "revu par les pairs" vous pouvez vous le procurer ici. Il ne me semble pas s'agir d'une propagande invérifiable mais du traitement des chiffres publics et des modèles qu'utilise le GIEC lui-même. Cela mérite réflexion !

Ci dessus, le résumé très clair de cet article dit: "Toutes les politiques du climat ... depuis 2000 et jusqu'à 2030 et maintenues jusqu'à la fin du siècle réduiront probablement le réchauffement climatique d'environ 0,17° en 2100".

Malgré le fait qu'il s'agit d'une publication académique officielle et "revue par des pairs", on pensera que l'auteur ne peut qu'être de parti pris.

Alors, j'ai pu constater que d'autres analystes parviennent aux mêmes conclusions: impact de 0,2°C en 2100 ! Il s'agit au MIT du Joint Program on the Science and Policy of Global Change. A la question de savoir ce que sera l'impact des politiques du climat, la réponse est très claire (page 2 de l'Outlook 2015 que vous pourrez télécharger comme je l'ai fait): "Assuming the proposed cuts are extended through 2100 but not deepened further, they result in about 0.2°C less warming by the end of the century compared with our estimates, under similar assumptions, for Copenhagen–Cancun".


En quoi sommes-nous concernés ?

Tout se passe comme si nous étions tous convaincus qu'il serait essentiel de d'investir 8500 mds de $ pour avoir l'espoir de réduire le réchauffement au mieux de 2 dixièmes de degrés dans un siècle. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce raisonnement !

Pendant ce temps, il y a eu cette année 1 million de réfugiés-migrants en Europe ... Ne serait-il pas plus judicieux de nous préoccuper de nous adapter aux nouvelles conditions de notre monde: climatiques sans doute, mais aussi économiques, sociologiques, démographiques, politiques ? C'est pour cela qu'il pourrait être judicieux de remettre les priorités dans un ordre plus raisonnable à l'image de l'approche du CCC illustrée ci-dessous:







dimanche 13 décembre 2015

ERRATUM: COP 21

Chers amis,

Mon article sur la COP 21 a été publié par erreur alors qu'il n'était qu'à l'état de brouillon. Le voici terminé ici: http://didierchambaretaud.blogspot.fr/2015/12/cop21-quoi-bon.html avec les liens, photos et références vidéos.

Merci

La COP21 peut être utile.

COP 21: un accord historique joyeux et encourageant dont on peut sérieusement se demander à quoi il peut bien servir... Ecolos militants et climato-sceptiques, je vous propose une réponse qui pourrait vous réconcilier !

Une semaine d'attente

Ivar Giaever
Pendant cette semaine une grippe aggravée de fièvre "post-paludéenne" m'a donné l'occasion de visionner nombre de vidéos Youtube d'experts et d'activistes du climat: conférences de scientifiques canadiens, anglais et américains surtout, témoignages devant les sous-comités du sénat américain, traitement par les divers médias des deux tendances ("climato-consensuels" et "climato-sceptiques"). J'ai d'ailleurs à cette occasion découvert l'existence de l'expression "climato-négationniste"qui me semble relever de la loi de Godwin ( voir mon article ici).

Voici ici une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=TCy_UOjEir0) de l'un de ces "fous dangereux": Ivar Giaever, un non spécialiste qui n'a plus de carrière à faire sur ce thème et qui me semble pourtant honnêtement informé en tant qu'ancien panéliste du GIEC et crédible sur le plan de la méthode scientifique en tant que prix Nobel de physique.

Tout cela  me donne envie de partager une opinion personnelle plus ou moins éduquée sur ce qui passe en boucle sur nos chaînes info depuis deux ou trois jours à propos de la COP 21.

COP 21: C'est la joie !

Je n'ai pas encore lu l'accord, comme d'ailleurs les journalistes. Et pourtant comme eux, je suis sensible à la joie évidente des protagonistes. D'accord, ils sont payés pour ça et savent jouer la comédie. Pourtant, j'affirme que ce que je perçois sur ces visages fatigués, c'est une joie authentique et cela me semble encourageant. Laurent Fabius qui a si souvent une posture molle et pourtant rigide, est rayonnant pour une fois. Al Gore, grossi, blanchi et rougeot est hilare au côté d'une Ségolène Royal encore pimpante ... Al Gore, quelle réussite narrative ! Mais c'est une autre histoire. Même Ban Ki-moon semble authentiquement heureux ! 

Un accord joyeux donc, comme le disent les journalistes qui couvrent l'événement, et je crois sincèrement que cet accord obtenu à 195 pays est une avancée. Mais dans quel sens ?

Une phrase m'avait traversé les oreilles quelques semaines avant cet événement. Un représentant appointé par les tenants de la thèse officielle de l'extrême urgence climatique avait affirmé que plus personne aujourd'hui ne mettait plus sérieusement en doute le réchauffement climatique et que l'urgence était telle que cet accord était absolument vital ... était-ce si sûr ? Je n'aurais sans doute pas vérifié ... Mais les débats américains sur le climat viennent démontrer sans aucun doute possible pour qui vérifie que la première partie de cette phrase est absolument fausse: il y a au contraire des gens sérieux qui ont de puissantes objections et qu'il en résulte une vraie bataille politique entre factions derrières lesquelles s'alignent de gros intérêts financiers (des deux côtés !).

COP 21: réserves sur le contenu (perçu) de l'accord sur le changement climatique

L'accord porte sur des actions à financer pour rester "nettement en dessous des 2 degrés de réchauffement en 2100". Voici de sérieuses réserves:

1) Les très complexes questions systémiques d'environnement et leurs conséquences sociales et économiques, posées à l'échelle climatique, se résument-elles à 2 degrés sur un siècle et à l'émission de CO2 ?

2) Les mesures géographiques sur terre sont encore partielles et sélectives, les mesures atmosphériques en altitude et océanographiques en profondeur sont encore très peu représentatives et souvent "interpolées" ou "ajustées", les prévisions du GIEC fondées sur de purs modèles mathématiques coupés des réalités ont été démenties jusqu'ici par les faits (les températures moyennes terrestres ont cessé de croître depuis 1998 voire décroissent). Peut-être avez-vous l'impression que les températures de chez vous ont fortement augmenté, ce n'est pas si sûr selon cette courbe empruntée à http://www.climat-optimistes.com et issues des sources officielles américaines "climato-conformes":


Si cela se confirme, le problème environnemental ainsi posé ne serait-il pas en réalité déjà résolu ? Sinon, avec un objectif aussi "précis", comment se propose-t-on de mesurer et de piloter de façon neutre et réaliste les résultats avec un thermomètre aussi peu partagé ?

3) 100 Mds de $ par an représentent deux fois le service de dette de la France ou les budgets combinés de l'Education et de la Défense, c'est beaucoup à l'échelle d'un seul pays. Mais cela semble peu à l'échelle planétaire car il s'agirait rien moins que de changer volontairement le climat de la planète. Et le financement des actions n'est pas assuré. C'est trop ou trop peu ... et la crédibilité de l'ensemble peut être mise en doute.

Marcel Leroux
3) Toute la "méthodologie" du GIEC repose sur une série d'hypothèses présentées comme irréfutables: l'activité humaine est responsable du réchauffement climatique, l'activité humaine émet beaucoup  de CO2 donc produit un important effet de serre, donc en réduisant le CO2, on contiendra le réchauffement ! Or il y a des réalités physiques établies indépendamment des débats politiques: le principal gaz à effet de serre est la vapeur d'eau qui représente 95% de ces derniers (contre 3% pour le CO2) et serait responsable de 72% de l'effet de serre et les observations sur périodes longues (carottages des glaces arctiques et antarctiques) et récentes par prélèvements directs montrent que l'augmentation des températures précède celle du taux de CO2 non l'inverse.

Alors a-t-on posé le bon problème ? Je vous propose pour creuser, une vidéo rare (https://www.youtube.com/watch?v=thYTIcs7P_M) d'un authentique climatologue reconnu et malheureusement disparu, Marcel Leroux.

4) Si les émissions de CO2 étaient un aspect si central du problème, pourquoi des sujets majeurs comme les transports ou la valeur du point-carbone sont ils  laissés hors de l'accord ?

5) Malgré les affirmations initiales de F Hollande sur la nécessité de prévoir des contraintes, comment faire respecter l'accord sans cela ?

