lundi 27 juin 2016

TEDxBrexit Episode 1 : « comment sortir d'une vraie crise ? »

Le Royaume Uni quitte l’UE. Je n’y croyais pas. Mais, c'est fait. 

Au lieu d'en avoir peur, de chercher à minimiser  l’événement ou de vouloir punir les Britanniques, c'est à dire réagir comme les médias cherchent à nous faire réagir habituellement, je me suis demandé s'il n'était pas possible parler de cet événement sous l'angle utile du traitement d'une crise. Parlons-en comme nous le ferions si nous avions à monter un TEDx sur un sujet qui serait « surmonter la crise » que nous l'appellerions par hypothèse: TEDxBrexit.

Oser un regard différent

Pourquoi parler de TEDx ici ? Parce que cet ensemble d'événements et ce mouvement s'affirment non pas seulement comme un média alternatif mais comme une méthode délibérée permettant, au contact de gens de convictions, éduqués et imaginatifs de visualiser la réalité selon un tout autre prisme que celui que proposent nos médias habituels.
  1. Première hypothèse : je vais donc vous proposer une série d'articles comme si j'avais à traiter des crises en partant de celle du Brexit, exactement comme si j'étais le curateur de cet hypothétique TEDxBrexit.
  2. Deuxième hypothèse : acceptons de partir de l'état émotionnel dans lequel nous plonge collectivement le choc du Brexit.
A partir de ces deux hypothèses, voici donc le premier « talk » que j'aimerais entendre pour commencer à regarder les choses autrement en essayant de voir si les étapes du deuil pourraient convenir à la situation européenne.

Accompagner un deuil : un outil

Pour cela donnons-nous un petit outil psychologique, le schéma émotionnel empirique des étapes du processus de deuil tel que mis en évidence à l'échelle individuelle par la psychiatre Elizabeth Kübler-Ross (photo
ci-contre). Suivant les versions, il y aurait entre 4 et 7 phases. J'ai choisi de les regrouper en 4 pour faire court. :
  1. le choc : l’annonce d’une rupture, conduisant à un constat, elle laisse le sujet sans émotion apparente. Le terme de sidération peut convenir pour qualifier sa réaction. Lui succède le déni : le refus de croire l'information. Sont utilisés des arguments et la contestation. Le rejet de l'information fait place à une discussion intérieure ou/et extérieure.
  2. la colère et le marchandage... : confrontation avec les faits qui engendre une révolte, tournée vers soi et vers les autres.
  3. La tristesse : état de désespérance. « Ce n’est pas juste, mais pourquoi ? » . Puis vient la résignation : abandon de la lutte au cours de laquelle le sujet a le sentiment d'avoir tout essayé pour revenir à la situation perdue.
  4. L'acceptation  de la perte : le sujet devient capable de garder les beaux moments mais aussi les moins bons. Il retrouve confiance. Puis vient la reconstruction : le sujet en deuil prend conscience qu'il est en train de se réorganiser pour répondre aux obligations liées à sa vie en société.
Brexit, une crise « familiale »

Par hypothèse, nous vivons donc un déchirement presque familial car comme le montrent la photo
ci-contre, les peuples sont devenus beaucoup plus proches qu'il y a deux générations. Le déchirement est indéniable. Par exemple, beaucoup de Britanniques ont acheté leurs maisons de retraite en France (en Normandie ou dans le Périgord), Londres est devenue la deuxième ville française ou presque avec tous ces jeunes français qui travaillent dans les restaurants, les banques, la City ou les start ups … Les étudiants en programmes Erasmus ou autres se déplacent librement dans toute l’Europe et adorent cela comme l’ont fait mes enfants eux-mêmes ...

Brexit, un deuil collectif

Nous vivons donc le choc d'une séparation parfois personnelle. C'est ce que traduisaient les titres au lendemain du vote. Notre réaction suivante est bien le déni : « ce n'est pas possible, et puis cela ne changera rien ... ». J'ai écouté notamment des économistes comme Jean Marc Daniel que j'apprécie beaucoup par ailleurs, nous expliquer avant et après l’événement sur BFM Business qu'il y aurait des adaptations sur les marchés et que l'on adapterait les traités mais que l'un dans l'autre, rien ne changerait vraiment … On ne veut pas y croire. Même les partisans anglais du « Leave » négocient maintenant des délais. On pense qu'on va se réveiller pour constater que l'on a fait un mauvais rêve …

Mais peine perdue, passée la stupeur initiale et cette phase de déni, il faut se rendre compte que la réalité est bien là. Vient alors la colère de certains : « on va le leur faire payer ! « On va leur envoyer les immigrants qui campent à Sangatte ! » ou bien nos gouvernements veulent aller vite. A Londres, certains tentent un marchandage avec cette pétition qui a déjà reçu des centaines de milliers de soutiens et qui vise à proposer l'indépendance de la ville de Londres pour lui permettre de revenir dans l'Union ! »

Bientôt tristesse et résignation arriveront à leur tour. Et il va falloir agir pour accepter et reconstruire autre chose. Personne ne sait ce qu'il va en sortir. Par contre, au niveau émotionnel, la famille se sépare bel et bien, c'est donc bien d'un traumatisme que nous parlons, c'est donc bien un deuil que nous allons vivre, mais un deuil de quoi au juste ?

