samedi 17 septembre 2011

Sarah Kaminski à TEDxParis

Chers amis, mon billet d'aujourd'hui sera très court. Je vous propose ce poignant témoignage sur la vie d'un héros (presque) anonyme. En tous cas, il ne l'est plus grâce à sa fille et à la puissance de TED. Voici:


Je laisse à Ko Ashashi le soin de faire le commentaire (sur le forum de TED:
"Adolfo Kaminsky is a hero, the kind we need in this world. He did not turn his back on people who needed him. Perhaps he broke the rules ... but when rules of law support tyranny, genocide and oppression -- then people of decency, humanity and courage must stand up and do whatever they can to help the victims.

I salute his daughter for telling this incredible story thru TED and thru her book. This example of Adolfo Kaminsky needs to be told over and over again. He more than a general, was the true "warrior of the heart". He saved lives and liberated people. He used his mastery of forgery to shield people from being sent to the death camps.

It was inspiring indeed to see his daughter invite him on stage to receive the applause, recognition and welcome from the TED audience. Let's see more talks like this on TED and I urge this author to keep on writing ... telling stories that need telling.
"


En quoi sommes-nous concernés:
Tout d'abord ce billet est dédié à ces quelques personnes qui me rejoindront certainement dans l'aventure de TED. Ils avaient pensé que TED, "ce n'était pas mûr !" Hé bien, les choses murissent: les vidéos TED dont vous pouvez voir qu'elles sont tout sauf "grand public" avaient déjà cet été plus de 500 millions de visionnages dans le monde ... Alors d'autres personnes, parmi mes proches d'ailleurs, ont dit "oui mais cela ne concerne que les américains ..." Alors vous pouvez en juger ici par vous-même: ce professeur japonais a beaucoup aimé l'histoire du père (russe) de Sarah (française née en Algérie). 

Son histoire racontée en Janvier de cette année à TEDxParis est à ma connaissance la première publiée par TED.com en français et sous-titrée en anglais. Et sachez qu'en deux semaines, cette vidéo a été vue plus de 180000 fois dans le monde entier ! Bravo à l'équipe de TEDxParis.

C'est un début encourageant. C'est la logique "globale" de TED. J'avais annoncé à mon retour de TEDGlobal que le premier "talk" en espagnol allait être publié, le français n'a pas traîné. Non madames, messieurs, la langue française n'est pas ringarde dans TED !

vendredi 16 septembre 2011

Edward Tenner: les conséquences inattendues de l'innovation

Voici une conférence TED d'un historien des technologies moins banale qu'il y paraît. Edward Tenner nous présente ici une vision "non-linénaire" du "progrès technologique". Vision ni idyllique, ni apocalyptique, mais sérieuse et utile. Cette conférence est un peu elliptique et, pour la traduction française que j'ai faite pour TED.com, il m'a fallu reconstituer une partie de l'articulation logique de la pensée de ce chercheur. Mais cela valait la peine.

Les idées sous-jacentes me semblent non seulement dignes d'intérêt mais, à la réflexion, elles sont extrêmement riches, voici:


L'innovation technologique a parfois, et même souvent, des conséquences inattendues comme l'illustrent les exemples cités par Edward Tenner. Le progrès technologique et les améliorations qu'il apporte au quotidien sont loin d'être un processus régulier et inéluctable. Tenner nous présente ici de nombreux exemples édifiants.

Quelles sont les leçons des anecdotes rapportées par E. Tenner ?

1) Le Story Telling: Même si certains ont trouvé cette conférence mal construite, il y a de très nombreuses idées et leçons à en tirer. C'est vrai, une suite d'anecdotes ne suffit pas et Tenner n'est pas un grand orateur, et pourtant, la conférence a été vue plus de 140000 fois en quelques jours, c'est cela la magie de TED. Compte tenu de la richesse sous-jacente des recherches de E. Tenner et de ses collègues, ce film ne leur rend pas totalement justice. C'est peut-être la limite du "talk" de TED. Raison de plus qui fait qu'une conférence TED doit être travaillée avant: répétée et re-répétée puis creusée après. Eclaircissements:

2) L'impact de la technologie sur l'évolution de l'humanité elle-même: l'agriculture est un progrès indéniable de l'humanité or les chercheurs montrent qu'initialement et pendant des siècles le progrès technologique a eu nombre de conséquences négatives. Raccourcissement de l'espérance de vie, diminution de la qualité de la ration alimentaire, asservissement de la femme, inégalités sociales accrues ... Les baguettes au Japon amenèrent une diminution de la denture et de la dent elle-même. Alors progrès ou reculs ? Heureusement qu'aucune ONG n'a mené d'enquête sur les conséquences de l'agriculture mésopotamienne (pourtant essentiellement bio !)  il y a 10000 ans car les conclusions du rapport eussent été dramatiques !

