samedi 27 avril 2013

La crise politique du régime démocratique


Dans l'article de ce jour, je reprends les propos de Marcel Gaucher le 11 Avril à France Culture dans "les matins". Le sujet de l'affaire Cahuzac est évidemment lancé et l'on demande à M. Gaucher la direction que prend la république dans son effort de moralisation. Les choses avancent-elles ?

Contexte 

Pour le philosophe "ce n'est qu'un fait divers", une affaire en elle-même très banale. Comme nous le disions nous-mêmes, "il y aura toujours des gens malhonnêtes" alors ? L'élément déterminent est le contexte. Une nouvelle inégalité se crée, il y a ceux qui peuvent se soustraire à l'horizon général d'appauvrissement et il y a ceux qui ne peuvent pas.

L'héritage révolutionnaire de la France lui confère une sensibilité particulière à l'égalité devant la loi; ceux qui font la loi doivent rester sous la loi. Sinon, le scandale est énorme ! Mais l'horizon étant bouché, c'est le contexte économique et social qui lui donne du relief.



L'article ci-après est largement une transcription libre de cette vidéo.

La morale en politique ?
  • "La transparence peut conduire à l'enfer. Ce besoin est naturel et exacerbé mais paranoïaque, c'est inatteignable, c'est plutôt un problème de responsabilité des hommes politiques. Ils n'ont pas encore réalisé ... ; les mœurs parlementaires sont marquées d'un sceau d'ancien régime intolérable, ce constat reste une affaire d'initiés mais cela risque de faire scandale, c'est aux parlementaires de prendre l'initiatives". Le philosophe cite le livre du journaliste Bruno Botella:
  • Petits secrets et grands privilèges de l'assemblée nationale
  • "La morale est politique, et la politique reconduit à la morale". Les politiques doivent des comptes, c'est tout simple. Le catalogue de mesures de F. Hollande n'est peut-être pas assez bien posé sur la table."
  • Le Point titre: "Pépère est-il à la hauteur ?" ."C'est la contamination de la presse par le ton de la dérision et de la perte d'autorité mais qui est celui de toute la Société. Quelle est la réponse politique à cet état de fait ? F. Hollande n'a pas le ton adapté. Une réponse serait le non-cumul des mandats même si ce n'est pas le problème posé par l'affaire Cahuzac, le signal serait très fort et adapté."
  • "Il y a des solutions individuelles comme "quitter la France". Les grands modèles héroïques dont le Général De Gaulle est un des derniers exemples qui définissaient l'horizon moral se sont effacés.
  • La mondialisation se retourne contre nous, nous pensons en être les perdants et en plus ces sujets ne sont pas dans les gênes du parti au pouvoir qui se crispe sur des mesures dérisoires".
  • "La gauche est toujours mal à l'aise avec l'argent. Mendès France avait un discours moral mais refusait de se donner les moyens financiers pour agir ..."
  • "Le goût du pouvoir c'est exécuter ce qui paraît important à un moment ..." Mendès France.
  • "A l'opposé, comment Lincoln a-t-il réussi à faire adopter le 13ème amendement contre l'esclavage ? Par la rouerie et en achetant ses adversaires ... Buts nobles, moyens peu avouables." Excellent film au demeurant.
Quel est le vrai problème selon Marcel Gauchet ? 

"Toute crise peut donner des résultats positifs pour peu qu'on en assume les conséquences."
La difficulté de la situation politique c'est que les Politiques se sont spécialisés, professionnalisés et que les citoyens ont totalement renoncé à participer dans un contexte de mondialisation défavorable et dans un cadre "Nation" qui s'est estompé. La déception est donc très grande.

Dans l’œuvre de Marcel Gauchet, la démocratie se définit comme couronnement de l'autonomie. Pour lui, l'approfondissement des démocraties amène une gamme tout à fait nouvelle de problèmes inconnus. Comment vivre en démocratie si nous ne pouvons rien sur les situations que nous rencontrons ? Il a une inquiétude face à la carence constitutive du politique face à ce qui fait le déterminant de la vie collective et qui est l'économie. Comment s'extirper du "tout-à-l'économie" pour retrouver le sens du gouvernement politique qui nous a échappé ? Voilà le défi qui nous est posé.

