mercredi 18 novembre 2015

4 batailles pour gagner une paix

Les attentats du 13 Novembre obligent la gouvernance française à un changement radical. Or les postures dogmatiques de nos gouvernants "rassemblés" dans l'adversité, reprises et amplifiées par le cirque médiatique, sont-elles à la hauteur des quatre défis qu'il nous faut désormais relever ? Respectons-nous assez notre ennemi pour le combattre vraiment, le vaincre et finalement parvenir à une paix avec lui ?

Une Morale de guerre !

C'est la guerre a dit notre Président ! Cette guerre se fait désormais chez nous: des civils fanatisés et suicidaires tuent d'autres civils: des "victimes innocentes", nous. Je rends, moi aussi, hommage à la mémoire des victimes des attentats, ... nous en connaissions certaines. 

Que sont des "victimes innocentes" ? Les victimes ne sont-elles pas innocentes par nature ? La mort d'un soldat en uniforme au front est peut-être moins choquante. Mais pourquoi cette victime-là serait-elle moins innocente ou plus coupable qu'une mère de famille et ses enfants tués par un V1 à Londres en 1944, par une bombe incendiaire américaine à Dresde le 13 Février 1945, un attentat de DAESH dans le quartier chiite de Beyrout ce même 13 Novembre 2015 ou par une bombe française de représailles à Raqqa le 14 Novembre 2015 ? Toutes sont les innocentes victimes d'une égale Morale guerrière ...! A noter: un mort sur deux de la seconde guerre mondiale était un civil.

Nos victimes innocentes à nous sont vues par l'ennemi comme des "croisés idolâtres et pervertis". Celles que nous causons sont invisibles ou simplement présentées comme de regrettables dommages collatéraux. Comme dans tout conflit, deux morales symétriques et opposées s'affrontent. Le monstre, c'est l'autre. C'est pourquoi la Morale "transcendante" ne fait pas bon ménage avec la lutte opportuniste pour la victoire.

Un Moral de guerre !

Pour l'heure, la guerre doit être conduite sur les terrains où celle-ci a lieu. Les jugements moraux, les émotions légitimes ne peuvent tenir lieu de réflexion. Puisque le combat se livre à la terrasse de nos cafés, c'est là qu'il faut commencer le combat ! Un pays développé le sait depuis sa création contestée qui a pris des mesures dans ce sens: Israël est à la pointe de la lutte anti-terroriste. 

Ce qui me dérange chez nous, c'est qu'en dehors des forces spécialisées anti-terroristes, nous n'avions pas jusqu'ici adopté un "moral de guerre". Nous avions semblé ne pas vouloir voir la réalité en face. Comme en 1940 (lire ici), nous semblions nous obstiner à vouloir livrer d'autres batailles que celles qui s'imposent à nous. Nous avions manqué de réalisme et de détermination. Cette attitude, si elle se maintenait, conduirait à la défaite dans les quatre batailles que nous devons livrer maintenant.

1/ La bataille sur le front civil intérieur

Nous avons d'un côté des civils désarmés qui attendent les secours, des secours peu armés ou peu formés qui appliquent la procédure et attendent l'intervention des forces d'élites (RAID, GIGN ...). En face, des individus dotés d'armes automatiques prêts à se faire exploser sans tarder ... Des moutons face à des bombes humaines ! C'est sans doute ce qui a fait dire à Donald Trump (vidéo ici) que si les français n'avaient pas la législation la plus restrictive du monde sur les armes, la situation aurait été différente. Possible ... Mais je crains que le problème ne soit pas qu'un problème d'armes. 

Alors que faire ? 

Commencer par refuser partout l'inéluctable, résister à tous niveaux dans la mesure du possible comme l'ont fait trois passagers du Thalys du 24 Août 2015 ! Il faut que les assaillants sachent que ça ne sera pas du gâteau. Je crois que c'est ce qui s'est passé autour du Stade de France ... Dans ce cas, le pire a été évité, les "kamikazes" se sont fait sauter à vide !

Puis prendre l'initiative comme ce qu'on fait les policiers du Raid ce matin à Saint Denis.

2/ La bataille sur le front militaire extérieur

Nous figurons parmi les auteurs des frappes aériennes. C'est ce qui nous vaut des attentats sur notre sol. Nous allons envoyer plus de moyens mais est-ce crédible quand nous proclamons par ailleurs notre doctrine de ne pas intervenir au sol, quand nous savons ne pas pouvoir déployer plus de 5 ou 10000 hommes sur un quelconque théâtre d'opérations et quand les américains ont perdu la paix en Irak et en Afghanistan alors qu'ils disposaient de beaucoup plus de moyens que nous ?

Pour vaincre sur ces deux fronts et après avoir accepté de voir les choses en face et être sortis de notre déni actuel, il faudra revoir nos positions. Sur le plan diplomatique, les lignes changent avec le retour de la Russie sur la scène mondiale. Sur le plan interne, les drastiques réformes que nous n'avons pas su faire en temps de paix vont devoir être faites pour investir des moyens adaptés afin de renforcer nos forces sur tous les fronts ou alors nous nous payerons de mots ... Mais il y a un troisième front ...