3) Les essais/erreurs: l'histoire de la médecine montre qu'il a fallu très tôt faire attention à ne pas causer plus de mal au patient qu'avant le traitement. Jusqu'aux débuts de la neurochirurgie qui montre que sans un travail minutieux de notes sur tous les essais et erreurs des interventions, cette discipline n'aurait pas avancé. Il fallait que les patients soient ignorants ou désespérés mais au bout du compte, nous en bénéficions aujourd'hui.
 
4) La complexité: au 19ième siècle, à ces effets inattendus et aux tâtonnements du passé s'ajoute un nouveau phénomène, celui de la complexité (dont je parle souvent dans mes billets). Tenner nous parle de Mark Twain qui s'est ruiné en faisant la promotion du typographe Paige, merveille de technologie pour l'époque mais monstre de complexité mécanique. Où l'on voit d'ailleurs que toujours plus d'une solution qui marche (ici la mécanique) peut conduire à l'impasse. Il fallait une rupture technologique pour faire proprement ce que la Paige faisait, il fallait attendre l'offset puis la photocomposition numérique.

5) Les leçons des catastrophes et des crises: le Titanic a coulé et beaucoup de passagers sont morts parce qu'il n'y avait pas assez de canots de sauvetage. Puis l'Eastland a chaviré à Chicago plus ou moins parce que l'on tiré des leçons du Titanic: on a rajouté des canots. Mais on a omis de repenser l'agencement et le lest et ce bateau a coulé emportant 815 personnes avec lui. Les catastrophes permettent de tirer les leçons mais il faut parfois plusieurs catastrophes pour tirer les leçons des erreurs des leçons de la précédente ... J'espère pour mes amis de Flamanville que nous n'aurons pas besoin d'un autre Fukishima dans le Cotentin pour tirer les leçons de nos approximations dans le nucléaire ...

6) Le risque des politiques de sécurité: parmi les leçons des catastrophes, il y a les procédures et les politiques de sécurité. Le chavirage de l'Eastland est un exemple mais nous en avons d'autres autour de nous. Je parlerai peut-être du grand guignol des mesures anti-terrorismes dans les aéroports mais je vous livre ici un fait divers qui concerne l'automobile et dans ce cas une "deutsches Auto": l'audi A6, voici le lien qui raconte comment un jeune fêtard est mort asphixié cette fin Août, piégé par le système anti-vol du véhicule familial. Il ne fait pas bon de s'endormir au volant mais encore moins de s'endormir dans une voiture de luxe verrouillée.

7) La collaboration: nous l'avons vu, les grandes crises ou les grandes catastrophes sont l'occasion de progrès technologiques une fois la complexité maîtrisée et les tâtonnements effectués. Les grandes crises ou guerres par exemple comme celle de 1940 sont aussi des aiguillons très fort du progrès. Exemple: la pénicilline découverte en 1928 et qui était produite expérimentalement en très petites quantités jusqu'au début du conflit. L'impératif d'améliorer les soins sur le champ de bataille a poussé les laboratoires à partager leur savoir et à collaborer (poussés par l'Etat américain) et en moins de 2 ans, l'industrie américaine produisait ce médicament par cuves de 40000 litres !

8) La pluridisciplinarité: au delà même du simple partage de connaissances entre experts d'un même domaine, il y a lieu d'observer les phénomènes technologiques de manière pluridisciplinaire, d'autres diraient "écologiques" (au sens de l'étude systémique des relations dans leur environnement et non au sens politique). Prenez l'histoire des lecteurs de bandes magnétiques d'IBM des années 70 qui tombaient en panne systématiquement lorsqu'ils étaient placés à côté d'un conduit de ventilation. La cause ? La composition chimique d'un bactéricide des systèmes de ventilation contenant des particules d'étain assez volatiles et mortelles pour les têtes des baies de lecture. Et pourquoi un bactéricide ? Pour combattre la légionellose ! Comme dit Tenner, c'était la première fois que des systèmes mécaniques (et avec eux des ordinateurs) succombaient des suites d'une maladie humaine !