Pendant qu'ils étaient à la COP 21 au moins ils se parlaient et ne se battaient pas ...

Je n'étais pas de ceux que l'on appelle avec condescendance "climato-sceptiques". Je le deviens sans nul doute depuis que je m'intéresse vraiment au sujet mais ce n'est pas essentiel pour l'instant. Restons constructivement sceptiques, ayons horreur des dogmes et prenons l'habitude d'identifier les "belles ou les horribles histoires" qui s'avèrent être des mythes et voyons si l'idée de gouvernance collective aura bientôt progressé grâce à la négociation et à la communication autour de la COP 21.

Il s'agit selon moi d'un essai transformé par la diplomatie française de réunir la famille des gouvernants humains sur un sujet commun ... pour le moins controversé. Le contrôle du réchauffement climatique par la limitation des émissions de CO2 n'est pas un sujet si urgent, il est mal défini, l'objectif est inadapté et non mesurable et le processus n'est pas contrôlable mais l'accord en lui même est un pas dans une direction qui, elle, est essentielle, celle d'une gouvernance mondiale.

En quoi sommes-nous finalement concernés ?

Que ce soit pour des causes environnementales (raréfaction ou mauvaise répartition des ressources,  diminution de la bio-diversité et mauvaise mise en valeur des sols etc ...), politiques (extrémismes, conflits armés, réfugiés politiques ...) ou économiques (financiarisation absurde, précarisation, marchandisation du vivant ...), la famille humaine a besoin d'une gouvernance commune. La COP 21 aura sans doute un peu servi d'entraînement dans ce but. Et dans la mesure où ces résolutions annoncent de nouvelles dépenses futures non financées, il faut que le citoyen de base s'attende à de nouvelles ponctions fiscales. Faisons donc en sorte que cela serve vraiment à quelque chose et mettons nos gouvernants sous surveillance.

L'important ce n'est pas de freiner un éventuel réchauffement climatique de quelques degrés sur quelques décennies, l'important c'est d'apprendre à élaborer ensemble les meilleurs moyens de nous adapter collectivement aux situations réellement urgentes que nous allons rencontrer et d'y contribuer individuellement pour nous-mêmes et pour ceux qui dépendent de nous.

samedi 5 décembre 2015

Ne pas succomber à l'affect, ne rien laisser dans le registre de l'impensable !

Professeur à l'Ecole Normale, philosophe étiqueté à l'extrême gauche, anciennement maoïste, Alain Badiou, propose à l'occasion des récents "attentats terroristes"  dans cette conférence un peu longue (https://vimeo.com/147061687), une analyse poussée de notre monde global qui recoupe la "quatrième bataille" que j'annonçais dans mon précédent article.
A. Badiou, "Là-bas, s'y j'y suis"

Ne pas succomber à l'affect

Malgré l'horreur et la stupeur bien naturelles après les événements meurtriers qui nous ont touchés de près, je n'ai pas mis de drapeau à ma fenêtre ni sur mon profil Facebook car je ne me suis pas senti à l'aise, comme après Charlie d'ailleurs, par le traitement médiatique et politique matraqué où seul l'affect est sollicité. Voici une vidéo plus courte (https://youtu.be/lBZLywtkOpU) que j'ai montée moi-même à partir de la conférence d'Alain Badiou qui traite le sujet de l'affect et de l'impensé. Position dont je me sens proche:



En résumé voici ce que nous dit Alain Badiou. Il reconnaît, comme je le fais lorsque je "coache" un speaker TEDx, l'importance de l'affect. Mais comme lui, je pense que l'affect ne peut conduire seul notre réflexion. Et voici pourquoi (le texte en italique est de moi !):
  1. L'affect conduit à prendre des mesures inutiles et inacceptables. L'Etat d'urgence n'est pas inutile mais pourquoi n'a-t-on pas appliqué nos lois plus tôt ? Pourquoi les juges sont-ils hors du coup ?
  2. L'affect renforce les pulsions identitaires. Le resserrement naturel de la famille en cas de coup dur conduit à faire de l'étranger un bouc-émissaire alors qu'il nous faudrait du discernement, de l'intelligence et des alliances pour vaincre. La vengeance risque remplacer la Justice or ne voudrions-nous pas démontrer que nos valeurs démocratiques valent la peine d'être défendues ?
  3. L'affect conduit à ce que les meurtriers souhaitent faire: occuper toute la scène et créer un "sujet obscur déprimé et vengeur" comme Baader-Meinhof et Ben Laden l'ont réussi autrefois.
Ne rien laisser dans le registre de l'impensable

J'ai bien aimé cette phrase. L'affect nous fait adhérer à une position donnée par l'émotion. C'est naturel. Il nous dispose à l'action et c'est bien. Je le dis à mes intervenants, c'est cette adhésion qui prédispose à bouger et à créer. Souvent les discours sont lénifiants car il n'y a aucune action. Mais là, les événements préparent l'adhésion de la grande majorité. Raison de plus pour ne pas faire n'importe quoi, raison de plus pour nos gouvernants de réfléchir vite et bien à la nature de cette action et à sa profondeur.

Agir sans réfléchir ou sur un raisonnement biaisé comme ce fut le cas pas l'équipe Rumsfeld-Cheney autour de Bush lors de la seconde guerre d'Irak a conduit au drame (officiellement 150000 civils Irakiens tués !) et (je le pense) in fine à la perte de cette guerre au profit des islamistes radicaux sunnites et de l'ancien ennemi iranien chiite. Ne laissons rien dans le registre de l'impensable dit Badiou, rien de ce qui est humain ne survient par hasard, je traduis cela en refusant de qualifier l'Ennemi de "monstre" car comme disait Montaigne: "tout homme porte en lui la forme entière de l'humaine condition".

Rappel des quatre batailles

Dans  mon précédent article, j'avais essayé de présenter les quatre batailles que nous devrions livrer en parallèle, de façon réaliste, sans affect et avec des termes de durée différents:
  1. Bataille intérieure de l'état d'esprit où le citoyen devrait être acteur/résistant et non victime potentielle, sortons de l'état de sidération qui plait tant aux chaînes d'info 24/24 !
  2. Bataille extérieure où nous devrions nous doter des moyens militaires appropriés car pour de bonnes ou de mauvaises raisons historiques, nous sommes déjà en guerre depuis 30 ans, et pour cela remettons en question en profondeur notre Etat obèse, endormi, mal organisé et illégitime,
  3. Bataille idéologique pour affronter l'instrumentalisation de l'Islam, en confrontant nos "valeurs" à celles de l'Ennemi et pas seulement en fermant quelques mosquées Salafistes.
  4. Bataille pour la paix où en rencontrant vraiment l'Ennemi et en négociant avec lui, nous devrions nous réinventer nous-mêmes et une société planétaire permettant à tous, y compris les pauvres tentés par une lecture haineuse du Coran, de trouver leur place.
Je ne partage pas le point de vue de départ marxiste d'Alain Badiou mais je trouve la perspective d'ensemble intéressante qui correspond bien à ma quatrième bataille: construire la paix nécessitera de nous changer nous-mêmes et de nous réconcilier avec les "monstres".

En quoi sommes-nous concernés ?

Certains peuvent être tentés de succomber à l'affect et de chercher vengeance. D'autres (au niveau de l'Etat) sont tentés de faire semblant  de maîtriser et d'en profiter pour chercher à redorer leur blason terni et d'autres enfin de se réfugier dans telle ou telle idéologie gentille et sans rapport avec les urgences réelles. Badiou, en bon gauchiste, ne cautionnerait sans doute pas mes deux premières batailles. Je reste cependant convaincu de l'importance de livrer ces quatre batailles sur lesquelles je reviendrai car j'ai l'impression que le prêt-à-penser médiatique semble évoluer dans le bon sens.

Le philosophe Alain Badiou, quant à lui, m'a semblé intéressant car il nous introduit à ce que pourrait-être le champ de la quatrième bataille.

mercredi 18 novembre 2015

4 batailles pour gagner une paix

Les attentats du 13 Novembre obligent la gouvernance française à un changement radical. Or les postures dogmatiques de nos gouvernants "rassemblés" dans l'adversité, reprises et amplifiées par le cirque médiatique, sont-elles à la hauteur des quatre défis qu'il nous faut désormais relever ? Respectons-nous assez notre ennemi pour le combattre vraiment, le vaincre et finalement parvenir à une paix avec lui ?

