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samedi 2 janvier 2016

2015, le réveil, 2016 les vrais sujets ?

Pour 2016, je nous souhaite collectivement et individuellement de traduire en actes nos résolutions en ayant le courage de traiter les « vrais » problèmes sans nous laisser happer par les diversions ! 

2015 : le réveil !

Toute la presse titre: « 2015, une mauvaise année ». Tout le monde a en tête les attentats, les migrants, le réchauffement climatique... à chaque fois, il semble que les choses aient bougé:

Les attentats ont permis de réaliser que nous étions en conflit (lire ici), non pas depuis le 7 janvier 2015 mais depuis plusieurs décennies. Notre gouvernement a parlé de guerre or celle-ci, de basse intensité, était déjà présente tout autour de nous et nos soldats et policiers  y étaient déjà engagés. Ce n’était pas la guerre, c’était la fin de l’illusion de la paix inconditionnelle et indéfinie … Et il nous faudra bien livrer bataille. Je dis réveil parce que l’on a vu  des résolutions … parfois insignifiantes (état d’urgence, fermeture de mosquées …), parfois efficaces (attentats déjoués, frappes des camions de pétrole de DAESH …)

Des flux migratoires sans précédents en provenance des pays vraiment en guerre, eux, s’agglutinent à nos frontières et ce fait qui concerne d’ailleurs surtout nos voisins pour l’instant a impacté notre calendrier politique. Le FN qui mise sur le rejet de l'immigré a atteint presque 40% parfois au premier tour. Il s’est donc passé quelque chose politiquement. Car tout le monde comprend que le vieux monde politique ne fait plus la maille et beaucoup le montrent désormais en votant FN par défaut. 

Enfin, réveil aussi du côté de l’environnement (lire ici) avec la COP21. Pour la première fois, 195 pays se mettent d’accord pour agir pour la planète et ça se passait en France ! 

Peut-être cette année 2015 aura-t-elle donc été marquée par un début de prise de conscience ?

2016: agir sur le fond !

Pourtant, qu’il est donc dur de changer ! Ce réveil progressif sur la menace terroriste, sur la situation géopolitique et sur le jeu politique français comme sur la gouvernance environnementale planétaire n'ont pas encore permis la prise de conscience de l’étendue réelle des tâches collectives à accomplir.

Attentats : ils ont sans doute un peu réveillé le patriotisme français sans pour autant provoquer le rejet des musulmans autant qu’on aurait pu le craindre, c’est bon signe. Pour autant, il nous reste 4 batailles à livrer et à gagner (lire ici):

Migrants : l’action à mener n’est pas de nous fermer à l’arrivée d’étrangers mais de nous mettre en capacité de les accueillir. Il s’agirait donc de recréer les conditions d'une attraction économique et politique renouvelée et du partage d’une prospérité qui s’en est allée. Nos 3,5 millions de chômeurs officiels et notre taux d’endettement public de près de 100% du PIB passent au second rang et l'on diffère régulièrement le moment de vraiment réformer l’Etat en profondeur, de traiter vraiment la question de nos dettes et déficits endémiques et d'une monnaie qui pour beaucoup se raréfie au profit d'un système financier incontrôlé.

COP21 : le travail de Laurent Fabius a été légitimement salué pour son résultat pédagogique et diplomatique. Il reste maintenant à choisir des priorités adaptées à la situation réelle de l'environnement (les actions retenues sur les émissions de CO2 n’auront aucun impact (selon le MIT et le CCC, lire ici) et à participer à une gouvernance mondiale enfin devenue pragmatique.