9) L'écart entre développement technologique et prévisions des effets: du fait de tout ce que nous venons de dire, il y a lieu de travailler à comprendre et réduire l'écart entre le progrès et les prévisions des innovations technologiques. Pour Tenner le premier est en fait imprévisible mais il est globalement en croissance géométrique alors que nos prévisions "contrôlées" sont au mieux en croissance arithmétique. D'où un écart croissant et une perte de contrôle croissante. Cela peut expliquer le sentiment d'impuissance croissant que tout un chacun peut avoir. Faut-il pour autant revenir frileusement en arrière ... si tant est que cela soit possible ?

10) L'innovation en temps de grand stress (crises): 1929 et la grande Dépression qui a suivi est la décennie la plus féconde en innovations, la deuxième guerre mondiale a vu la mise en oeuvre industrielle d'inventions absolument majeures. Sans surprise les périodes de crises sont donc des périodes de grand stress créatif. C'est donc aussi sans surprise que notre présent marqué par la révolution des TIC et bientôt des bio-techs et des nano-techs sera vraisemblablement une période de ruptures majeures, d'ordre civilisationnel. Notre crise financière en est certainement un symptôme.

11) La rupture créative individuelle: sur un plan individuel, Tenner nous raconte l'histoire de l'invention du copieur de Rank Xérox dans les années 30 par un avoué aux dépôts de brevets qui ne trouvait pas de meilleur boulot mais qui en avait marre des systèmes de reproduction de l'époque. Le stress de la rupture individuelle par exemple dans une carrière est aussi une cause de créativité technologique.

12) Le principe de sérendipité: dans le cas de l'étude de Pasteur sur les vers à soie, Tenner nous dit que le hasard et ses conséquences chaotiques l'ont amené, partant d'un problème circonstanciel dû à la surexploitation industrielle du vers à soie, à formuler des principes généraux à portée majeure sur la biologie microbienne. Je me permets d'aller un cran plus loin. Adoptons l'état d'esprit du Prince Sérendip d'Horace Walpole et soyons prêts à accueillir les découvertes que nous ne cherchions pas mais que nous faisons tout de même. Cette fable a donné le concept de Sérendipité bien connu des cogniticiens.



En quoi cela nous concerne-t-il ? 

La foi et la nécessité: nous vivons avec ce dilemme depuis l'aube de l'humanité. A la lecture des conséquences inattendues et négatives relatées par E. Tenner, certains seront tentés de vouloir mettre la créativité technologique humaine sous contrôle pour sécuriser et probablement geler le tout comme l'inquisition apostolique et romaine. D'autres regarderont les conséquences bénéfiques des progrès technologiques et s'en réjouiront au point de développer des errements "scientistes". Ce sont à mes yeux les deux côtés éternels de la même médaille. L'important est probablement dans l'épaisseur de la médaille dont Tenner nous fait prendre conscience si on veut bien l'écouter sérieusement.

Le pouvoir du "ET": Nous sommes face à des défis écologiques, économiques ET sociaux sans précédents ... ET nous disposons de compétences et d'une expérience collectives sans précédent. Il y a donc des risques ET nous pouvons y faire face si nous le décidons. 

Je ne dirais donc pas comme E. Tenner que le chaos advient et qu'il faut en faire le meilleur usage. Je dirais plutôt que nous n'avons pas le choix et que la nécessité est un meilleur aiguillon que la recherche de sécurité. Pour ma part, je pense que nous allons être chahutés sérieusement et que des catastrophes de tous ordres sont probables (nucléaire, bancaire, bactériologique, climatologique ... pour faire référence à mes derniers billets) ET que l'humanité en tirera parti. C'est mon pari sur la résilience humaine. Par contre, pour faire référence à l'article de Paul-Henri Pion (juste en dessous), il ne faudra pas s'attendre à conserver nos "avantages acquis" individuels et collectifs ... la technologie n'est pas magique, les changements seront majeurs et souvent durs. Mais après tout, si des conséquences inattendues sont probables, elles sont par définition encore inconnaissables donc nous verrons bien. Le pire n'est pas certain non plus !

Pour aller plus loin (en anglais)
un article de M. Tenner, 
son site
un article court de Princeton University
et son blog

lundi 12 septembre 2011

Vous avez dit avantages acquis ?