3/Livrer et gagner la bataille idéologique

Un tout petit nombre de jeunes ou de moins jeunes islamistes radicalisés mène l'offensive sur les deux fronts précédents parce que l'ennemi les a convertis sur le plan idéologique. Ce petit nombre d'infiltrés ou de convertis, ennemis de notre société comme jadis la bande à Baader ou les brigades rouges, suffit à nous scandaliser et à nous glacer d'effroi. Dans la bataille idéologique, c'est une victoire de l'ennemi. Il faut travailler sur ce plan. Sortir du déni et apprendre qui est l'ennemi et pourquoi il nous hait; peut-être apprendrons-nous au passage quelque chose sur nous-mêmes ?
Des prédicateurs fanatiques à la solde d'une puissance étrangère (DAESH et d'autres groupes) détournent un discours religieux et en vaccinent une partie de notre population immigrée ou apparentée, déçue et marginalisée, et dont une minorité importante (voir mon article ici) est culturellement prédisposée à faire passer sa religion avant nos lois et nettement plus dans quelques cas précis.

Et quelle est l'idéologie de cet ennemi ? Pour cela reportons-nous au texte de DAESH (lire ici) qui revendique les attentats: la sourate 59 verset 2 du Coran interprétée au pied de la lettre et au mépris du contexte historique assaisonné d'un discours sur l’idolâtrie et la perversité des croisés qui ont attaqué les premiers (et là c'est vrai !). Cette idéologie fanatique est aussi simpliste que le style et l'orthographe de ce communiqué. Pourtant, elle fait mouche et mobilise ceux que l'ennemi a su écouter et récupérer, lui, et qu'il présente comme des héros de la foi, pendant que nous les flattons en en faisant de grands guerriers sanguinaires, des monstres surpuissants ce qu'ils ne sont qu'en regard de notre sidération et de notre effroi . 

4/ Livrer la bataille contre nous-mêmes: réveiller notre société amorphe
Face à cela que propose l'Etat français ? Les services de renseignements et de police travaillent sur les conséquences, et plutôt efficacement, mais qui se préoccupe des causes idéologiques profondes ? Quelles sont nos armes idéologiques face au détournement du Coran et au bourrage de crânes de nos ennemis ? Nous brandissons nos lois que nous n'appliquons que si l'état d'urgence est déclaré et nous évoquons nos valeurs républicaines ... mais nous ne savons même plus les définir ! Ah si un grand dirigeant en a rappelé trois: "Liberté, Égalité, Fraternité"...  C'était Barack Obama ! 

Nous sommes-nous endormis à ce point que notre société n'a plus rien à proposer et ne se souvient plus de ses propres valeurs ? Ne peut-on réagir à cette double médiocrité intellectuelle (celle de l'ennemi et la nôtre aussi) en allant porter la contradiction à la source: dans les écoles, les mosquées, les cités pour tenir un autre discours ? (lire mon article ici) Sommes-nous enfin décidés à livrer cette bataille-là aussi ou allons-nous laisser le champ libre à une idéologie religieuse crasse et régressive ?

Respecter l'ennemi pour gagner la paix !

Si nous relevons les quatre menaces précédentes, nous aurons regagné le respect de nous-mêmes et nous serons en mesure de gagner ces batailles et d'autres. Mais gagner les batailles n'est pas le vrai but d'une guerre. Son vrai but est de gagner la paix. Je citais plus haut en exemple Israël qui a su relever le défi de la guerre et créer une société originale et dynamique en plein désert mais qui de toute évidence ne semble malheureusement pas en bonne voie pour gagner la paix. Avant comme après la reddition de l'ennemi, gagner la paix nécessite d'entrer vraiment en relation avec lui, en quelque sorte de le respecter lui-aussi. Oui il faut accepter et respecter le monstre pour mieux le liquider ou le dompter ! Je vous renvoie à cette belle intervention de Jean Pierre Massias sur les traités de paix et les préalables à la négociation (lire mon article et visionner ici sa vidéo TEDx)

Or quels sont les mots d'ordre que j'entends ? 
Avec qui voulez-vous faire la paix si ce n'est avec votre ennemi ? Comme voulez-vous vivre en paix avec des gens qui vous ignorez ?

La guerre ne nous débarrassera pas de 100% des terroristes ... c'est l'inverse qui se passe. La violence renforce la violence aveugle, l'ignorance crasse et les discours religieux vengeurs. Bush voulait abattre Saddam Hussein et Bin Laden pour que tous les régimes anti-démocratiques s'effondrent autour d'eux comme des dominos. Même discours de Sarkozy sur Kadhafi. Et désormais, en plus des talibans et d'Al Quaïda, nous avons DAESH, Al Nosra etc ...! Dans nos cités de banlieue comme à Gaza, après avoir rétabli notre autorité par la force, si nous ne respectons pas assez ceux qui nous haïssent, quitte à les détruire, jamais nous ne gagnerons la paix ! 

Nous sommes tous concernés

Nous avons donc une chance ... mais pour cela nous devons d'abord voir les choses en face, nous doter des moyens nécessaires et agir de façon déterminée pour gagner la guerre sur les quatre fronts où nous sommes engagés. Gagner la guerre nous fera regagner notre propre respect de nous-mêmes mais pour ensuite gagner la paix, il nous faudra apprendre à connaître et à respecter l'ennemi en partant de sa haine et de ce qu'il est vraiment au delà de l'horreur qu'il nous inspire: nous devons le reconnaître comme humain et non comme monstre !