En quoi sommes-nous concernés ?

Economie, politique ... impossibilité de gouverner, renoncement citoyen. On retrouve au moins en partie le constat que fait Etienne Chouard et qui nécessite une remise en cause de notre Gouvernance et donc de la Morale politique qui la sous-tend. Partout le même constat et M. Gauchet malgrè son nom n'est pas un "gauchiste". Reste à mettre en œuvre des solutions concrètes. Je vous en proposerai une dans mon prochain article à l'occasion de la sortie d'un nouveau livre chez ACATL Editions.

mardi 23 avril 2013

Vers une véritable démocratie


Suite de ma série sur la Morale, il est temps que je vous présente Etienne Chouard qui nous parle de la nécessité de réécrire la constitution nous-mêmes pour enfin espérer vivre en  démocratie.
Je l'ai découvert il y a deux ans lorsque que je travaillais à la préparation de TEDxMetz puis de TEDxLaDéfense sur les monnaies complémentaires. Ensuite, il est venu à Metz mais je n'ai pu m'y rendre pas plus qu'à TEDxRepubliqueSquare où a été tournée la vidéo ci-après:




Quelques éléments de biographie

Je vous l'avais annoncé depuis que j'ai entrepris cette série sur la Morale puis sur les scandales. Il ne s'agit pas seulement de s'offusquer de ce qu'il y ait de temps en temps une affaire Cahuzac. Il s'agit de s'interroger sur la véritable nature de notre liberté d'action et de notre pouvoir citoyen dans une société qui n'est peut être pas aussi démocratique qu'elle le dit. C'est en tous cas le point de vue d'Etienne Chouard (voir son blog). Il s'oppose notamment au pouvoir des banques de créer de la monnaie et il soutient le revenu individuel inconditionnel... toutes choses, je pense, qui devraient choquer ceux d'entre nous qui ont le monde de l'entreprise comme référence. Etienne Chouard est simple "citoyen" et professeur de droit et d'économie dans un lycée de Marseille, il se fit connaître en 2005 à l'occasion du référendum sur l'Union Européenne.

Il est apprécié des milieux "alters" comme ATTAC, pourtant malgré ses sympathies pour Jean Luc Mélenchon, il n'est pas forcément bien vu du Front de Gauche. Par d'autres, il a été accusé d'avoir des sympathies d'extrême droite et est parfois accusé de "complotisme". J'ai pris beaucoup de temps avant de parler de lui afin de me faire une idée personnelle et aussi en attendant de faire sa connaissance ce qui viendra sûrement prochainement. Je le crois tout simplement inclassable parce qu'il recherche des réponses bien plus fondamentales que celles que donnent les partis politiques même ceux qui ne cherchent pas à gouverner. Pour ma part, je trouve qu'Etienne Chouard pose les bonnes questions. A nous, qui avons un peu d'expérience de menues responsabilités, de nous préparer à inventer les bonnes réponses.

Quelle est sa thèse ?

Etienne Chouard recherche la cause des causes (en une sorte de questionnement aristotélicien sans le dire), l'essence de son questionnement est donc rationaliste. Il remet en cause des croyances individuelles et collectives bien ancrées en s'appuyant sur sa compétence en Droit Constitutionnel et en économie. Sa thèse est simple: notre renoncement est la source indirecte des injustices vécues par le Corps Social comme le montre le slide ci-dessous:

Il cite notamment le philosophe Allain pour qui le Juste ne cherche qu'à se gouverner lui-même d'où il suit que nous mettons structurellement au Pouvoir ceux qui sont les moins Justes ... puisque ce sont ceux qui ne se contentent pas de se gouverner eux-mêmes. Il cite aussi l'abbé Sieyès, premier "sociologue", élu du Tiers Etats et influenceur de la constitution de notre première République, pour qui il est impensable que le peuple dispose du Pouvoir ...

Quelles sont ses solutions ?