Par Paul-Henri Pion

Je vous ai déjà présenté Paul-Henri dans un précédent billet où il nous parlait du “lâcher-prise”. Voici qu'il récidive sous un autre angle et une forme plus littéraire. Economiste et cadre dirigeant devenu psycho-praticien et auteur, il nous livre donc ici une analyse originale au carrefour de plusieurs disciplines.

Maintenir la solution d'un problème résolu fait apparaître de nouveaux problèmes
Le vingtième siècle a été marqué par des avancées sociales et technologiques et par la création des conditions de la crise écologique actuelle. Pourrait-il y avoir un lien entre les deux ? L'expérience nous enseigne que lorsqu'un problème se pose, trouver la solution qui lui correspond, dans le contexte où il se présente, et l'appliquer, conduit à la disparition du problème. Il est donc passé d'un contexte où solution et problème coexistent à un contexte où seule la solution existe puisque le problème a disparu. Logiquement, continuer à appliquer la solution en l'absence du problème pour lequel elle a été dessinée, conduit à favoriser l'émergence d'un nouveau problème. L'adage selon lequel la seule chose qui ne change pas est que tout change se justifie de la sorte. C'est ainsi qu'en créant des avantages acquis, le vingtième siècle a creusé la tombe de ces mêmes avantages acquis.

La retraite: un avantage acquis devenu problématique
Qu'en est-il de la retraite par exemple ? Remarquons tout d'abord qu'à l'origine des retraites, bien avant que la loi ne s'en mêle et au-delà des aspects humanistes sous-jacents, le problème visé était de fidéliser les cheminots puis les mineurs. À partir du moment où les retraites sont généralisées, la question de la fidélisation ne tient plus, puisque quel que soit le secteur d'activité, le régime de retraite se retrouve. Le problème a disparu. La solution s'est mutée en possibilité généralisée de cesser son activité à 60 ans et obligation de la cesser à 65 ans. L'évolution des conditions de vie a conduit par ailleurs à la situation que l'on connaît : si en 1975 un nouveau retraité avait dix ans de vie devant lui, en 2005 il en avait vingt et aujourd'hui il a quasiment trente années devant lui. Quelles conséquences humaines cela a-t-il d'avoir maintenu cette solution de la sorte alors que sa motivation première était éteinte ?

Contribution au ralentissement de l'économie
Le montant des pensions initialement garanti à hauteur de quarante pourcents de la moyenne des salaires des trente années de cotisation donne un premier éclairage. Il signifie que ce qui coûte cher et nécessite de gagner de l'argent n'est pas l'indépendance financière mais le fait de travailler et d'avoir à investir pour pérenniser sa capacité de travail. Autrement dit, un retraité, en cessant de travailler, diminue de soixante pourcents la richesse qu'il ré-injectait dans le système. Donc plus il y a de retraités, moins il y a de travail ! Bien des retraités vous le diront : après l'angoisse de voir leur revenu chuter avec la retraite, ils constatent que leurs dépenses ont drastiquement reculé malgré eux. En conséquence de quoi, leur départ à la retraite contribue à ralentir l'économie et compromet l'emploi de leurs enfants et petits enfants contrairement à une idée fallacieuse répandue. 
 
Malchance du retraité
Si l'on retient à présent la retraite comme une compensation de la pénibilité du travail, il y a maldonne. Le travail comme l'école est d'abord un moyen de se socialiser. Envoyer pour trente ans hors du circuit du travail un individu, revient à lui envoyer le message qu'il n'est plus à la hauteur pour contribuer au bon fonctionnement de la société et qu'il en est tellement incapable qu'il va devoir dépendre du bon vouloir d'un système de pensions. Aucune société traditionnelle n'a maltraité de la sorte ses anciens, surtout s'ils sont encore jeunes ! La vie est caractérisée par la relation. Pas de relations, pas de vie. L'homme est un être vivant jusqu'à preuve du contraire et a besoin de relations, qui plus est dans lesquelles il se sente contribuer. Même si c'est pénible. La vraie maltraitance est de lui signifier qu'il ne sert à rien. Ce que la perspective de trente ans "d'inactivité" lui envoie.