Éviter les détournements de l’attention 

Il faudra se donner pour tout cela des moyens et donc véritablement lancer l’incontournable chantier de la refonte à la baisse des missions de l’Etat y compris le millefeuille qui prospère toujours malgré la réforme des régions en trompe l’œil et celui de la remise en cause des prébendes de toutes sortes tout en renforçant les fonctions régaliennes (Justice, Police, Armée). Dans un monde globalisé, libéraliser l’économie et donc responsabiliser le peuple et lui redonner la maîtrise de son destin tout en ayant le courage de couper dans les avantages acquis et dans l’Etat providence ne sont plus des options, nous n’avons déjà que trop tardé. Nous ne pourrons pas arrêter l’UBERISATION en cours mais nous pouvons l’accompagner intelligemment.

On peut se souhaiter tout cela et pourtant, sur tous ces grands dossiers et d’autres, la tentation est grande de regarder ailleurs, de détourner l’attention et non pas d’agir sur les « vrais » sujets. On ferme quelques mosquées quand le scandale commence par l'exclusion des jeunes notamment issus de l'immigration et que l’embrigadement des Jihadistes débute sur le net. On fait des descentes de police sans mandats aussi brutales qu’inutiles sur des militants écolos. On choisit de concentrer de futurs efforts environnementaux sur l'inefficace et coûteuse réduction des émissions de CO2 . Et pour démarrer l’année, on recentre le débat politique sur un thème idéologique totalement inopérant, la « déchéance de la nationalité » qui ne mérite même pas d’être commenté mais qui fait diversion …

Bonne année 2016

A tous les niveaux, 2015 aura donc permis de prendre conscience de certains problèmes de fond et donc de réveiller les citoyens de qui tout devrait vraiment dépendre en fin de compte. Ce n’était donc pas une si mauvaise année. Puisque c’est le jour des vœux, souhaitons que 2016 verra le commencement du traitement conscient et citoyen des « vrais » sujets sans céder aux tentatives de diversion.

samedi 5 décembre 2015

Ne pas succomber à l'affect, ne rien laisser dans le registre de l'impensable !

Professeur à l'Ecole Normale, philosophe étiqueté à l'extrême gauche, anciennement maoïste, Alain Badiou, propose à l'occasion des récents "attentats terroristes"  dans cette conférence un peu longue (https://vimeo.com/147061687), une analyse poussée de notre monde global qui recoupe la "quatrième bataille" que j'annonçais dans mon précédent article.
A. Badiou, "Là-bas, s'y j'y suis"

Ne pas succomber à l'affect

Malgré l'horreur et la stupeur bien naturelles après les événements meurtriers qui nous ont touchés de près, je n'ai pas mis de drapeau à ma fenêtre ni sur mon profil Facebook car je ne me suis pas senti à l'aise, comme après Charlie d'ailleurs, par le traitement médiatique et politique matraqué où seul l'affect est sollicité. Voici une vidéo plus courte (https://youtu.be/lBZLywtkOpU) que j'ai montée moi-même à partir de la conférence d'Alain Badiou qui traite le sujet de l'affect et de l'impensé. Position dont je me sens proche:



En résumé voici ce que nous dit Alain Badiou. Il reconnaît, comme je le fais lorsque je "coache" un speaker TEDx, l'importance de l'affect. Mais comme lui, je pense que l'affect ne peut conduire seul notre réflexion. Et voici pourquoi (le texte en italique est de moi !):
  1. L'affect conduit à prendre des mesures inutiles et inacceptables. L'Etat d'urgence n'est pas inutile mais pourquoi n'a-t-on pas appliqué nos lois plus tôt ? Pourquoi les juges sont-ils hors du coup ?
  2. L'affect renforce les pulsions identitaires. Le resserrement naturel de la famille en cas de coup dur conduit à faire de l'étranger un bouc-émissaire alors qu'il nous faudrait du discernement, de l'intelligence et des alliances pour vaincre. La vengeance risque remplacer la Justice or ne voudrions-nous pas démontrer que nos valeurs démocratiques valent la peine d'être défendues ?
  3. L'affect conduit à ce que les meurtriers souhaitent faire: occuper toute la scène et créer un "sujet obscur déprimé et vengeur" comme Baader-Meinhof et Ben Laden l'ont réussi autrefois.
Ne rien laisser dans le registre de l'impensable