Elles s'articulent autour d'une idée centrale.  Dans la vidéo suivante, il parle de la mise en œuvre de cette idée de base: adopter une constitution rédigée par un corpus de citoyens lambdas choisis au hasard

E Chouard à Attac Metz le 22 Octobre 2011

Peu importe que le pouvoir soit local (municipal), diffusé dans le millefeuille des strates géographiques intermédiaires, national (partagé entre un exécutif et un législatif bicamériste ou autre chose ... ) ou européen. Le Pouvoir doit appartenir aux citoyens, ce que nous ne sommes pas et n'avons jamais été en application des principes de Sieyès. Il convient donc que les citoyens imposent la réécriture par eux-mêmes de LEUR constitution et que leurs représentants (ainsi que les fonctionnaires qui en dépendent) soient étroitement contrôlés par EUX en application de cette constitution !

En quoi sommes-nous concernés ?

Quand l'économie va bien et que la paix se maintient aussi longtemps que dans la période qui semble s'achever, la majorité dispose d'assez de marge de manœuvre pour vaquer à ses occupations et  pourvoir aux besoins des siens. Quand ce n'est plus le cas, le gâteau se réduit d'autant plus que le système de répartition est confisqué et donc inégalitaire, (voyez ce qui se passe quand quelques hauts fonctionnaires confisquent l'application d'une loi au profit de leur tranquillité) ... Il se produit alors des séismes qui remettent violemment en cause tous les Pouvoirs en place. On appelle cela des Révolutions. 

Ces séismes sont en général violents, stupides, injustes et s'accompagnent de reculs pour être finalement confisqués pour de nouveaux Pouvoirs. Les cas et exemples que j'ai mentionnés dans mes derniers articles montrent que les lignes bougent en bien comme en mal (c'est pour cela que je parle de morale). Nous devrions être incités à reprendre les choses en main sans forcément que la prise de nos Bastilles modernes nécessite de promener sur des piques la tête de boucs-émissaires comme J. Cahuzac .

Pourquoi en effet ne pas prendre acte de la criticité de la situation et revendiquer une nouvelle constitution plutôt que nous contenter d'aller voter en râlant ou de simplement stigmatiser stérilement le cynisme et l'inconduite de quelques uns ? Dans le même temps, dans de nombreux domaines économiques, sociaux, techniques, scientifiques, des solutions existent à notre portée ... ET ne peuvent pourtant pas être mises en place. Pourquoi ?

Next step:

Et si les réflexions d'Etienne Chouard ne concernaient plus seulement quelques marginaux idéalistes ? Le prochain article donnera la parole à Marcel Gauchet, un philosophe, historien déjà présenté dans ce blog, en train de finaliser une véritable "somme" sur la démocratie, et qui a une grande notoriété  d'audience notamment parmi les milieux intellectuels "reconnus" et auprès de certaines grandes entreprises. Vous verrez qu'il dit certaines choses similaires notamment sur le renoncement citoyen ...

samedi 20 avril 2013

Ordre et Morale


Comme annoncé, ce billet prolonge le précédent sur la Morale. Je l'accompagne d'un autre mot: "Ordre". Car il faudra bien revenir aux mots que l'on a pris l'habitude de ne plus utiliser car un peu trop connotés. "Ordre et Morale" ensemble forment le titre d'un film de Mathieu Kassowitz sorti en 2011. Mon but n'est pas ici d'en faire la critique ni même de reparler des tragiques événements d'Ouvéa.


Voici la bande annonce du film:

Le film a été diversement accueilli et a été notamment interdit en Nouvelle Calédonie car le sujet y est encore brûlant. Le général Vidal a démenti la thèse de l'assassinat des prisonniers kanaks... Je ne veux pas entrer dans un débat sur le film lui-même, je ne m'intéresse qu'au symbole et à la Morale qu'il porte. Voyons ce qu'il a permis d'entendre. Michel Rocard, premier ministre nommé juste après les événements est interviewé à la sortie de la projection:




"Le film est juste hélas, ... la faute politique a été de mettre l'armée là où elle n'avait pas à être pour faire ce qu'elle ne sait pas faire !"