Une Morale de guerre !

C'est la guerre a dit notre Président ! Cette guerre se fait désormais chez nous: des civils fanatisés et suicidaires tuent d'autres civils: des "victimes innocentes", nous. Je rends, moi aussi, hommage à la mémoire des victimes des attentats, ... nous en connaissions certaines. 

Que sont des "victimes innocentes" ? Les victimes ne sont-elles pas innocentes par nature ? La mort d'un soldat en uniforme au front est peut-être moins choquante. Mais pourquoi cette victime-là serait-elle moins innocente ou plus coupable qu'une mère de famille et ses enfants tués par un V1 à Londres en 1944, par une bombe incendiaire américaine à Dresde le 13 Février 1945, un attentat de DAESH dans le quartier chiite de Beyrout ce même 13 Novembre 2015 ou par une bombe française de représailles à Raqqa le 14 Novembre 2015 ? Toutes sont les innocentes victimes d'une égale Morale guerrière ...! A noter: un mort sur deux de la seconde guerre mondiale était un civil.

Nos victimes innocentes à nous sont vues par l'ennemi comme des "croisés idolâtres et pervertis". Celles que nous causons sont invisibles ou simplement présentées comme de regrettables dommages collatéraux. Comme dans tout conflit, deux morales symétriques et opposées s'affrontent. Le monstre, c'est l'autre. C'est pourquoi la Morale "transcendante" ne fait pas bon ménage avec la lutte opportuniste pour la victoire.

Un Moral de guerre !

Pour l'heure, la guerre doit être conduite sur les terrains où celle-ci a lieu. Les jugements moraux, les émotions légitimes ne peuvent tenir lieu de réflexion. Puisque le combat se livre à la terrasse de nos cafés, c'est là qu'il faut commencer le combat ! Un pays développé le sait depuis sa création contestée qui a pris des mesures dans ce sens: Israël est à la pointe de la lutte anti-terroriste. 

Ce qui me dérange chez nous, c'est qu'en dehors des forces spécialisées anti-terroristes, nous n'avions pas jusqu'ici adopté un "moral de guerre". Nous avions semblé ne pas vouloir voir la réalité en face. Comme en 1940 (lire ici), nous semblions nous obstiner à vouloir livrer d'autres batailles que celles qui s'imposent à nous. Nous avions manqué de réalisme et de détermination. Cette attitude, si elle se maintenait, conduirait à la défaite dans les quatre batailles que nous devons livrer maintenant.

1/ La bataille sur le front civil intérieur

Nous avons d'un côté des civils désarmés qui attendent les secours, des secours peu armés ou peu formés qui appliquent la procédure et attendent l'intervention des forces d'élites (RAID, GIGN ...). En face, des individus dotés d'armes automatiques prêts à se faire exploser sans tarder ... Des moutons face à des bombes humaines ! C'est sans doute ce qui a fait dire à Donald Trump (vidéo ici) que si les français n'avaient pas la législation la plus restrictive du monde sur les armes, la situation aurait été différente. Possible ... Mais je crains que le problème ne soit pas qu'un problème d'armes. 

Alors que faire ? 

Commencer par refuser partout l'inéluctable, résister à tous niveaux dans la mesure du possible comme l'ont fait trois passagers du Thalys du 24 Août 2015 ! Il faut que les assaillants sachent que ça ne sera pas du gâteau. Je crois que c'est ce qui s'est passé autour du Stade de France ... Dans ce cas, le pire a été évité, les "kamikazes" se sont fait sauter à vide !

Puis prendre l'initiative comme ce qu'on fait les policiers du Raid ce matin à Saint Denis.

2/ La bataille sur le front militaire extérieur

Nous figurons parmi les auteurs des frappes aériennes. C'est ce qui nous vaut des attentats sur notre sol. Nous allons envoyer plus de moyens mais est-ce crédible quand nous proclamons par ailleurs notre doctrine de ne pas intervenir au sol, quand nous savons ne pas pouvoir déployer plus de 5 ou 10000 hommes sur un quelconque théâtre d'opérations et quand les américains ont perdu la paix en Irak et en Afghanistan alors qu'ils disposaient de beaucoup plus de moyens que nous ?

Pour vaincre sur ces deux fronts et après avoir accepté de voir les choses en face et être sortis de notre déni actuel, il faudra revoir nos positions. Sur le plan diplomatique, les lignes changent avec le retour de la Russie sur la scène mondiale. Sur le plan interne, les drastiques réformes que nous n'avons pas su faire en temps de paix vont devoir être faites pour investir des moyens adaptés afin de renforcer nos forces sur tous les fronts ou alors nous nous payerons de mots ... Mais il y a un troisième front ...

3/Livrer et gagner la bataille idéologique

Un tout petit nombre de jeunes ou de moins jeunes islamistes radicalisés mène l'offensive sur les deux fronts précédents parce que l'ennemi les a convertis sur le plan idéologique. Ce petit nombre d'infiltrés ou de convertis, ennemis de notre société comme jadis la bande à Baader ou les brigades rouges, suffit à nous scandaliser et à nous glacer d'effroi. Dans la bataille idéologique, c'est une victoire de l'ennemi. Il faut travailler sur ce plan. Sortir du déni et apprendre qui est l'ennemi et pourquoi il nous hait; peut-être apprendrons-nous au passage quelque chose sur nous-mêmes ?
Des prédicateurs fanatiques à la solde d'une puissance étrangère (DAESH et d'autres groupes) détournent un discours religieux et en vaccinent une partie de notre population immigrée ou apparentée, déçue et marginalisée, et dont une minorité importante (voir mon article ici) est culturellement prédisposée à faire passer sa religion avant nos lois et nettement plus dans quelques cas précis.

Et quelle est l'idéologie de cet ennemi ? Pour cela reportons-nous au texte de DAESH (lire ici) qui revendique les attentats: la sourate 59 verset 2 du Coran interprétée au pied de la lettre et au mépris du contexte historique assaisonné d'un discours sur l’idolâtrie et la perversité des croisés qui ont attaqué les premiers (et là c'est vrai !). Cette idéologie fanatique est aussi simpliste que le style et l'orthographe de ce communiqué. Pourtant, elle fait mouche et mobilise ceux que l'ennemi a su écouter et récupérer, lui, et qu'il présente comme des héros de la foi, pendant que nous les flattons en en faisant de grands guerriers sanguinaires, des monstres surpuissants ce qu'ils ne sont qu'en regard de notre sidération et de notre effroi . 

4/ Livrer la bataille contre nous-mêmes: réveiller notre société amorphe
Face à cela que propose l'Etat français ? Les services de renseignements et de police travaillent sur les conséquences, et plutôt efficacement, mais qui se préoccupe des causes idéologiques profondes ? Quelles sont nos armes idéologiques face au détournement du Coran et au bourrage de crânes de nos ennemis ? Nous brandissons nos lois que nous n'appliquons que si l'état d'urgence est déclaré et nous évoquons nos valeurs républicaines ... mais nous ne savons même plus les définir ! Ah si un grand dirigeant en a rappelé trois: "Liberté, Égalité, Fraternité"...  C'était Barack Obama ! 

Nous sommes-nous endormis à ce point que notre société n'a plus rien à proposer et ne se souvient plus de ses propres valeurs ? Ne peut-on réagir à cette double médiocrité intellectuelle (celle de l'ennemi et la nôtre aussi) en allant porter la contradiction à la source: dans les écoles, les mosquées, les cités pour tenir un autre discours ? (lire mon article ici) Sommes-nous enfin décidés à livrer cette bataille-là aussi ou allons-nous laisser le champ libre à une idéologie religieuse crasse et régressive ?

Respecter l'ennemi pour gagner la paix !