J'ai bien aimé cette phrase. L'affect nous fait adhérer à une position donnée par l'émotion. C'est naturel. Il nous dispose à l'action et c'est bien. Je le dis à mes intervenants, c'est cette adhésion qui prédispose à bouger et à créer. Souvent les discours sont lénifiants car il n'y a aucune action. Mais là, les événements préparent l'adhésion de la grande majorité. Raison de plus pour ne pas faire n'importe quoi, raison de plus pour nos gouvernants de réfléchir vite et bien à la nature de cette action et à sa profondeur.

Agir sans réfléchir ou sur un raisonnement biaisé comme ce fut le cas pas l'équipe Rumsfeld-Cheney autour de Bush lors de la seconde guerre d'Irak a conduit au drame (officiellement 150000 civils Irakiens tués !) et (je le pense) in fine à la perte de cette guerre au profit des islamistes radicaux sunnites et de l'ancien ennemi iranien chiite. Ne laissons rien dans le registre de l'impensable dit Badiou, rien de ce qui est humain ne survient par hasard, je traduis cela en refusant de qualifier l'Ennemi de "monstre" car comme disait Montaigne: "tout homme porte en lui la forme entière de l'humaine condition".

Rappel des quatre batailles

Dans  mon précédent article, j'avais essayé de présenter les quatre batailles que nous devrions livrer en parallèle, de façon réaliste, sans affect et avec des termes de durée différents:
  1. Bataille intérieure de l'état d'esprit où le citoyen devrait être acteur/résistant et non victime potentielle, sortons de l'état de sidération qui plait tant aux chaînes d'info 24/24 !
  2. Bataille extérieure où nous devrions nous doter des moyens militaires appropriés car pour de bonnes ou de mauvaises raisons historiques, nous sommes déjà en guerre depuis 30 ans, et pour cela remettons en question en profondeur notre Etat obèse, endormi, mal organisé et illégitime,
  3. Bataille idéologique pour affronter l'instrumentalisation de l'Islam, en confrontant nos "valeurs" à celles de l'Ennemi et pas seulement en fermant quelques mosquées Salafistes.
  4. Bataille pour la paix où en rencontrant vraiment l'Ennemi et en négociant avec lui, nous devrions nous réinventer nous-mêmes et une société planétaire permettant à tous, y compris les pauvres tentés par une lecture haineuse du Coran, de trouver leur place.
Je ne partage pas le point de vue de départ marxiste d'Alain Badiou mais je trouve la perspective d'ensemble intéressante qui correspond bien à ma quatrième bataille: construire la paix nécessitera de nous changer nous-mêmes et de nous réconcilier avec les "monstres".

En quoi sommes-nous concernés ?

Certains peuvent être tentés de succomber à l'affect et de chercher vengeance. D'autres (au niveau de l'Etat) sont tentés de faire semblant  de maîtriser et d'en profiter pour chercher à redorer leur blason terni et d'autres enfin de se réfugier dans telle ou telle idéologie gentille et sans rapport avec les urgences réelles. Badiou, en bon gauchiste, ne cautionnerait sans doute pas mes deux premières batailles. Je reste cependant convaincu de l'importance de livrer ces quatre batailles sur lesquelles je reviendrai car j'ai l'impression que le prêt-à-penser médiatique semble évoluer dans le bon sens.

Le philosophe Alain Badiou, quant à lui, m'a semblé intéressant car il nous introduit à ce que pourrait-être le champ de la quatrième bataille.

mercredi 18 novembre 2015

4 batailles pour gagner une paix

Les attentats du 13 Novembre obligent la gouvernance française à un changement radical. Or les postures dogmatiques de nos gouvernants "rassemblés" dans l'adversité, reprises et amplifiées par le cirque médiatique, sont-elles à la hauteur des quatre défis qu'il nous faut désormais relever ? Respectons-nous assez notre ennemi pour le combattre vraiment, le vaincre et finalement parvenir à une paix avec lui ?