Faute de Gouvernance donc. Michel Rocard n'a pas eu à prendre la responsabilité de l'assaut à Ouvéa et en plus il est légitimement fier d'avoir su mener la sortie de crise relative à la possible insurrection de la "Kanaquie". On note d'ailleurs dans son propos la posture du négociateur qui se place tour à tour du point de vue de chaque partie ... Qui plus est, vu son âge et son parcours, peu d'hommes politiques ont sa liberté de parole. Les événements ont eu lieu en 1988, ce commentaire date de Novembre 2011. Compte tenu des difficultés du capitaine Legorju (héros du film et en charge de l'assaut) et aussi de celle de Kassowitz pour tourner le film, on peut dire que c'est plutôt bien qu'un tel témoignage puisse être porté "si vite".

En quoi sommes-nous concernés ?

Le secret d'Etat n'excuse donc plus tout à fait tout,  des choses se disent plus vite et plus tôt ... Mais ce n'est-là qu'un simple exemple, certes tragique et douloureux, ce fait est de ceux qui se médiatisent bien. Un simple exemple donc et sans doute un arbre qui cache la forêt... Il nous reste à imaginer les lâchetés et erreurs commises pour en arriver à la thèse que présente le film et qui n'est plus désormais tabou, ce qui est un progrès. Mais les habitudes ont la vie dure surtout quand il s'agit de "petits" faits austères et obscurs comme ceux relatés dans l'article précédent. Mais là comme à Ouvéa, que se passe-t-il quand une Institution de l'Etat est amenée (peu importe qu'il s'agisse d'intérêts particuliers ou d'erreurs ...) à faire ce pour quoi elle n'est pas faite et qu'elle ne sait pas faire ?

Il serait donc maintenant judicieux puisque les tabous tombent, de procéder dans le détail et dans les coins obscurs à ce travail de rigueur (que j'appelle "moral"). Les artistes le font comme avec ce film sur des sujets tragiques, les journalistes comme E. Plenel l'ont fait pour faire éclater le scandale Cahuzac. Quand les représentants des citoyens iront-ils dans les coins mal éclairés de notre République vraiment demander des comptes ? Il y a là sans doute matière à redressement "productif".

On pourra se dire que ceci n'a rien à voir avec la Morale ou que nous comparons des choses non comparables. Nous parlons dans tous les cas, de (petits ou grands) mensonges d'Etat qui entraînent des dysfonctionnements dont nous sommes ultimement responsables (et victimes). Même s'il n'y a pas toujours mort d'homme et que cela n'intéresse souvent personne de prime abord, il convient de nous en saisir, en tous cas de nous en préoccuper. Je choisis de croire que c'est possible.
Prochain article: changer de constitution !

mardi 9 avril 2013

Plus profond que l'affaire Cahuzac: un cas vécu

Dans cette série sur la Morale, je voudrais aujourd'hui vous entretenir d'un cas bien réel, STVI. Ce cas, sans doute pas unique, révèle, au fond, une situation bien plus grave que les affaires médiatiques du moment. Et vous allez voir pourtant comment on y retrouve encore les mêmes personnages mais dans un rôle différent et quelques autres plus gris et une administration très tranquille.

Crédit photo: STVI
Le vrai scandale disais-je dans mon dernier article, "Morales et scandales", ce n'est pas que le ministre de l'anti-fraude soit lui-même un fraudeur. C'est finalement un simple humain, tout comme Neyret le n°2 de l'anti-gang de Lyon, accusé d'avoir des méthodes de "gangster" lui-même. Humaine aussi l'interpellation à la suite de Neyret d'un responsable des douanes de Nice. ... Tout comme était aussi dans la nature humaine le trafic des 7 douaniers (gradés) de Roissy ... Même quand toute la "transparence" sera faite sur les dérives de la nature humaine, le vrai scandale ne sera pas réglé pour autant car il est rivé, lui, à la nature des organisations et de leur management. 

Le vrai scandale:

Crédit photo: documentation française
Non, le scandale dont il importe d'être conscients est moins évident. Les gouvernements décident peu mais agissent encore moins car les administrations si coûteuse qui lui rapportent ne sont pas toujours de cet avis. Pourquoi me direz-vous ? Pas par perversité, plutôt selon un double mécanisme bien connu d'auto-conservation qui met en jeu l'intérêt catégoriel "bien" compris et la classique résistance au changement étudiée par Kurt Lewin dès 1951. 