Le retraité, un potentiel  à entretenir
Enfin, il est un point essentiel pour un organisme vivant que ce système nie totalement. Un organisme est l'inverse d'une pile électrique. Moins on s'en sert, plus il s'use. Tout organisme démobilisé a tendance à s'atrophier. Ceci est en particulier vrai du cerveau. Dans un environnement où les technologies de l'information doublent de capacité tous les deux ans, laisser une part de la population sans la contrainte de se mettre à jour qu'impose la vie professionnelle, revient à la mettre en danger de marginalisation et à nourrir chez elle un sentiment d'impuissance à suivre les évolutions. Or l'impuissance ressentie dans la capacité à gérer la relation à l'autre est le fondement de la colère et du ressentiment. Poursuivre dans cette voie revient à alimenter la colère des seniors et met en danger le ciment social.

La retraite, une question à traiter avec souplesse
Voilà trois effets d'un avantage acquis qui, par construction, conduit à une grande souffrance collective. Permettre à tout un chacun de prendre des périodes de repos en fonction de ses aspirations, de sa santé ou de ses investissements passés est respectable. Rigidifier un âge et des conditions pour accéder à ces périodes est pour sa part contraire à l'évolution du vivant et à la logique. Il y a lieu de rester pragmatique, c'est-à-dire d'accéder à la complexité de la situation pour en tirer une adaptation simple et non de compliquer le système pour en tirer des solutions simplistes qui finissent par fonctionner comme des bombes à retardement.

jeudi 8 septembre 2011

La transformation du mode de production de l'énergie est inéluctable

Jérémy Rifkin est assez peu connu du public français mais je profite de cette vidéo sous-titrée pour vous le présenter. C'est un auteur important dans le monde anglophone et un conseil des gouvernements américains et européens sur les questions de prévisions économiques et sociales à long terme notamment après le succès de son livre "La fin du travail".
Voici qu'il s'exprime ici (film réalisé par Terre tv) sur l'énergie nucléaire et particulièrement sur la France, ceux qui me connaissent savent pourquoi ce sujet me touche personnellement et là, je crois que son propos ne peut laisser personne indifférent:

En résumé:
Selon J. Rifkin: 
1) Le nucléaire était déjà mort il y a 20 ans mais la mise en avant du changement climatique lui a permis de renaître avec l'argument que le nucléaire, n'émettant pas de CO2, était une énergie propre.
2) Aujourd'hui, il est évident que le nucléaire est bien une énergie du passé, cette industrie est morte car:
- les 443 vieilles centrales nucléaires de la planète ne produisent que 6% de l'énergie, il faudrait des milliers de milliards de $ pour en construire 1500 nouvelles pour atteindre 20% des besoins énergétiques et ainsi avoir un impact perceptible sur le changement climatique. Aucune chance que cela se fasse. L'argument tombe.
- le problème du traitement ou du stockage des déchets n'est pas résolu.
- la sécurité des centrales, en France comme ailleurs, n'est pas assurée en cas de secousses telluriques, les barres de combustibles hors du coeur du réacteur sont vulnérables et peuvent causer une irradiation en cas de cataclysme comme à Fukushima.
- la ressource en uranium sera déjà insuffisante pour le parc de centrales existantes et le prix ne peut donc que grimper.
- la transformation de l'uranium en plutonium constitue un risque en cas de détournement terroriste.
- en France, 40% de l'eau douce servirait actuellement à refroidir les centrales et deviendrait ainsi impropre à l'utilisation agricole.

Une énergie issue d'une pensée du passé
Rifkin poursuit avec une idée que je trouve séduisante. Le nucléaire est l'archétype d'une industrie et d'un mode de pensée s'appuyant sur une vision qui a fait progresser les Etats "modernes" dans le passé: la centralisation. Prenant une analogie avec l'industrie de la musique qui disparaît au profit des téléchargements sur le net, les journaux qui s'effacent devant la blogosphère, wikipédia qui supplante l'encyclopédie Britannica, Linux qui dépasse Microsoft, le modèle de production d'énergie contrôlé d'un centre et redistribuant vers une périphérie sera supplanté par un modèle collaboratif sans aucun centre. Les nouvelles générations ne voudront tout simplement plus supporter les  mastodontes centralisés risqués et pollueurs (comme EDF) quand les bâtiments, les instruments et même les véhicules pourront produire leur propre énergie verte et la partager "latéralement"sans contrainte.