Une Morale de guerre !

C'est la guerre a dit notre Président ! Cette guerre se fait désormais chez nous: des civils fanatisés et suicidaires tuent d'autres civils: des "victimes innocentes", nous. Je rends, moi aussi, hommage à la mémoire des victimes des attentats, ... nous en connaissions certaines. 

Que sont des "victimes innocentes" ? Les victimes ne sont-elles pas innocentes par nature ? La mort d'un soldat en uniforme au front est peut-être moins choquante. Mais pourquoi cette victime-là serait-elle moins innocente ou plus coupable qu'une mère de famille et ses enfants tués par un V1 à Londres en 1944, par une bombe incendiaire américaine à Dresde le 13 Février 1945, un attentat de DAESH dans le quartier chiite de Beyrout ce même 13 Novembre 2015 ou par une bombe française de représailles à Raqqa le 14 Novembre 2015 ? Toutes sont les innocentes victimes d'une égale Morale guerrière ...! A noter: un mort sur deux de la seconde guerre mondiale était un civil.

Nos victimes innocentes à nous sont vues par l'ennemi comme des "croisés idolâtres et pervertis". Celles que nous causons sont invisibles ou simplement présentées comme de regrettables dommages collatéraux. Comme dans tout conflit, deux morales symétriques et opposées s'affrontent. Le monstre, c'est l'autre. C'est pourquoi la Morale "transcendante" ne fait pas bon ménage avec la lutte opportuniste pour la victoire.

Un Moral de guerre !

Pour l'heure, la guerre doit être conduite sur les terrains où celle-ci a lieu. Les jugements moraux, les émotions légitimes ne peuvent tenir lieu de réflexion. Puisque le combat se livre à la terrasse de nos cafés, c'est là qu'il faut commencer le combat ! Un pays développé le sait depuis sa création contestée qui a pris des mesures dans ce sens: Israël est à la pointe de la lutte anti-terroriste. 

Ce qui me dérange chez nous, c'est qu'en dehors des forces spécialisées anti-terroristes, nous n'avions pas jusqu'ici adopté un "moral de guerre". Nous avions semblé ne pas vouloir voir la réalité en face. Comme en 1940 (lire ici), nous semblions nous obstiner à vouloir livrer d'autres batailles que celles qui s'imposent à nous. Nous avions manqué de réalisme et de détermination. Cette attitude, si elle se maintenait, conduirait à la défaite dans les quatre batailles que nous devons livrer maintenant.

1/ La bataille sur le front civil intérieur

Nous avons d'un côté des civils désarmés qui attendent les secours, des secours peu armés ou peu formés qui appliquent la procédure et attendent l'intervention des forces d'élites (RAID, GIGN ...). En face, des individus dotés d'armes automatiques prêts à se faire exploser sans tarder ... Des moutons face à des bombes humaines ! C'est sans doute ce qui a fait dire à Donald Trump (vidéo ici) que si les français n'avaient pas la législation la plus restrictive du monde sur les armes, la situation aurait été différente. Possible ... Mais je crains que le problème ne soit pas qu'un problème d'armes. 

Alors que faire ? 

Commencer par refuser partout l'inéluctable, résister à tous niveaux dans la mesure du possible comme l'ont fait trois passagers du Thalys du 24 Août 2015 ! Il faut que les assaillants sachent que ça ne sera pas du gâteau. Je crois que c'est ce qui s'est passé autour du Stade de France ... Dans ce cas, le pire a été évité, les "kamikazes" se sont fait sauter à vide !

Puis prendre l'initiative comme ce qu'on fait les policiers du Raid ce matin à Saint Denis.