Je vous donne avec le cas ci-après une illustration qui prend place dans un contexte plus large. Il ne s'agit pas de dénoncer le "Mal absolu", ni de "banales" pratiques illégales. La réalité profonde que je vise est pire car plus "anodine", indolore au plus grand nombre sauf pour celui qui la vit à ses dépens. Elle demande bien plus de maîtrise managériale si l'on veut l'affronter. Je vous parle ici des stratégies "normales" mises en œuvre par le corps social d'une organisation, quelle qu'elle soit, pour survivre à sa propre obsolescence quand une gouvernance incompétente ne parvient pas à impulser la mutation.

Quel rapport avec la Morale en Politique ?

Mais si, un problème moral se pose bien: en l'absence d'une gouvernance compétente et décidée, un "Bien" et un "Mal" subsidiaires s'instituent peu à peu dans le vide laissé qui ont peu de chances d'être le reflet du "Bien" ou du "Mal" selon l'intérêt Public. Y remédier demande compétence, détermination et courage...

Précision: la gouvernance principalement en cause ici est a priori celle de M. Fillon non l'actuelle. Pour autant, cela ne fait aucune différence car mon propos ne vise pas la "Politique politicienne" comme vous allez le constater. Cela méritait cependant d'être précisé. Il y en aura pour tous les bords.

Résumé du cas:

  • Les camions de chantiers portant un engin de BTP peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur les produits pétroliers lorsqu'ils fonctionnent sans rouler (voir formulaire). Dans ce cas le carburant est détaxé. Un double réservoir fioul-gasoil permet de passer, par une simple vanne, du taxé au "rouge". La seule façon de dépister la fraude était jusqu'ici d'envoyer des inspecteurs des douanes faire des contrôles sur les routes ...
  • en 2006, STVI, société innovante basée à Talange en Moselle, créée pour ce seul produit, lance « POLYTAX », système embarqué de comptabilisation des consommations de carburant des poids lourds hors propulsion au terme d’un partenariat public privé créateur d’emplois.
  • STVI est soutenue par OSEO, la Région Lorraine, TOTAL DEVELOPPEMENT, ST GOBAIN DEVELOPPEMENT, le pôle de compétitivité LYON URBAN TRUCK & BUS, « POLYTAX » est mis au point en partenariat technologique avec l'Institut Français des Pétroles. Le produit est fiable et il ne s'agit pas d'une start up à gros risque et multiples levées de fond mais d'une entreprise rentable dès le premier exercice "normal".
  • « POLYTAX » permet de mettre en œuvre de façon simple et transparente une réforme fiscale permettant de
    Polytax, photo Le Dire et le Faire
    bénéficier des remboursements de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ex-TIPP) votée en 2007 rendant les contrôles des douanes obsolètes.
  • L’objectif de l’Etat était de lutter contre les trop nombreuses fraudes et aussi de proposer une alternative aux systèmes en vigueur (la bicarburation fioul-gasoil). L’enjeu est de 75 M€ par an selon le comité d’évaluation des niches fiscales.
  • En outre, l'utilisation de gasoil plutôt que de fioul serait un peu moins polluante.
  • Pour étudier le projet et assurer les contrôles, la DGDDI (douane) avait fait appel à un « expert » non agréé, et de plus évadé fiscal, dont la légitimité a été remise en cause.L’agrément provisoire de STVI n’a pas été reconduit et le système comme la mesure fiscale ne peuvent plus être mis en œuvre alors que le même appareil est actuellement en fonction dans un pays voisin !
  • Plus de 450 appareils dans 250 entreprises ont cependant été mis en service tout en fonctionnant parfaitement ne permettent pas le remboursement de la taxe. 7 emplois ont été sacrifiés et STVI est virtuellement en faillite.
  • Diverses voies de recours sont tentées actuellement notamment judiciaires dont il y aurait beaucoup à dire aussi.
Comment suis-je au courant ?