Brexit, une crise en Europe

D'évidence, le départ du Royaume Uni de l'Union pose un problème existentiel à celle-ci. Il n'est pas question ici comme en 2005 à l'occasion du référendum français sur le traité de Maastricht de passer outre le résultat du scrutin, et dans ce sens, il est heureux que les Britanniques, eux, à la différence du Gouvernement Sarkozy, respectent leurs électeurs … Il demeure que pour le reste du monde, cette séparation fait désordre et diminue la crédibilité de l'Europe pourtant déjà bien faible.

Les plus réalistes des commentateurs nous font savoir que cet événement doit nous obliger à repenser le fonctionnement de l'Europe et j'ajouterais que pour cela, il serait urgent de pouvoir répondre de manière actualisée à la question : « Pourquoi l'Europe ? » Nous avions l'habitude de répondre à cette question par le fait que sans nul doute, l'Europe avait permis de sortir de la spirale des guerres des XIXème et XXème siècles. 

C'est vrai, le processus d'intégration a produit cet effet bénéfique-là et pourtant, il est simplement réaliste de constater que depuis 20 ans, il ne se passe plus rien. Peut-être ce processus a-t-il fait son temps ? Peut-être faut-il maintenant à l'Europe une autre gouvernance ? Et pour cela, il lui faut un autre projet. J'aurai l'immodestie d'en proposer quelques-uns dans les prochains articles qui nous permettrons de regarder au-delà de la France et de l’Europe et au-delà du court terme.
Brexit, une crise nationale, des crises nationales
D'évidence également, le Brexit pose un problème existentiel au Royaume Uni. L'Ecosse a voté majoritairement pour le « Remain » ainsi que l'Irlande du Nord et que la ville de Londres. Si l'Ecosse décidait d'actualiser sa position et de rester dans l'Union, son Premier Ministre parle de référendum pour quitter le Royaume Uni … 300 ans d'histoire commune suite aux « Actes d’union » s'achèveraient donc … et le célèbre Union Jack n’aurait plus de raison d’être !

Et tendons l'oreille du côté de ces partis que l'on appelle « populistes » partout en Europe. Comme le Ukip britannique, ils demandent un référendum et que l'on le respecte. Déjà, on annonce plusieurs pays partants … De nombreuses crises nationales couvent donc un peu partout car c'est la place et le rôle des Etats nationaux qui est indirectement questionnée.

En France, on entend M. Fillon nous dire par exemple que si le couple Franco-allemand est en panne et donc la dynamique européenne, c'est parce que les allemands n'ont plus confiance en la France. Et comment leur donner tort quand les français eux-mêmes n'ont plus confiance en leurs gouvernants, droite et gauche confondus ?

Cette confiance envolée est à relier avec l'impossibilité apparente de notre pays à se réformer sur le plan de ses institutions politiques et représentatives. Comment la France entendrait-elle donc peser sur les affaires de l'Europe et du monde ?

Au-delà du pourquoi de l'Europe, c'est donc indirectement le pourquoi de la France et de pas mal d'Etats européens qui se pose en plus de celui du Royaume Uni. Quand une famille se désunit, c’est toute la famille qui souffre.

Après le Brexit, vers une nouvelle forme de gouvernance ?

Remise en cause des Etats et du Super-Etat européen dans un contexte « global » quelles que soient les remises en causes sociales que cela implique, grande facilité de communication et d'information grâce au web et malgré les risques de « hold up » informationnels que cela implique sous forme d'idées-reçues et de théories du complot … tout cela indique comme je le dis dans ce blog depuis plusieurs années que c'est à une crise majeure de la Gouvernance que nous faisons face. Une crise où les types de contrôle et de pilotage que nous connaissions : représentation politique, « démocratie » appuyée sur des partis centenaires, syndicats et autres institutions représentatives tout aussi anciennes et financées par l'Etat ont perdu depuis longtemps toute légitimité, toute crédibilité et toute représentativité. Ouille, ça se corse !

Passer au-delà des émotions immédiates à l'issue d'un événement aussi critique que ce Brexit, impose de se questionner vraiment et sans indulgence avant de pouvoir accepter et reconstruire de nouveaux projets. Et là, ce n'est pas gagné car il semble que nos politiques, leurs commentateurs des médias ordinaires et in fine leurs électeurs sont loin d'avoir le niveau d'exigence, de conscience et d'appétit de savoir et d'action que les experts qui parlent dans les TEDx ni que leur public.

Et pour quels projets ?

Pourtant, c'est à partir de mes expériences récentes et de mes rencontres TEDx que je me permettrai dans mes prochains articles d'évoquer des projets ambitieux et qui dépassent l’événement mais possibles pour l'Etat-France et peut-être pour nos alliés d'Europe et d'ailleurs car ce que l'on entend dans les Tedx me semble de nature à relancer le rêve et sans doute aussi quelques actions majeures le temps que la Gouvernance encore en vigueur fasse sa mue.