2/ La bataille sur le front militaire extérieur

Nous figurons parmi les auteurs des frappes aériennes. C'est ce qui nous vaut des attentats sur notre sol. Nous allons envoyer plus de moyens mais est-ce crédible quand nous proclamons par ailleurs notre doctrine de ne pas intervenir au sol, quand nous savons ne pas pouvoir déployer plus de 5 ou 10000 hommes sur un quelconque théâtre d'opérations et quand les américains ont perdu la paix en Irak et en Afghanistan alors qu'ils disposaient de beaucoup plus de moyens que nous ?

Pour vaincre sur ces deux fronts et après avoir accepté de voir les choses en face et être sortis de notre déni actuel, il faudra revoir nos positions. Sur le plan diplomatique, les lignes changent avec le retour de la Russie sur la scène mondiale. Sur le plan interne, les drastiques réformes que nous n'avons pas su faire en temps de paix vont devoir être faites pour investir des moyens adaptés afin de renforcer nos forces sur tous les fronts ou alors nous nous payerons de mots ... Mais il y a un troisième front ...

3/Livrer et gagner la bataille idéologique

Un tout petit nombre de jeunes ou de moins jeunes islamistes radicalisés mène l'offensive sur les deux fronts précédents parce que l'ennemi les a convertis sur le plan idéologique. Ce petit nombre d'infiltrés ou de convertis, ennemis de notre société comme jadis la bande à Baader ou les brigades rouges, suffit à nous scandaliser et à nous glacer d'effroi. Dans la bataille idéologique, c'est une victoire de l'ennemi. Il faut travailler sur ce plan. Sortir du déni et apprendre qui est l'ennemi et pourquoi il nous hait; peut-être apprendrons-nous au passage quelque chose sur nous-mêmes ?
Des prédicateurs fanatiques à la solde d'une puissance étrangère (DAESH et d'autres groupes) détournent un discours religieux et en vaccinent une partie de notre population immigrée ou apparentée, déçue et marginalisée, et dont une minorité importante (voir mon article ici) est culturellement prédisposée à faire passer sa religion avant nos lois et nettement plus dans quelques cas précis.

Et quelle est l'idéologie de cet ennemi ? Pour cela reportons-nous au texte de DAESH (lire ici) qui revendique les attentats: la sourate 59 verset 2 du Coran interprétée au pied de la lettre et au mépris du contexte historique assaisonné d'un discours sur l’idolâtrie et la perversité des croisés qui ont attaqué les premiers (et là c'est vrai !). Cette idéologie fanatique est aussi simpliste que le style et l'orthographe de ce communiqué. Pourtant, elle fait mouche et mobilise ceux que l'ennemi a su écouter et récupérer, lui, et qu'il présente comme des héros de la foi, pendant que nous les flattons en en faisant de grands guerriers sanguinaires, des monstres surpuissants ce qu'ils ne sont qu'en regard de notre sidération et de notre effroi . 

4/ Livrer la bataille contre nous-mêmes: réveiller notre société amorphe
Face à cela que propose l'Etat français ? Les services de renseignements et de police travaillent sur les conséquences, et plutôt efficacement, mais qui se préoccupe des causes idéologiques profondes ? Quelles sont nos armes idéologiques face au détournement du Coran et au bourrage de crânes de nos ennemis ? Nous brandissons nos lois que nous n'appliquons que si l'état d'urgence est déclaré et nous évoquons nos valeurs républicaines ... mais nous ne savons même plus les définir ! Ah si un grand dirigeant en a rappelé trois: "Liberté, Égalité, Fraternité"...  C'était Barack Obama ! 

Nous sommes-nous endormis à ce point que notre société n'a plus rien à proposer et ne se souvient plus de ses propres valeurs ? Ne peut-on réagir à cette double médiocrité intellectuelle (celle de l'ennemi et la nôtre aussi) en allant porter la contradiction à la source: dans les écoles, les mosquées, les cités pour tenir un autre discours ? (lire mon article ici) Sommes-nous enfin décidés à livrer cette bataille-là aussi ou allons-nous laisser le champ libre à une idéologie religieuse crasse et régressive ?