Alors dirigeant d'une PME dans le même secteur et dans la même région que STVI et membre du Réseau Entreprendre, j'avais reçu et écouté ce chef d'entreprise.  J'avais recommandé et défendu son projet devant notre Comité des Engagements. Il est alors devenu l'un de nos lauréats. Avez-vous remarqué que l'on parle volontiers des nouveaux lauréats ou de leur réussite et plus rarement de ce qui leur arrive parfois de moins bon par la suite ?  

Le contexte a muté, pas l'organisation.

Photo: impots-economie.com
Une administration quasi-régalienne, la Douane, est mal à l'aise depuis que l'Union Européenne s'est mise en place. Comme le remarquait le candidat Sarkozy en 2007, nous n'avons plus de frontières terrestres ou presque et la Douane est toujours là: 

"Savez-vous que la douane, 20.000 fonctionnaires, se trouve au même niveau que 1980 ? Entre temps, on a supprimé les frontières dans l'Union européenne. Y a-t-il quelque chose à faire ? La réponse est oui", avait déclaré le candidat UMP à la présidentielle sur RTL à l'époque.

Crédit photo: Denis Charlet AFP/Archives
Alors c'est entendu, il y a encore les ports, les aéroports l'immigration clandestine et des missions de plus en plus techniques à l'intérieur du territoire (pour lesquels les douaniers ne sont d'ailleurs par très bien formés hors corps spécialisés). De fait, la douane est aujourd'hui essentiellement un organisme collecteur et contrôleur d'impôts: elle perçoit 14 % des recettes du budget national via des impôts indirects sur certains biens de consommation (taxes sur les produits pétroliers, les alcools, et le tabac) ainsi que la T.V.A. sur les produits importés de pays hors Union Européenne. Elle reste pourtant distincte des impôts, pourquoi conserver ce doublonnage ?

Une organisation à la peine:

La douane, techniquement mal armée et jalouse de ses prérogatives, coopère très mal. L'action 2.0 n'est pas dans ses gènes. Si vous en doutez, je vous propose de prendre connaissance du compte rendu n°69 de la commission des finances du 7 Mars 2012 à 16h00. Le président de la Commission d'alors, Jérôme Cahuzac (!), donne la parole à Christian Babuziaux, Président de la première Chambre de la cours des comptes sur la perception de la TVA au sujet de laquelle il estime la fraude à 10 Milliards par an, voici un petit extrait de ses constats:

"Enfin – et c’est le troisième constat –, la coopération entre la DGFIP et la Douane - qui gèrent toutes les deux la TVA – est
Crédit photo: wikipedia
insuffisante. Peu de contrôles sont programmés sur la base des informations transmises par l’autre administration. Deux chiffres sont éclairants : en 2010, la DGFIP a adressé 3 bulletins de transmission d’information à la direction nationale de la recherche et des enquêtes douanières (DNRED) ; cette dernière en a transmis 53 à la DGFIP, soit environ 4 par mois, ce qui est davantage mais reste limité. La DGFIP et la Douane ont conscience de ces insuffisances et donc conclu en mars 2011 un protocole. Nous verrons si, à la différence des précédents, celui-ci se traduit par des progrès réels. Ce protocole prévoit des accès mutuels aux bases de données des deux administrations. Il conviendrait à notre sens d’aller au-delà et d’engager sans délai la constitution d’une base de données commune à la DGFIP et à la DGDDI.
"

S'il faut un "protocole", une sorte de traité de paix, pour que les services de l'Etat coopèrent, on comprend que la fourmi STVI n'aurait pas dû déranger le mammouth. Cette affaire survient donc dans un contexte général nécessitant une profonde remise en cause. 

Derrière le cache-misère:

Crédit photo: Miguel Medina/AFP
Comment, en pratique, une situation comme celle faite à STVI est-elle possible ? Tout d'abord la légitimité de base de la douane traditionnelle n'existant plus, cette administration pléthorique cherche à protéger ses missions. La réalité de l'affaire est donc bien plus dramatique que lorsqu'un brillant politicien se sert dans la caisse car il ne s'agit plus alors d'une seule brebis égarée mais de tout un "corps social" qui fait front. Nous avons affaire ici à une organisation obsolescente et mal dirigée qui défend sa peau ... contre le contribuable ! Or pour cela, point n'est besoin de contrevenir à la loi, il suffit d'attendre et de ne rien faire. Les ministres passent savez-vous ... Comment s'appelait-il le dernier ministre de tutelle de la Douane déjà ? ....ah oui, Jérôme Cahuzac. Encore lui !