Si nous relevons les quatre menaces précédentes, nous aurons regagné le respect de nous-mêmes et nous serons en mesure de gagner ces batailles et d'autres. Mais gagner les batailles n'est pas le vrai but d'une guerre. Son vrai but est de gagner la paix. Je citais plus haut en exemple Israël qui a su relever le défi de la guerre et créer une société originale et dynamique en plein désert mais qui de toute évidence ne semble malheureusement pas en bonne voie pour gagner la paix. Avant comme après la reddition de l'ennemi, gagner la paix nécessite d'entrer vraiment en relation avec lui, en quelque sorte de le respecter lui-aussi. Oui il faut accepter et respecter le monstre pour mieux le liquider ou le dompter ! Je vous renvoie à cette belle intervention de Jean Pierre Massias sur les traités de paix et les préalables à la négociation (lire mon article et visionner ici sa vidéo TEDx)

Or quels sont les mots d'ordre que j'entends ? 
Avec qui voulez-vous faire la paix si ce n'est avec votre ennemi ? Comme voulez-vous vivre en paix avec des gens qui vous ignorez ?

La guerre ne nous débarrassera pas de 100% des terroristes ... c'est l'inverse qui se passe. La violence renforce la violence aveugle, l'ignorance crasse et les discours religieux vengeurs. Bush voulait abattre Saddam Hussein et Bin Laden pour que tous les régimes anti-démocratiques s'effondrent autour d'eux comme des dominos. Même discours de Sarkozy sur Kadhafi. Et désormais, en plus des talibans et d'Al Quaïda, nous avons DAESH, Al Nosra etc ...! Dans nos cités de banlieue comme à Gaza, après avoir rétabli notre autorité par la force, si nous ne respectons pas assez ceux qui nous haïssent, quitte à les détruire, jamais nous ne gagnerons la paix ! 

Nous sommes tous concernés

Nous avons donc une chance ... mais pour cela nous devons d'abord voir les choses en face, nous doter des moyens nécessaires et agir de façon déterminée pour gagner la guerre sur les quatre fronts où nous sommes engagés. Gagner la guerre nous fera regagner notre propre respect de nous-mêmes mais pour ensuite gagner la paix, il nous faudra apprendre à connaître et à respecter l'ennemi en partant de sa haine et de ce qu'il est vraiment au delà de l'horreur qu'il nous inspire: nous devons le reconnaître comme humain et non comme monstre !

samedi 31 octobre 2015

Leaders aveugles: aujourdhui comme en 40 ?

Et si les vérités historiques les plus ancrées et jamais revisitées étaient des légendes agissant aujourd’hui comme des freins à notre liberté de pensée et à notre liberté d'action collective ? Je vous propose aujourd’hui un exemple historique pour réapprendre à raconter des histoires "inspirantes" mais authentiques et fondées sur la réalité et non sur des mythes.

Le leadership et les biais intellectuels qui lui font obstacle

Dans l’article précédent, je partais du parcours de Raphaël pour tenter d’éclairer la déroute des Bleus en rugby contre les Blacks. Je voulais montrer que de telles raclées sont des défaites de l’intelligence et de la motivation d’un collectif et d'un leadership déficients. Je n’ai pas été clair car certains ont cru que je ne parlais que de rugby, d’autres ont évoqué en retour le dopage. 

Non, dans ce blog, je veux désormais parler des légendes qui remplacent les leçons de l’expérience. Je veux parler de l’aveuglement et du dogmatisme qui tiennent lieu de stratégie et de réflexion. Je veux parler des croyances limitantes et des peurs qui remplacent la détermination et l’action pragmatique. Je veux parler des conservatismes et des préjugés qui sont des pièges constants pour tout leader, pour tout décideur, pour toute gouvernance. 

Le rugby n’a été que mon premier exemple. Aujourd’hui, je vais revenir sur un épisode historique majeur notamment à la faveur d'un ouvrage qui vient de paraître: Les mythes de la Seconde Guerre Mondiale. Je vais parler de La Bataille de France du 10 Mai au 22 Juin 1940.

L’incroyable défaite*

Traditionnellement, les historiens établissent le bilan suivant:
•    Allemagne : 49 000 morts et disparus, 111 000 blessés.
•    France : 92 000 morts, 250 000 blessés.
C’est dire que cette bataille n’a pas été une promenade de santé ni pour les vaincus bien sûr, ni pour les vainqueurs non plus même si les études récentes réduisent un peu ces chiffres notamment du côté français (65000 morts). Pour mémoire, le débarquement en Normandie en 1944 a fait 10000 morts alliés.

Un premier constat est donc que les soldats n’ont pas fui et se sont battus contrairement à ce qu’une certaine désinformation notamment anglo-saxonne a voulu faire croire. Certes la population était majoritairement pacifiste, certes une partie de l’extrême droite était sympathisante envers les nazis et certes les communistes restaient neutres par loyauté envers Staline depuis le pacte germano-soviétique d’Août 1939 mais l’armée, elle, s’est battue et a payé cher sa loyauté. Mais le constat de la plus retentissante défaite de l’armée française depuis Azincourt reste vrai. Alors pourquoi l’armée de terre française qui passait pour la plus puissante de son époque s’est-elle effondrée et surtout aussi vite ? 
De Gaulle à la BBC le 18 Juin 1940

Nous avons tous « entendu » l’appel du 18 Juin du Général de Gaulle, enfin tel qu’il a été restitué après censure:
« Nous avons été surpris et submergés par la force mécanique, la tactique de l'ennemi. Mais il y a, malgré tout, des raisons d’espérer. »
Le véritable texte, personne ne l’a entendu :
« Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.
»


Or de Gaulle qui s’était battu à la tête d’unités cuirassées rassemblées à la hâte à Abbeville et à Montcornet, a fait reculer la Wehrmacht. Il évoque la supériorité matérielle allemande et les erreurs du commandement français. Et la légende nationale a surtout retenu l’image des énormes Panzer IV (pas meilleurs ni plus nombreux) et des sirènes des bombardiers en piquet Stukas. Que disent les historiens et historiographes modernes sur la supériorité mécanique allemande ?

Une supériorité matérielle alliée

Dans un excellent livre** Les mythes de la Seconde Guerre Mondiale, un ouvrage bref et truffé de sources complémentaires, un collectif d’historiens modernes tout ce qu’il y a de plus estampillés (CNRS et autres), démontent 23 mythes de la seconde guerre mondiale et estiment notamment que la défaite française n’avait rien d’inéluctable. L’un de ces mythes est que la France aurait été vaincue par une force mécanique bien supérieure. Il n’en est rien.

Voici les chiffres :
Populations*** (millions) : France, 41,6 (plus de 120 avec les colonies), Royaume Uni 47,7 (plusieurs centaines de millions avec l’Empire), Allemagne 68,4 (plus 8 avec les populations germanophones orientales réputées mobilisables par les nazis).
Total des troupes disponibles*** (divisions) : France, 81 ; Grande Bretagne, 31 ; Allemagne 94
Chars** : 2574 français contre 2285 allemands. Le B1 français était à l’époque le char le plus puissant du champ de bataille. A cette supériorité relative s’ajoutaient les milliers de chars plus anciens qui auraient pu assurer défenses statiques, relèves et réserves que n’avaient pas eu le temps de construire les allemands du fait des traités d’après 1918.
Char B1
Artillerie lourde**: forces équivalentes mais le canon de 75 français reste le plus efficace par sa maniabilité et donne l’avantage à l’armée française. Il sera récupéré en masse par la Wehrmacht et utilisé sur tous les champs de bataille européens par elle jusqu’en 1945 pour appuyer ses divisions blindées.
Aviation** : 4500 pour les alliés contre 3500 pour les allemands. On sait que sur le terrain cette supériorité ne sera pas utilisée car les avions anglais resteront en Angleterre et nombre de chasseurs français notamment les Dewoitine 510 et 520 ne pourront voler. Ce dernier valait pourtant le Messerschmitt 109 et bien que construit en trop petit nombre fut tout de même crédité de 147 victoires ! Le problème c’est que nombre d’avions ne seront jamais "bons de guerre" car leur armement, leurs hélices et leurs trains d’atterrissages avaient été démontés et stockés indépendamment des avions par peur des sabotages de la part des ouvriers des arsenaux réputés pacifistes ou communistes …
Dewoitine 520
On a souvent prétendu que la France n’avait rien vu venir, que ses gouvernements n’avaient pas réarmé. Mais qui se souvient que l’effort de la IIIème république y compris sous Léon Blum a été massif au point que déjà en 1932, elle était sur le banc des accusés lors de la conférence sur le désarmement** ? Si vis pacem para bellum (d'après Végèce dans Epitoma Rei Militaris) !

Alors, puisque les causes ne sont pas à chercher strictement dans la supériorité numérique, matérielle ou technologique,  y-a-t-il d’autres causes militaires ?