Respecter l'ennemi pour gagner la paix !

Si nous relevons les quatre menaces précédentes, nous aurons regagné le respect de nous-mêmes et nous serons en mesure de gagner ces batailles et d'autres. Mais gagner les batailles n'est pas le vrai but d'une guerre. Son vrai but est de gagner la paix. Je citais plus haut en exemple Israël qui a su relever le défi de la guerre et créer une société originale et dynamique en plein désert mais qui de toute évidence ne semble malheureusement pas en bonne voie pour gagner la paix. Avant comme après la reddition de l'ennemi, gagner la paix nécessite d'entrer vraiment en relation avec lui, en quelque sorte de le respecter lui-aussi. Oui il faut accepter et respecter le monstre pour mieux le liquider ou le dompter ! Je vous renvoie à cette belle intervention de Jean Pierre Massias sur les traités de paix et les préalables à la négociation (lire mon article et visionner ici sa vidéo TEDx)

Or quels sont les mots d'ordre que j'entends ? 
Avec qui voulez-vous faire la paix si ce n'est avec votre ennemi ? Comme voulez-vous vivre en paix avec des gens qui vous ignorez ?

La guerre ne nous débarrassera pas de 100% des terroristes ... c'est l'inverse qui se passe. La violence renforce la violence aveugle, l'ignorance crasse et les discours religieux vengeurs. Bush voulait abattre Saddam Hussein et Bin Laden pour que tous les régimes anti-démocratiques s'effondrent autour d'eux comme des dominos. Même discours de Sarkozy sur Kadhafi. Et désormais, en plus des talibans et d'Al Quaïda, nous avons DAESH, Al Nosra etc ...! Dans nos cités de banlieue comme à Gaza, après avoir rétabli notre autorité par la force, si nous ne respectons pas assez ceux qui nous haïssent, quitte à les détruire, jamais nous ne gagnerons la paix ! 

Nous sommes tous concernés

Nous avons donc une chance ... mais pour cela nous devons d'abord voir les choses en face, nous doter des moyens nécessaires et agir de façon déterminée pour gagner la guerre sur les quatre fronts où nous sommes engagés. Gagner la guerre nous fera regagner notre propre respect de nous-mêmes mais pour ensuite gagner la paix, il nous faudra apprendre à connaître et à respecter l'ennemi en partant de sa haine et de ce qu'il est vraiment au delà de l'horreur qu'il nous inspire: nous devons le reconnaître comme humain et non comme monstre !

mercredi 6 juillet 2011

Faut-il négocier avec les terroristes ?

Cette dernière semaine a été marquée par la libération de deux otages en Afghanistan, tant mieux (la photo ci-contre à droite provient du site de FR3.fr). Je voudrais profiter de l'événement pour répondre à la question du titre, saluer le travail des négociateurs de l'ombre et présenter une excellente méthode de négociation.

Nous l'avons entendu maintes fois, les politiques disent: "nous ne négocierons pas avec les terroristes !" Faut-il les croire ? Faut-il suivre les journalistes qui immédiatement lancent la polémique: qu'est-ce que le gouvernement français a donc lâché ? Avant de répondre à la question-titre et de vous raconter une petite anecdote personnelle, je voudrais vous présenter une vidéo longue de William Ury, elle n'est pas traduite, la voici pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur l'un des deux fondateurs de la méthode de négociation raisonnée développée à la Harvard Law School:

J'espère bien que certains d'entre vous auront la patience de l'écouter jusqu'au bout car il s'agit de l'expert mondial n°1 du domaine. Voici une seconde vidéo beaucoup plus courte dont j'ai eu l'occasion de faire la traduction des sous-titres sur TED.com et que je diffusais à l'occasion des voeux de la nouvelle année. La revoici:

En très résumé:
Vous pouvez négocier selon trois modes principaux: sur la base d'un bras de fer (la guerre par un moyen pacifique), le marchandage ou la négociation raisonnée, celle dont parle Ury ici. Cela fait presque 30 ans que je connais ses livres et ceux de Fisher et même que je les enseigne pour partie et cela fait seulement une semaine à l'occasion d'une formation fort bien faite que je viens de comprendre ce que  nous redit W Ury dans la première vidéo ci-dessus: nous passons l'essentiel de notre temps à négocier en famille, au bureau, avec soi-même aussi. Et bien sûr à l'occasion des grands conflits de notre temps. Les conflits sont partout: ouverts ou larvés, armés ou au tribunal, assumés ou ignorés ... Autant comprendre de quoi il est vraiment question car il ne s'agit pas d'une simple recette mais véritablement d'une révolution de l'Esprit ! Au passage, reportez-vous à leur livre de base en français: Comment réussir une négociation.

Le principe:
Dès que deux points de vues se rencontrent, ils peuvent s'opposer. Si l'on laisse les énergies et les émotions se masser derrière les positions des protagonistes, on arrive à la guerre totale ... jusqu'à ce que l'amoncellement des cadavres les amène à négocier ! William Ury rappelle que les sociétés traditionnelles "stables" disposent d'un moyen d'éviter le conflit: la troisième force, "the third side". Un principe de médiation naturel: la pression informelle de la communauté des proches et des amis qui amène à découvrir la position commune viable pour les deux protagonistes sans en venir à la guerre ou au meurtre.

Le principe du médiateur est de retrouver la voie de cette troisième force, de créer les conditions de la négociation (voir mon article sur le sujet ici). Puis, se tient la négociation proprement dite qui consiste à distinguer les personnes du problème, "être doux avec les gens et durs avec le problème". Il s'agit alors de discuter non pas des positions qui s'opposent mais de découvrir les intérêts de chacun qui sont cachées derrière et d'imaginer les options les meilleures qui vont permettre de trouver un accord durable.

Les anecdotes:
Ecoutez d'abord celles de William Ury.

Cependant, comme vous le savez, j'aborde le plus souvent des sujets vécus personnellement. Je vous parlerai bientôt d'un conflit d'entreprise que je vis maintenant depuis 4 ans mais en attendant de l'avoir enfin résolu et tout en enseignant partiellement les techniques de négociation moi-même, je continue à me former, ce que j'ai fait la semaine passée au sein de l'Ecole Centrale à Paris sur le thème de la Négociation Raisonnée de Harvard par Philippe Hardier du cabinet GT Conseil que je recommande. Comme je le disais, nous négocions tout le temps. En même temps, les conflits explosent tout autour de nous car il est de plus en plus difficile de les traiter par la force, le mépris ou l'autorité "hiérarchique" surtout quand les média s'en mêlent ... Il va donc falloir apprendre à négocier. Et quel est l'obstacle majeur à la négociation dont le champ s'élargit chaque jour ? Comme le dit W. Ury, c'est ... nous-mêmes ... qui sommes les jouets de nos émotions et de celles de nos interlocuteurs !


Le paradoxe du gourou de la négociation:
Voici donc une petite négociation paradoxale dans laquelle j'ai été partie prenante. Paradoxale car elle illustre ce que je viens de dire et pourtant elle m'oppose à l'un des plus éminents représentants de la méthode Fisher et Ury en France. Cet homme connu dans son milieu, préfacier et auteur de divers ouvrages dont certains sont fondamentaux, forme des négociateurs. Voulant compléter mon cursus de médiateur par un rafraichissement sur la méthode Fisher et Ury sans aller à Boston cette année, en ce mois de Février, je contacte son secrétariat pour trouver une place dans l'un de ses stages. Possible malentendu à l'énoncé de mon profil, il semblerait que ce cabinet pourrait me proposer une collaboration alors que je ne demande qu'une formation. Echange très courtois et agréable puis pas de son, pas d'image pendant deux mois.