Rendez-vous compte: grâce à une PME lorraine en cours de création, une loi est passée en 2007 réformant un dispositif de 1970 permettant désormais un contrôle automatisé, numérique et traçable à la place du vieux système de bicarburation absurde rendant la fraude inévitable. Un système électronique innovant est venu proposer tous les moyens pour la mettre en œuvre rapidement et à coût nul. L'administration, dans sa grande sagesse en était totalement incapable.

Mais pour déférer aux procédures en vigueur, la douane s'est attaché un consultant qu'elle a nommé "expert" et dont l'intérêt dans cette affaire est évident (récurrence des contrôles d'agrément des matériels). Petits soucis: ce consultant n'était pas agréé, ne disposait pas de l'expertise requise et était de surcroît un exilé fiscal, aie ! En outre, le fonctionnaire chargé du dossier sans doute incompétent et/ou en rivalité avec une autre administration, la Métrologie Légale cette fois, a oublié d'impliquer celle-ci dans l'homologation des matériels ... Grave erreur qui suffit à déclencher un soupçon d'empiètement entre administrations.

Pas de vagues.

La vidéo ci-dessous d'une commission parlementaire est celle de l'inspecteur des finances, directeur des droits indirects à la douane, qui a supervisé le projet d’écotaxe poids lourd (et l'affaire STVI) et qui, dans un style caractéristique, se déclare satisfait de celui-ci. Vidéo du Sénat.
Henry Havard DGDDI
photo d'après http://videos.senat.fr

Vous remarquerez au passage le langage du corps et les expressions qui traduisent une certaine "retenue". Il semble en réalité qu'il ait de quoi être très mal à l'aise. Le projet dont il parle a fait l'objet de soupçons en 2011 et en outre le coût de la collecte atteint le niveau record de 230 M€ soit 20% de l'impôt collecté ! Lire l'article du Parisien de Janvier 2013. Ce grand oral a cependant été réussi ... Et pourtant, il s'agit-là d'une affaire beaucoup plus grosse que celle dont je vous parle ...

En attendant, dans ce même style très caractéristique, l'administration, pour cacher les erreurs de certains de ses fonctionnaires, a muté ou mis à la retraite tous les protagonistes de l'affaire STVI, remis en cause l'agrément de 5 ans de cette PME et attend depuis cinq ans que l'affaire se tasse ! Aucun autre système n'existe. 250 entreprises de transport dont on connaît l'aisance actuellement, attendent aussi leurs remboursements et 7 salariés sont indemnisés par Pôle Emploi... La mer continue de monter mais l'important c'est qu'il n'y ait pas de vagues.

L'écume des vagues:

L'affaire Cahuzac, n'est donc que l'écume d'une vague. Le problème c'est la marée. Et ne comptez pas sur les douaniers ni sur personne pour que l'on vienne vous en parler. Aucun fonctionnaire, sans doute, n'a ici détourné des millions, mais combien d'autres STVI souffrent en silence ? Combien coûte l'incapacité du système à se réformer ?  Le cas de l'écotaxe et du recouvrement de la TVA, plus visibles, nous laissent déjà rêveurs.

Au fait, combien la France va-t-elle devoir emprunter pour faire face à ses échéances ce mois-ci ? Environ 10 Milliards d'Euros de plus !

Morale de l'action politique: 
Notre  président, le "normal", s'interroge sur la conduite à tenir dans l'affaire Cahuzac ? Sans doute pense-t-il attendre lui aussi, pour agir, que l'affaire soit terminée, à la Mitterrand. Notre précédent président, "l'excité", aurait réagi plus vite, lui. Et alors ? Quelle différence d'impact y aurait-il entre ces deux approches politiques dans un cas comme celui de STVI ?  Aucune.