Les causes militaires de la défaite : stratégiques ou tactiques ?

On a prétendu que la stratégie défensive appuyée sur la ligne Maginot était une erreur. En réalité, il s’agit d’une véritable stratégie dont l’exécution sans faille aurait pu être gagnante. La ligne Maginot d’ailleurs ne fut pas prise d’assaut et ses équipages résistèrent. Il s’agissait d’une étape initiale devant ralentir ou concentrer l’attaque allemande pour la « pincer » en son point faible selon le mot de Gamelin (Généralisme français). Mais les plans allemands d’attaque de la Belgique ayant été éventés, ceux-ci firent l’impensable: passer par les Ardennes réputées infranchissables. Erreur conceptuelle du commandement français. Et les allemands le firent vite car personne n’a eu le temps de les « pincer » au sortir de leur concentration alors même que parfois leurs camions du soutien étaient complètement coincés dans des embouteillages ! 

La deuxième erreur française a été la lenteur. Il a fallu deux jours à Gamelin pour réagir à partir de l’arrivée de l’information de l'offensive dans les Ardennes. Trop tard, la percée sur Sedan était réalisée. Causes tactiques : les considérables moyens français n’ont donc servi à rien.

Le gros de l’armée allemande sur le terrain avançait aussi lentement que l’armée française. Elle allait à pied et à cheval. La différence : elle a concentré ses chars, ses avions et les a mis en relation par des moyens de transmissions modernes pour gagner rapidement l’avantage en portant son attaque sur le point faible français. Classique, comme en rugby, on oppose le lourd au léger et le rapide au lent ! Tactique encore.

Enfin, alors que le break était fait, l’état major continuait à négocier avec de Gaulle le regroupement des chars éparpillés sur tout le front dans des régiments d’infanterie, et se préparait toujours à une guerre longue alors que l'issue du combat était imminente. Pendant ce temps, le Führer, pensant à l'ancienne lui-aussi, ordonnait aux généraux Guderian et von Manstein  d’attendre le gros des troupes lentes. Ils désobéissaient et coupaient alors le front allié en Picardie. Ils s’exposaient à la double contre-offensive des anglais et des français de Gaulle mais qui fut menée avec des moyens trop limités. Bluff, vitesse et détermination. Tactique encore. Audace d’un côté, respect de la hiérarchie de l’autre.

A cela s’ajoute encore la concentration des camions porteurs de jerrycans d’essence côté allemand pour rendre leurs chars et leurs avions 100% opérationnels quand la logistique française obligeait de nombreux chars à rester immobiles faute de carburant ! Tactique une nouvelle fois.

Un mot sur le chef français, le Général Gamelin. Voici ce qu'en dit Churchill dans ses mémoires: « C'était un homme qui aimait son pays, plein de bonnes intentions et qui connaissait son métier. ». Ce qui est terrible, c'est ce qu'il ne dit pas. D'évidence Gamelin réputé intelligent et compétent n'était pas le leader situationnel qu'il aurait fallu !

Le Blitzkrieg coup de chance ou stratégie ?

Les historiens savent désormais que ce que je viens de résumer trop vite ne résultait pas vraiment
Jean Baptiste Eugène Estienne
d’une stratégie délibérée. Elle a été baptisée Blitzkrieg bien APRES par des journalistes pour la propagande nazie****. On en accorde la paternité de l'idée au général français et polytechnicien Jean Baptiste Eugène Estienne (ci-contre) qui plaida ainsi pour l'arme blindée autonome qui fut ensuite systématiquement refusée à de Gaulle:
« Imaginez, Messieurs, le formidable avantage stratégique et tactique que prendraient sur les lourdes armées du plus récent passé, cent mille hommes capables de couvrir quatre-vingt kilomètres en une seule nuit avec armes et bagages dans une direction et à tout moment. Il suffirait pour cela de huit mille camions ou tracteurs automobiles et de quatre mille chars à chenilles et montés par une troupe de choc de vingt mille hommes. »

En fait, il s’agissait pour la Wehrmacht tout simplement d’une action opportuniste classique de surprise servie efficacement par un collectif peu nombreux mais entraîné et bien équipé qui a parfois eu de la chance mais qui a surtout su profiter de la désinformation et de la désorganisation de son ennemi pour déployer rapidement une tactique déjà testée et sans trop de failles.

Les causes organisationnelles, humaines et mentales de la défaite

Mais alors, si l'infériorité française n’était ni matérielle, ni stratégique mais seulement tactique, comment la défaite a-t-elle pu être si massive, si totale, si définitive ? Comment n’y a-t-il pas pu y avoir, comme sur la Marne en 1914, un grain de sable et une inversion de tendance plus conforme au réel rapport des forces ?
Il y a eu des grains de sable, je cite ici l'article de Vaïsse dans le livre de Lopez et Wieworka**: "Lorsque les blindés et les troupes de Guderian foncent à travers les Ardennes, on assiste à un embouteillage géant de 41000 véhicules dans un étroit corridor dont les troupes françaises auraient pu profiter pour attaquer, mais les rivalités entre terriens et aviateurs retardent la décision d'intervention et la concentration des moyens allemands est telle qu'elle balaie la résistance française" ... L'organisation allemande n'était donc pas sans faille ... mais les français ne surent jamais prendre leur chance.

Nous venons d’ébaucher les causes tactiques. Côté français, le commandement de l’aviation bataillait avec celui de l’armée de terre, les avions n’étaient pas tous "bons de guerre", les chars n’avaient pas tous assez d’essence, ils étaient dispersés en appui de régiments d’infanterie. Et on croyait encore avoir le temps de s’organiser pour une guerre longue, on avait pris l'habitude depuis presque un an d'attendre passivement … 

Ce n’est pas la stratégie qui était erronée mais la manière de penser du commandement sur le terrain. Le leadership. La structure résultante était lente, dispersée, peu efficace, pas soutenue. Ainsi une énorme armée inerte a été vaincue par une force opérationnelle beaucoup plus réduite mais rapide, déterminée et soutenue. Le gros de la troupe n'a jamais combattu c'est d'ailleurs comme cela que je peux vous en parler car mon grand père, simple soldat, a pu traverser à pied les lignes allemandes après la percée de Sedan dans le trou laissé entre les blindés et les fantassins à pied. Il fut démobilisé près de Montpellier en n'ayant jamais tiré que sur des lapins !

Même si les chars Panzer ou les sirènes des Stukas ont pu causer des abandons de postes à certains endroits (voir l'épisode de Bulson** qui montre que la panique fut la seule véritable 5ème colonne de l'époque qui est encore un mythe), ce n’est pas non plus la valeur des soldats qui est en cause. Ce qui est en cause c’est l’emploi des moyens au bon moment et au bon endroit. Des causes tactiques ( processus d’organisation et de décision) comme le dit de Gaulle, qui découlent d’un processus mental  déphasé, inadapté, incapable d'apprécier le réel ni d’agir avec détermination. C'est le "leadership" français qui était alors en cause à l’exception notable de Gaulle et de quelques autres comme Estienne que l’on ne voulait évidemment pas entendre. Et aujourd'hui ?

L’amnésie historique et la légende nationale

Le drame de cette histoire, de notre histoire, c’est qu’en dehors d’historiographes sérieux comme Jean Lopez et Olivier Wieworka et leurs collègues**, personne ne semble en tirer les leçons profondes. C’est pour cela que je me demandais dans mon dernier article si les « gros pardessus » du rugby sauraient tirer les leçons de leur déroute. Car pour moi, les causes mentales profondes de ces deux désastres sont les mêmes : dogmatisme, aveuglement face au réel, absence de détermination, tactique déficiente. En bref un leadership déficient.

En effet, pour rebâtir la cohésion politique et sociale après la libération, ce même livre** montre que l’on a inventé des mythes : celui de la supériorité mécanique de l’Allemagne et ainsi les causes mentales et leurs conséquences tactiques ont été minimisées et oubliées. On a ensuite redoré le blason de la France a posteriori en la dotant d’une force nucléaire qui lui a garanti un temps un statut de grande puissance. On a encensé la Résistance ou le rôle retardateur des convois allemands tenu par les cheminots lors du débarquement en Normandie, glorifié des faits d’armes mineurs comme Bir Hakeim ou Koufra devenus de véritables mythes fondateurs de la République. 