En quoi sommes-nous concernés ?
Nous devrions amener les hommes politiques à préparer activement l'avenir de nos enfants qui comme le dit Rifkin ne pourront plus supporter les modèles anciens. Pour cette raison au moins, le nucléaire n'a plus d'avenir. J'ajouterai (et je le publirai bientôt) qu'en matière d'énergie, Richard Hall Tipping m'a convaincu à TEDGlobal que l'apport des nanotechnologies rend très vraisemblable la vision d'avenir que présente J Rifkin. Je veux bien admettre qu'il y a encore une incertitude sur le coût environnemental de ces technologies mais je suis prêt à prendre le pari que cette incertitude n'est rien au regard de ce que nous annonce Rifkin !!!

La révolution des transformations discrètes:
Ne trouvez-vous pas frappante l'idée que la révolution est déjà en train de s'accomplir juste sous notre nez ? Les transformations discrètes dont j'ai parlé sont à l'oeuvre. Les crises que nous vivons ne sont-elles pas seulement les craquements superficiels des changements sous-jacents ?

mercredi 7 septembre 2011

Créer indéfiniment de l'argent-dette... ou inventer de nouvelles monnaies

Mon dernier billet renvoyait à une vidéo que voici sur le site de worldTV qui est à connaître. (Je retire cependant l'objet vidéo car le code ne renvoie pas à la bonne vidéo sur le site en question, pour la voir, cliquez sur ce lien)

Voici donc une explication en images de ce que j'appelais "M2". Pas de prêts pas d'argent et pas d'argent pas d'économie mais les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel ! 

Il faudra donc bien inventer quelque chose de mieux adapté que ce que nous avons aujourd'hui à savoir un système de prêt dit "fractionnaire" qui semble fort comporter en lui-même les germes de nos crises selon la démonstration de ce film.

Les freins sont énormes, aucun changement ne se produira si:

1) nous ne cherchons pas à comprendre les mécanismes économiques et sociaux réels,
2) nous renonçons en tant que responsables ou en tant que simples citoyens à exercer notre pouvoir de contrôle,
3) nous nous contentons de nous réfugier dans des croyances politiques ou religieuses qui laissent à d'autres le soin de régler les détails de la vie économique et sociale,
4) nous continuons à penser le monde avec les recettes d'hier,
5) nous préférons penser que les changements nécessaires arriveront sans efforts ...

En attendant, je me demande si tous ceux, intellectuels, journalistes ou consommateurs du café du commerce qui critiquent le Système en connaissent simplement les principes de base ... madame Lagarde comprise.

Pour aller plus loin, voici le site des concepteurs: http://www.moneyasdebt.net/

Polémique comptable ou problèmes de fond

La semaine dernière, une polémique a été lancée par la nouvelle Directrice du FMI, la sémillante et souriante  Christine Lagarde. Le FMI a-t-il décidé un grand emprunt mondial pour aider le tiers monde ? Pas tout à fait. Mme Lagarde dont l'esprit d'à-propos a déjà fait merveille, vient de conseiller aux banques européennes d'augmenter leurs fonds propres pour couvrir leurs risques compte tenu de la désormais médiocre qualité de leurs créances aux Etats en difficulté comme la Grèce ...

De quoi s'agit-il ?
D'une différence comptable ! Aux USA, dont l'orthodoxie bancaire passera à la postérité après l'affaire des subprimes entre autres, il convient d'enregistrer au bilan les créances à leur valeur de marché et en Europe elles le sont à la valeur faciale moins une décote de 21%. Donc en simplifiant (car il faudrait tout prendre en compte) quand une créance n'est pas spécialement risquée, elle est sous-évaluée en Europe (et le bilan paraît moins bon) mais quand le risque est fort comme dans le cas de la crise grecque, il se peut que la créance soit sur-évaluée (et le bilan paraît meilleur de ce fait)."Selon le FMI, si les banques européennes prenaient en compte les obligations souveraines de la zone euro, et donc de la Grèce, à la valeur qu’elles ont actuellement sur le marché, leurs fonds propres perdraient immédiatement de 10% à 12%. Soit un besoin de recapitalisation de 200 milliards d’euros pour être certain de faire face à la crise."