Ma formation à la médiation entamée, je rappelle et je sens alors que l'on ne veut ni prendre mon inscription ni me dire pourquoi. Après plusieurs rappels et force insistance, je ne peux toujours pas parler au "gourou" mais je comprends qu'il ne veut pas prendre le risque de me former car il craint de créer ainsi son propre concurrent ! Je pourrais en effet enseigner cette matière très porteuse mais ce n'était pas mon intention de le concurrencer et  de toute manière, je crois qu'il y a vraiment beaucoup de place pour cette matière sans s'en prendre au gâteau d'un gourou !

En quoi cela nous concerne-t-il ?
Tout d'abord, j'ai découvert l'importance de ces techniques et surtout leur utilisation au sein d'un continuum qui va de la guerre à la paix et les limites de leur utilisation. On ne négocie pas quand on pense facilement détruire son ennemi ou lui prendre ce que l'on convoite.

Nous négocions quand nous y avons intérêt. Encore faut-il savoir le faire ! Le gourou ci-dessus m'a démontré que, même un spécialiste, peut partir en vrille rapidement suite à une mauvaise gestion de ses propres peurs et autres émotions et des malentendus. Son refus s'appelle en droit un "refus de vente" surtout s'il n'est pas ou mal motivé... Je ne l'ai pas attaqué en justice (j'avais une bonne "MESORE" ou "BATNA*"). J'aurais pu.  Cependant, alors que Ury et Fisher insistent sur la nécessité de se centrer sur les intérêts et le problème, le "gourou" n'a fait aucun cas de ma personne ... qui saura s'en souvenir et le raconter: la preuve !

J'ai également découvert à cette occasion la vertu cardinale de la simple question "pourquoi ?" qui permet même en cas de positions inconciliables (95% des négociations n'ont pas, au départ, de zone d'accord potentiel !) de trouver des options créatives de solutions communes car le "pourquoi" quand il est bien présenté met sur la voie de l'écoute active. Dans le cas du gourou au moins, malgré l'échec de notre négociation, j'ai rétrospectivement appris et compris que les meilleurs experts ne sont pas forcément ceux qui s'auto-proclament tels ! Faites ce que je dis ... pas ce que je fais ! S'il avait soudain changé d'attitude à mon égard, aurais-je maintenu ma demande à votre avis ? Absolument pas car il m'a démontré son manque de maîtrise tout en me faisant une démonstration éclatante mais par l'absurde de la nécessité d'être "congruent**", au moins en ce domaine.

Alors revenons au titre, faut-il négocier avec les terroristes ? 
Hé bien si vous ne pouvez pas libérer les otages par la force ou la menace, avec qui d'autre voudriez-vous négocier, avec leurs grand-mères ou avec leurs imams ? Evidemment qu'il faut, dans ce cas, négocier avec les terroristes preneurs d'otages. Et que faut-il lâcher ? Le moins possible pour obtenir le mieux possible pour les otages et pour son pays tout en obtenant un accord de la partie adverse ! Et cela nécessite beaucoup d'écoute, de maîtrise et de "pourquoi ?". Je pense que M. Juppé plus que d'autres sait gérer ce type de situation. Bravo donc à son administration et bon retour aux otages.

* MESORE: MEilleure SOlution de REchange (traduction de BATNA)
BATNA: Best Alternative To a Negotiated Agreement
** Congruence: terme employé par le pyschologue Carl Rogers pour indiquer une correspondance exacte entre l'expérience et la prise de conscience. C'est ainsi que la congruence est la qualité majeure pour celui qui enseigne la pédagogie, écrit sur l'écriture, conseille les consultants, communique sur la communication ...