En quoi tout ceci nous servirait-il aujourd’hui ?

En fait, sans vouloir ternir la mémoire des résistants, des cheminots ou des combattants « Free French », leur rôle militaire a été totalement anecdotique. De Gaulle et les gouvernements de la IVème république avaient l'impérieuse nécessité politique de ré-inventer un roman national glorieux. Et il est à craindre que cela ait conduit ceux de la Vème vieillissante à l’amnésie historique et ouvert un boulevard à la tendance actuelle à ne pas vouloir voir les réalités en face ni l'absolue nécessité de réformes profondes de l'Etat et de ses structures.

Les vieux généraux de 1940 se battaient pour que les nouvelles armes restent sous leur commandement au sein d'unités dépassées. Aujourd'hui élus et partis politiques préparent les prochaines élections se contentant d'intégrer à leurs discours les "éléments de langage" du moment. Or la logistique des régiments d’infanterie d’alors savait bien générer l’avoine des chevaux mais pas l’essence des chars ! Et de la même façon, on demande aujourd'hui à une armée de 5,7 millions de fonctionnaires de mettre en œuvre des mesures visant à accompagner et développer la compétitivité d’une économie dont ils ne connaissent rien et qui se fait à coup de ruptures technologiques et de changement de paradigmes … pendant que les capitaux disponibles irriguent surtout les structures chargées de les gérer.

Alors maintenant, voyez-vous comme moi ce lien désastreux qui n’en finit pas de se tisser entre les aveuglements du passé ou du sport-spectacle et ceux de la politique économique et sociale d’aujourd’hui ? Je serais ravi que vous me convainquiez de mon erreur. 

En attendant, je poursuivrai en vous proposant divers autres exemples de ce lumineux aveuglement, volontaire ou non, qui fait obstacle à un leadership efficace et je vous parlerai encore de ceux, comme de Gaulle avant 40, que l’on écarte ou que l'on ostracise pour l’avoir révélé.
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* Titre du livre de l’historien Marc Bloc, L’étrange Défaite, Gallimard folio 1990. (1ère éd 1946)
**  Les mythes de la Seconde Guerre Mondiale, particulièrement le chapitre 2 par Maurice Vaïsse
*** http://www.atf40.fr/ATF40/documents/Introduction.pdf
**** Karl-Heinz Frieser, Le mythe de la guerre-éclair; La campagne de l'Ouest, Editions Belin 2003 (1ère éd en allemand 1955) 

dimanche 25 octobre 2015

A nous de jouer maintenant ...

Comme je l’annonçais, ce blog renaît. Pour cette renaissance visant à réorienter le cours de nos pensées en nous appuyant sur des personnalités qui toutes ont fait le choix de sortir du cadre, j’aimerais vous faire rencontrer Raphaël Poulain. A ma demande, il a évoqué pour vous les conséquences de la défaite française en coupe du monde de Rugby. Nous éclaireraient-elles dans d’autres domaines ?

Le parcours de « superman »

J’ai rencontré Raphaël l’an passé lors de la préparation de son intervention à TEDxMinesNancy:

Voici un résumé de son parcours:
Raphaël a pris sa retraite à 28 ans, avant son père comme il dit. Les journalistes le présentaient comme le « Lomu français », aîlier rapide et surpuissant, il étourdissait ses adversaires, le public, la presse et les acheteuses des fameux calendriers. Raphaël avait été détecté encore ado par le Stade Français pour son physique hors norme. Il y a connut la gloire, la souffrance et la chute.
Le prodige n’aimait pas forcément se trouver là où on lui avait dit d’être au 7ème temps de jeu et se brouilla avec son entraîneur puis il y a eu la guigne des blessures à répétition. Bien qu’en pole position, il n’intégra jamais le groupe France et partit juste avant le sommet de la gloire puis se prit des murs dont il eut du mal à se remettre. Il entreprit de se reconstruire grâce à des rencontres, la philo et … le one man show.
Raphaël est donc un des premiers retraités du rugby pro façon Max Guazzini ( Emblématique artisan de la renaissance du Stade Français). Pas fortuné, c’est pourtant un bipède riche qui s’accomplit et qui parle comme il courait : tout droit ! Coach mental, il donne maintenant des conférences, réalise des audits de clubs, aide les jeunes et les autres malchanceux de son sport … Il est passé de la lumière à l’ombre et son point de vue peut nous donner quelques clés au-delà du rugby.

Partages-tu les analyses assez convergentes de la presse sportive sur cette défaite ?

Globalement oui. Tout le monde en connaît les causes. Dès la formation initiale, on formate les gamins pour « rentrer dedans ». On a sacralisé le corps, on a privilégié la taille et la masse et l’on a oublié le jeu, l’essence du jeu, le sens ! L’enjeu a tué le jeu et on s’est fait dépasser par la vitesse, l’intelligence et la qualité du jeu des autres équipes !
Penses-tu que cette défaite sera un déclic pour les changements structurels que les spécialistes de ce sport  attendent ?
Ca dépend. (Ndlr : Il ne se mouille pas trop ici et il ne déborde pas d’optimisme ! )
C’est une lutte de pouvoir. Le rugby et ses « valeurs » sont en fait englués dans un système patriarcal et autoritaire paralysé par les enjeux financiers. Notre rugby s’est enfermé dans ses certitudes et ses peurs. Il faudrait que l’on sorte de ce système et pas seulement que l’on remplace des hommes par d’autres. C’est peut-être le projet de Bernard Laporte, je ne sais pas s’il y arrivera parce que dans ce système-là, il n’est pas légitime pour tout le monde.
Nous étions dans le déni, cette défaite nous a plongés dans la colère (assortie du sentiment de porter des culpabilités diverses), il faut continuer à décliner les différents stades du deuil (marchandages, dépression, acceptation).
Il y a cependant un gros risque que se mette en place le triangle de Karpman (Ndlr : voir mon article ici) avec ses inévitables victimes et bourreaux qui ouvrent la porte à des sauveurs et que rien ne change au fond. Il serait bien que l’on recrée un environnement où l’individu décomplexé s’épanouirait en étant plus spontané et créatif et où dirigeants, éducateurs et parents arrêteraient de projeter leurs fantasmes sur les gamins sans parler de la presse et des sponsors qui veulent des gladiateurs… Du pain et des jeux façon prime time !
Il faut recommencer depuis la base. A partir des petits clubs qui sont en train de crever, redonner la joie de jouer aux jeunes et bien sûr donner du temps de jeu aux plus talentueux dans les grands clubs !

C’est pas gagné donc, fais-tu un parallèle avec d’autres choses de notre environnement ?

Oui, le non-dépassement des peurs est typique d’une société qui vieillit et qui a peur de se remettre en cause.  Notre sport en particulier est venu combler des vides. En le sacralisant, il a remplacé la religion pour certains.
Notre société a peur de l’homo, du musulman, de l’étranger … Et elle se fige. Le rugby n’est pas un cas isolé. Dans le rugby comme ailleurs, même sans forcément faire la révolution, des réformes étaient nécessaires que l’on n’a pas eu le courage de faire. Nous sommes vaincus en fait par nos peurs, notre pensée dogmatique et notre soumission à une autorité vieillissante et apeurée! 

Et toi, comment t’en sors-tu ?  Et le coaching ?

Fauché, je ne peux pour l’instant pas lancer mon projet de documentaire-vérité sur l’après-rugby (voir teaser ici). Mais aujourd’hui tout se remet en place pour moi. On me demande de prendre la parole dans des entreprises, je vais remonter sur scène et puis je vais être papa et ça, ça change tout !
Au début, j’ai surinvesti sur le corps, j’ai ensuite travaillé le mental puis se fut l’émotion et maintenant c’est la foi. Il fallait rééquilibrer tout ça. Il ne s’agit d’ailleurs pas forcément d’une foi religieuse. Peut-être que collectivement il nous manque quelque chose dans ce sens ?
Le coaching ? Non, je ne me vois plus trop comme ça. Pour moi le coach devrait être bio-dégradable…
Merci Raphaël.