Pour évaluer la solidité d'une banque, il faut analyser l'ensemble de son portefeuille de créances (pas seulement certaines dettes car selon les méthodes choisies, les risques peuvent se compenser) et sous un ensemble de critères ... Il y a maintenant les stress-tests pour cela, l'ancien ratio Cook ne suffit plus et bientôt se réunit le comité Bâle III pour revoir tout cela une nouvelle fois. L'argument de C. Lagarde n'est donc pas intrinsèquement faux mais il est très insuffisant et devrait être nuancé. Une mesure plus logique aurait pu être de proposer de changer de méthode comptable en Europe pour TOUTES les créances et pour TOUTES les Banques, de refaire les stress tests et de voir alors si la banque européenne est moins protégée que son homologue américaine. Il me semble que l'affirmation de Mme Lagarde soit donc pour cette raison  hâtive et insuffisante techniquement. En revanche, les conséquences de son application, elles, me semblent au contraire très nettes si l'on réfléchit un peu. Voyons ce que tout cela pourrait bien vouloir dire.

Quelles seraient les conséquences ?
Imaginons que ce ratio soit actuellement de 5% (pour prêter 1000, la banque doit avoir 50 dans ses coffres). Cela veut dire que si les banques devaient passer à 10%, pour prêter 1000 elles devraient avoir 100 en propre ou avec 50, diminuer leurs créances de 1000 à 500. Ce % détermine les fonds que la banque doit détenir en propre (capital principalement) pour faire face à des faillites "normales" voire, dans le cas précis, à une crise exceptionnelle et pouvoir continuer à honorer ses propres engagements. Car la banque ne prête pas que son propre argent ou les dépôts de ses clients, elle emprunte également ... On comprend que ces ratios servent théoriquement à éviter les faillites en chaîne. Et doubler ce ratio signifierait soit doubler son capital soit réduire de moitié ses prêts ou un peu des deux !

La mise en oeuvre de cette idée poserait un vrai problème économique. Imaginez-vous tout un chacun dans un tel contexte souscrire à l'augmentation de capital massive des banques que cela signifierait ? Et avec quel argent ? Alors sans apport supplémentaire, il faudrait que les banques réduisent leurs prêts de moitié. Tout simplement. Moi qui aimerait revendre ma maison, il faudrait que je songe à limiter mes recherches aux seuls acheteurs qui pourraient se passer de prêt immobilier parce que dans une telle situation, l'accès au crédit serait rendu encore plus difficile aux acteurs "normaux" de l'économie (entreprises et particuliers). Je viens rarement au secours des banques (qui n'en ont pas besoin d'ailleurs) mais là se profilerait une crise financière bien plus importante. Une telle proposition aurait pour effet de réduire la masse monétaire "M2" (celle qui correspond justement aux crédits) et de plonger rapidement les économies dans une récession plus brutale et plus massive encore que celle que nous connaissons déjà. Je n'aurais pas l'outrecuidance de conseiller cette vidéo à C. Lagarde mais si vous, vous avez un peu de temps, allez regarder (merci Christine !).

Comme le disait Jean François Noubel à TEDxParis en Janvier, il y a déjà un phénomène de "condensation" monétaire qui limite l'accès à la monnaie (l'adage dit qu'on ne prête qu'aux riches !). Ce phénomène serait encore accru. Alors là n'y pensons même plus ! Et pourtant, les enjeux économiques, sociaux et environnementaux ne justifient-ils pas que les acteurs économiques investissent pour y faire face ?

Que faudrait-il faire alors ?
D'abord, souvenons-nous des causes du problème: la crise des subprimes est venue d'une opacité artificiellement créée pour diluer de mauvais risques pris sur l'immobilier aux USA. Il s'agirait donc plutôt de surveiller en amont des ratios prudentiels, la qualité du travail d'engagement des banques. Car pour autant, je ne dirais pas comme Mme Parisot que les banques européennes sont si solides. Les ratios actuels ne sont pas toujours respectés et nous ne sommes pas à l'abri que certaines fassent défaut parce qu'elles prêtent aux Etats qui n'en font pas. Mais s'occuper des ratios ne suffit pas. C'est tout le système de management des hommes et des risques qu'il faudrait rendre plus pertinent et plus près des réalités économiques et sociales, par une gouvernance au niveau des conseils d'administration plus affutée et enfin par un meilleur contrôle des institutions financières de la part des Etats. En gros, par un véritable exercice des responsabilités de chaque niveau à l'intérieur et au dehors des banques. 

Venir a posteriori simplement modifier les ratios de gestion (et pas qu'un peu) sans se préoccuper de la chose gérée, est-ce bien responsable ?

Qui est le plus irresponsable ?

Certaines banques sont donc  coupables à l'origine d'avoir mal fait leur travail. Aujourd'hui elles le sont d'avoir prêté à la Grèce, quel est le plus gros problème ? Un Etat comme la France disposant (encore) d'un "AAA" et qui est  endetté à plus de 80% de son PIB dispose d'un accès au marché dans les meilleures conditions c'est-à-dire avec les meilleurs taux. Par opposition, mon acheteur immobilier même disposant d'un emploi stable et de garanties, si ses remboursements dépassent 30% de son revenu, n'aura pas de crédit du tout... Même idée pour les entreprises. Or un budget d'Etat chroniquement en déficit ramené à 3% de déficit annuel est, dans le même temps, considéré comme vertueux... Que se passerait-il si votre budget à vous était bouclé au mieux à 97% ?

Ne serait-il pas préférable de recommander aux Etats une gestion plus seine et de s'appliquer à eux-mêmes les règles qui prévalent pour les autres acteurs économiques ? Ce qui est l'évidence pour vous devient une règle d'or" pour l'Etat  de nos jours !!! Difficile dans ces conditions de parler de prises de responsabilités de chaque niveau. Ne dit-on pas qu'un escalier ça se balaie en commençant par le haut ?

Une affaire qui fait "pschitt"
Mme Lagarde a bien plutôt cherché à plaire aux banques américaines pour montrer son indépendance vis à vis de ceux (les pays européens) qui l'ont fait élire au FMI. On voit aussi que cette histoire de ratio n'est pas sérieuse et l'on pourrait en plaisanter si la situation financière des Etats (plus que celle des banques) n'était celle d'une quasi-faillite. Et l'ont voit tristement où se situent les priorités de la nouvelle Directrice du FMI au sujet de laquelle j'ai déjà écrit que j'aurais préféré un économiste indien ... puisqu'il n'est pas politiquement correct de regretter ouvertement Strauss Kahn !

Pourquoi commenter ce non-événement ?
Parce que la Banque n'est qu'un instrument du Capitalisme qui n'est qu'un instrument de notre fonctionnement économique. Un instrument et pas un système idéologique ni moral qu'il s'agirait de détruire, de brimer, de punir ou de servir. Il s'agit seulement de bien l'utiliser. Ce qui pose problème c'est la complexité et les intérêts bien compris de ceux qui se servent de cette complexité à court terme et qui conduisent les institutions à dysfonctionner. Par exemple à prêter quand il ne faudrait pas puis à le cacher le temps que cela devienne ensuite des escroqueries planétaires (les subprimes). Comme sont des escroqueries les magouilles des dirigeants grecs qui n'ont jamais pu rééquilibrer leurs finances internes, mettre en place une fiscalité honnête et fait croire à leurs électeurs que cela pouvait durer éternellement... Comme finiront probablement par apparaître comme des escroqueries les pratiques de nos dirigeants qui ne savent depuis 50 ans équilibrer notre budget national qu'en augmentant la dette sans mener à leur terme les réformes nécessaires. Rappelez-vous du candidat Sarkozy qui s'étonnait: "il n'y a plus de frontières et non seulement il y a toujours des douaniers mais leur nombre a augmenté de plus de 10000 depuis qu'il n'y a plus de frontières ..." Qu'a fait notre manager-président Sarkosy de cet excédent de douaniers ? 

Je n'en veux pas plus aux douaniers qu'aux banquiers en fait. Ni même à Sarkozy plus qu'à Chirac ou à Mitterrand. La vérité c'est que rien ne se fait vraiment sur le fond et que personne même nanti du "AAA" ne peut vivre indéfiniment au dessus de ses moyens. C'est cela qu'il faut changer et non les ratios prudentiels des banques. Les raisons des déclarations de Mme Lagarde apparaissent dès lors bien dérisoires devant les véritables enjeux.

Pour finir voici deux citations que j'aime bien:
Il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout.
"Il n'y a pas de problème qu'une absence de solution ne finisse par régler" Henri Queuille Ministre de la 3eme République et
"Tout finit par s'arranger, même mal" attribuée à Rudyard Kipling

samedi 3 septembre 2011

Vitesse au volant: mieux que les radars !

Dans la lignée de mes articles sur les contrôles radars et le rattrapage de points, voici un petit film australien qui pose le problème autrement (ou au moins une partie du problème):
L'impact de cette campagne est excellent en Australie, paraît-il. C'est ce qui se passe quand l'imagination arrive au pouvoir ...