J’aime beaucoup la personnalité de Raphaël, son côté ange déchu ne l’empêche pas d’être quelqu’un d’attachant, de généreux et à l’écoute, pas amer, quelqu’un que l’on se flatte d’avoir pour ami. En plus, c’est plutôt rare qu’un rugbyman revendique un passage par la philo et la psycho pour se relancer ! Comme aurait pu le dire Michel Onfray (il faudra que je vous reparle de cette autre original-là), il vaut mieux un rugbyman qui vit en philosophe qu’un prof de philo qui donne un cour . En tous cas, avec Raphaël, on ne s’ennuie pas. Pour moi, il incarne une figure potentielle du « leader » de notre temps.

En quoi sommes-nous concernés ?

Ce parcours atypique avec ce qu’il a d’excessif me semble un témoignage emblématique du sacré de notre époque qui est sur les stades et sur nos écrans et qui cause des dégâts. Ses stars sont utilisées puis jetées. La formation personnelle et le jeu ont été sacrifiés à cet objectif pour satisfaire les audiences qui consomment… Le show biz, les artistes, les élus politiques et même les entrepreneurs (pensez aux stars des start ups) et certains chercheurs suivent ce chemin.

Je vous raconte donc l’histoire de Raphaël, celle du rugby, celle de cette défaite car je crois qu’elles illustrent des changements en cours. Or l’échec, même discret et pas médiatique du tout, fait partie de la vie. Aucune « positivité » ne peut faire l’économie de l’échec et de ses vraies causes.

Le mot de la fin

Pour terminer, je voudrais rendre hommage au vaincu du moment (ça a fait rire Raphaël !), à celui qui se transforme maintenant en victime culpabilisante et que l’on érigerait volontiers en bouc-émissaire. Je veux parler de Philippe Saint André, le sélectionneur des Bleus, que j’aimais comme joueur et dont le moins que je puisse dire est qu’il est l’un des pires orateurs que j’ai pu observer et sans doute pas le leader dont les Bleus avaient besoin. Il a prononcé dans le Midi Olympique de lundi cette phrase que je choisis de prélever et de conserver :
« L’échec, ce n’est pas de tomber, mais de rester où l’on est tombé* ».

Raphaël s’est relevé, j’en souhaite autant à nos Bleus et à la société française.
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*Paru page 8 du Midi Olympique du Lundi 19 Octobre 2015. La citation exacte d’origine serait plutôt : « La chute n’est pas un échec, l’échec c’est de rester où l’on est tombé ». Elle est attribuée à Socrate et est un classique du Développement Personnel.  Décidément, la philo inspire les coaches du rugby ces temps-ci !

dimanche 4 octobre 2015

Neuf mois déjà !

Neuf mois que ce blog était resté muet ! Voici un petit billet pour le relancer sous l'angle suivant: oser contredire ce que nous aimons bien croire ou ce que nous croyons bien d'aimer !

D'autres écrits ...

Un livre va sortir le mois prochain chez Eyrolles sur la prise de parole sous l'angle de TED/TEDx. Le
Dire et le Faire, ce blog-ci n'en rendra pas compte car un autre blog, spécialisé, le fera et traitera par la suite de TED et de prise de parole, je donnerai le lien en temps utiles.
A TEDxIESEGParis 2014

Ce blog-ci était parti de la nécessité que je ressentais de Dire (partager) des réflexions, des faits, des opinions en vrac étant convaincu que ce partage tous azimuts était utile pour "Faire". En tous cas, ce Dire-là m'a conduit à Faire d'autres choses et du coup je n'ai plus autant de temps à lui consacrer. 

Alors, j'ai décidé de poursuivre l'expérience mais sous un angle plus précis et moins fréquemment qu'avant car je n'ai, comme nous tous, qu'un temps compté. ...

Ca va gratter ...

Mes derniers articles ont pu être contrariants pour certains lorsque j'allais contre le "pas d'amalgame surtout", slogan qui cache les véritables difficultés de l'Islam en France et en Europe et de  l'immigration ... Idem lorsque j'ai parlé des difficultés de la société STVI face à une haute administration incompétente, corrompue et hors contrôle. Sujets tabous.

Je ne creuserai pas spécialement le thème de l'Islam. J'aborderai divers thèmes qui font le buzz (ou pas) autour de personnalités le plus souvent controversées et dont le travail est étiqueté, dévoyé,  détourné, mis à l'index ... et donc ignoré dans ce qu'il a d'utile de mon point de vue.

J'évoquerai aussi des ouvrages ou des recherches moins connues qui révèlent des impostures ou qui détruisent des tabous. Ils ont tous en commun d'aller contre diverses doxas académiques, économiques, médiatiques et politiques.

Je voudrais donner mon petit échos piquant à cet heureux désir de remise en cause franche qui pointe un peu partout (les anciens grecs parlaient de "parésia") alors qu'il n'inspire que de stériles polémiques dans la presse moralisatrice de gauche et de droite ou il est de bon ton souvent d'être "positif" et "politiquement correct". Je dirai donc du bien de certains dont il est bien de dire du mal !

Choisir les histoires que l'on se raconte

Il y a en effet dans nos têtes de nombreuses histoires véhiculées par notre éducation, notre enseignement, nos directions, nos gouvernants et nos médias y compris et beaucoup sur le net. Or notre cerveau aime les histoires, ma recherche à l'occasion de mon dernier livre autour de TED me l'a montré... Et il est tellement facile de se raconter des histoires qu'il m'apparaît essentiel d'apprendre à identifier les croyances qui en découlent et qui finissent par nous déposséder de l'envie ou de la capacité à choisir et à Faire, seuls ou collectivement.

Certains se font une spécialité de les déboulonner. Si l'on veut bien aller au delà des anathèmes médiatiques à leur sujet, on peut apprendre et progresser grâce à eux sans forcément partager toutes leurs opinions ou leurs outrances. Il en va de même de publications plus confidentielles où là c'est le silence qui est assourdissant !

Intellectuels médiatisés, chercheurs peu connus, entrepreneurs et innovateurs de l'ombre ou de la lumière c'est selon, ces empêcheurs de penser en rond, ces chasseurs de mythes nous aident à retrouver un peu d'indépendance d'esprit. J'évoquerai donc ici ceux qui me semblent crédibles et utiles quand ils contredisent ce que nous aimons bien croire ou ce que nous croyons bien d'aimer !

samedi 24 janvier 2015

Nous aussi nous sommes de sales français

Pour dépasser le slogan sur "l'amalgame" Islam/islamisme, voici une proposition de sortie par le haut.
Ghaleb Bencheikh

Je vais me contenter de prélever quatre courtes citations d'une  intervention de Ghaleb Bencheikh que j'ai présenté dans notre précédent article. Il résume le point de vue d'un collectif de français musulmans nommé: "Nous aussi nous sommes de sales français":

"En tant que musulman, ... il y avait une lâcheté à ne pas suffisamment dénoncer les dérives meurtrières au nom de la tradition islamique... et ceux qui le faisaient ne trouvaient pas suffisamment de tribunes médiatiques pour relayer leur clameur occupées qu'elles sont par leur focalisation sur le vil, le pervers, le maladif ..." (Voir ici, l'article du Figaro ).

"Nous n'avons pas fait le travail de sortie des enfermements doctrinaux ..."

"Les imams ont un rôle fondamental ... or nous avons assisté à des auto-proclamations ... certains (de ces imams) sont ignares et incultes ..."

"Puisque le concordat existe .... en profiter pour former des imams français !"

Il s'agit d'un enregistrement de l'émission de France Inter le 26 Septembre 2014 à 13h. L'actualité d'alors portait sur l'exécution d'Hervé Gourdel en Algérie.



En quoi sommes-nous concernés ?

Plutôt qu'un repli apeuré sur soi, une stigmatisation aveugle ou une langue de bois relativiste molle ... et si notre pays renvoyait les obscurantistes à leurs chères études en créant une véritable "Université Coranique Libre d'Europe"? Après tout, notre pays n'a-t-il pas toujours eu des prétentions universalistes ? N'a-t-il pas eu l'art de créer des "Grandes Ecoles" ?

C'est le moment, l'Islam (sunnite) qui, par nature, n'a aucun centre et aucun clergé y trouvera peut-être une réponse à ses obscurantismes régressifs tenaces.

Avoir été le déclic d'une telle vague serait en outre une revanche posthume extraordinaire pour les victimes des derniers attentats ... Rêvons !







vendredi 16 janvier 2015

Islamalgame ou islamaction ?

Après l'émotion des attentats, il est urgent d'avoir les idées claires sur l'Islam et de refuser les slogans faciles sur l'amalgame pour enfin agir réellement.

Prendre acte du fondamentalisme musulman

Pour un musulman fondamentaliste, comme il n'y a (par définition !) qu'une seule interprétation possible des textes, la sienne ou celle de son imam, les caricatures de Charlie Hebdo même celle de la dernière Une du journal (qui ne casse vraiment pas trois pattes à un canard selon moi !) est forcément impie, attitude que partagent même les officiels d'un pays "ami" comme le Maroc, voir mon article ici. Pourtant, d'autres musulmans, érudits eux, ont une autre opinion sur ce point particulier comme sur les dogmes de l'Islam en général ... 

L'étude SCIICS du WZB de Berlin que je citais dans mon avant-dernier article et dont les média ne semblent pas avoir connaissance est précieuse car, en termes scientifiques, elle définit le mot "fondamentalisme". En plus, elle constate empiriquement que l'écart entre les attitudes fondamentalistes des immigrés musulmans d'Europe et les populations locales des six pays de l'enquête est TRES significatif.

Mais en tant que non-musulman, ce débat ne me concerne que de l'extérieur. Je vais donc simplement me contenter de citer trois intellectuels musulmans dont je voudrais me faire l'échos qui appellent de leurs vœux un "toilettage" nécessaire des dogmes et des traditions de l'Islam :

Dépasser le slogan sur l'amalgame, le terrorisme, c'est aussi l'Islam: Naser Khader
  
Sauf disqualification sur le plan scientifique de l'étude pré-citée , il n'y a pas à ergoter pour savoir si ce constat est "fascite" ou autres. Je le considère comme un fait et je ne suis pas le seul, de nombreux intellectuels musulmans vont même plus loin, extrait du Figaro:

"Naser Khader [ancien membre du parlement danois, syrien d'origine]affirme qu'Obama et Hollande «n'aident pas» en répétant sans cesse que les
Crédit photo: Le Figaro
terroristes n'ont rien à voir avec l'islam. «Je ne suis pas d'accord. C'est l'islam aussi. En refusant de le reconnaître, les Occidentaux ne nous rendent pas service, à nous les musulmans démocrates. Car comment se battre si on n'identifie pas clairement l'ennemi?» 

Naser Khader se dit en revanche favorablement impressionné par les récentes déclarations du président égyptien al-Sissi qui a appelé à une révolution dans l'islam. «Il faut qu'il aille plus loin, dit-il. Qu'il explique qu'on ne peut continuer de tolérer que les juifs soient traités de singes et les chrétiens de cochons dans les mosquées égyptiennes.» 

«Il est très important que le pouvoir politique donne l'exemple, car les grands centres théologiques comme l'université al-Azar ne bougeront que s'ils se sentent soutenus», conclut Khader."

Remettre en question les dogmes de l'Islam : Abdenour Bidar

Crédit photo: Ouest France
Il a 43 ans, il est docteur en philosophie, agrégé de philosophie et normalien. Il est français issu d'une famille de convertis à l'islam par le soufisme (mystique islamique), spécialiste des évolutions de l'islam contemporain et des théories de la sécularisation.

Ses ouvrages: Un islam pour notre temps (Seuil, Paris, 2004), Self Islam, Histoire d'un islam personnel (Seuil, Paris, 2006), L'islam sans soumission, Pour un existentialisme musulman (Albin Michel, Paris, 2008), L'islam face à la mort de Dieu, Actualité de Mohammed Iqbal (François Bourin, Paris, 2010), Comment sortir de la religion ? (La Découverte, Paris, 2012).

Extrait d'un article de Ouest France du 15 Octobre 2014: "

"[Islam]Tu as choisi de croire et d'imposer que l'islam veut dire soumission alors que le Coran lui-même proclame qu'« il n'y a pas de contrainte en religion » (La ikraha fi Dîn). Tu as fait de son appel à la liberté l'empire de la contrainte ! Comment une civilisation peut-elle trahir à ce point son propre texte sacré ? Je dis qu'il est l'heure, dans la civilisation de l'islam, d'instituer cette liberté spirituelle - la plus sublime et difficile de toutes - à la place de toutes les lois inventées par des générations de théologiens !"

Vous pouvez lire par ici une version plus récente de cet article, suite aux attentats, parue dans le Huffington Post. Voilà une vision de la situation de l'Islam français qui me parle déjà bien plus que le slogan: "gardons-nous de faire des amalgames !" rabâché par les vieilles barbes qui représentent les musulmans de France et que reprennent sans réflexion nos politiques.

"Upgrader" la gouvernance de l'Islam: Ghaleb Cheibek

55 ans né à Djeddah en Arabie saoudite, il est un docteur en sciences et physicien franco-algérien. Fils du Cheikh Abbas Bencheikh el Hocine et frère de Soheib Bencheikh, ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris et ancien mufti de Marseille, il présente l'émission Les chemins de la foi" diffusée sur France 2 le dimanche matin. Il préside la Conférence mondiale des religions pour la paix, ce qui l'amène à de nombreuses interventions en France et à l'étranger. Ghaleb Bencheikh vulgarise les thèses de son frère Soheib. Voici ce qu'il disait le 13 Janvier dans une interview à Catherine Schwaab de Paris Match:

"On continue d’utiliser l’outillage intellectuel de l’époque du Prophète, le 7ème siècle pour comprendre ce texte [Le Coran]. Or on a aujourd’hui besoin ... des Sciences de l’Homme et de la Société pour élaborer l’islam de l’humanisme et du progrès. Il y a des tabous à transgresser, des passages du Coran dont les incidences sociales sont totalement inapplicables et donc sont à déclarer caduques, il faut déplacer l’étude du sacré vers d’autres horizons cognitifs et porteurs de sens dans l’ère contemporaine. C’est un chantier titanesque."

"Comme citoyen, je suis représenté par mes élus. Mais là, je ne me sens pas plus représenté par le Président du CFCM [Hassan Chalgoumi, (imam de Drancy)], un homme fatigué et malade – à qui nous souhaitons un prompt rétablissement - [ni par] ... Dalil Boubakeur,  (recteur de la Grande Mosquée de Paris et Président du Conseil Français du Culte Musulman) , figure sur-fabriquée qui ânonne des évidences. Ce n’est pas la calotte qui fait l’imam, c’est son savoir ! C’est bien d’avoir du cœur, mais cela ne suffit pas. On n’a que faire des personnages falots. Cela entérine l’image médiocre qui colle aux musulmans."

Voici une vidéo qui analyse calmement ce qu'est l'islamophobie (même si j'ai de sérieuses réserves sur R. Ramadan, l'invité). Elle est passée dans l'émission de G. Bencheick : 

Prendre nos responsabilités

Je voudrais finir par ce dernier extrait d'un même article et du même témoin (G. Bencheick):
http://www.ina.fr/video/CAB89042091
"Si on avait réagi il y a vingt-cinq ans quand deux gamines se sont pointées au collège de Creil avec un voile et qu’elles ont été exclues, on aurait peut-être stoppé une sinistre régression. Les hiérarques de l’islam et de France auraient dû clamer d’une seule voix, d’un seul élan qu’emmitoufler une fille en compromettant sa scolarité était inacceptable, point. Plutôt que laisser des minables faire croire à des jeunes que s’ils voient  - ou montrent  - une touffe de cheveux, ils - et elles - périront par le feu de l’enfer !! Mais non, on a démissionné, et aujourd’hui, on a le tchador! "

Ceci fait bien comprendre que nos élus qui ont effectivement bien géré la crise récente sur les plans médiatique et policier ne doivent pas se contenter de gérer l'émotion au profit de leur image par de simples slogans comme le débile: "évitons les amalgames". Ils doivent impulser un changement majeur avec les musulmans de France. 

Il y a du boulot et cela demande de véritables compétences politiques et un vrai leadership aussi bien chez les élus du culte musulman que chez les élus de la République. Il n'est plus temps pour nos politiques de jouer à être des intellectuels adeptes du "relativisme culturel", il y a un chantier concret à lancer et vite avant que les banlieues ne s'enflamment à nouveau. Et c'est un chantier essentiel que seul l'Etat peut prendre en charge. Et là son rôle ainsi que celui des politiques est incontestable !