Les journalistes disent que les politiques ne peuvent pas ne pas avoir su ... Pour Cahuzac, je ne me prononce pas, mais pour des affaires comme celle de STVI, non, les éléments ne leur remontent effectivement pas. L'affaire STVI est restée à l'échelon de l'inspecteur des finances concerné.

Et ceci est "MAL" pour revenir sur le thème de la morale. Une juste gouvernance ne peut pas s'exercer. Je crois donc qu'il est vain de penser que dans un tel cas, les élus sont tous pourris sans leur adjoindre nos administrations. Les élus sont impuissants.  Et cela aussi est "Mal".
En quoi sommes-nous concernés ?

Eh bien nous le sommes encore moins que nos élus ! Personne ne nous demande rien. La mer monte mais le douanier veille, lui, ... au sec ! Vous n'êtes pas concernés certes, en revanche, vous serez immanquablement mouillés... comme contribuables.

Personne ne viendra spontanément demander de comptes à la haute administration pour son efficacité, pour sa gestion du changement, ni sur sa "Morale de caste" ... Pour aller plus loin sur ce point, lire: Les Intouchables : Grandeur et décadence d'une caste : L'Inspection des Finances et sous un angle encore élargi: Les fonctionnaires contre l'Etat : Le grand sabotage.

Là réside un blocage majeur entre le sommet de l'Etat et les vraies réformes à engager. C'est là que Jean Luc ou Marine devront mettre leur nez si, en désespoir de cause, l'un ou l'autre accède au Pouvoir. C'est là aussi que devraient être lancés des chantiers sur la transparence et la "Moralisation". Notez que je n'espère ni Jean Luc, ni Marine car je les crois encore moins bien informés que les partis "lourdement" en place depuis 1945.

samedi 6 avril 2013

Morale et scandales

Voici un nouvel article sur la morale qui fait suite à la parution sous la marque "Acatl" d'un livre de "lecture courante et de morale commune". Ce livre ne pouvait pas mieux tomber. Il y aura d'autres livres et d'autres billets. L'actualité nous y pousse. Depuis quelques jours, la Morale est dans le buzz, il n'est plus question que de moraliser ... De quoi s'agit-il ?

Crise morale et rupture ?
La morale dit le Bien et le Mal. Il en découle le Droit puis le "Vivre Ensemble". Ce n'est pas "nunuche", c'est la matière-même du lien social qu'étudient notamment les philosophes de la Morale. F. Hollande a donc, de mon point de vue, bien eu raison de poser en Octobre 2012 dans son discours de la Sorbonne le problème de l'enseignement de cette matière à l'école (Luc Châtel avait fait de même en 2011). Mais à ce moment-là, il était seulement question de ne pas laisser aux islamistes le soin d'évangéliser nos banlieues. Le gouvernement était certes concerné mais pas impliqué ! Soudain un grand feu a pris à l'Elysée où il n'est plus question de tchadors ou de mariage gay. D'autres défis plus sérieux surgissent compte tenu de deux affaires qui frappent ses proches (Cahuzac, Augier) et surtout de toutes sortes de manquements moins visibles qui touchent en profondeur l'entreprise, la justice, la police, l'école ...

Je reprends donc ici un thème que j'avais abordé à partir de l'exemple cinématographique des "lyonnais". Au delà de ce qui trouble l'actualité maintenant, je m'y interrogeais sur une rupture morale profonde. Peut-être les crises du moment sont-elles un bien ? Voyons pourquoi.

Dans la Presse ...
Miguel Medina/AFP
C'est vrai que la "morale à l'école", depuis Mai 68, cela fait bébête. Et pourtant, l'école c'est l'apprentissage de la vie en société, et de quoi est pleine notre Presse ? De réactions morales outrées face à la conduite de certains de nos dirigeants. Tout le monde pensera à J. Cahuzac. Notez au passage cette mimique caractéristique sur la photo de gauche, les spécialistes du décryptage des micro-expressions diraient que J. Cahuzac lui-même retient son propre mensonge. Et personne n'a oublié les frasques de DSK. Sarkozy et Chirac ont été ou sont mis en examen à divers titres. François Mitterrand après Pompidou mentait sur son état de santé et sur combien d'autres choses ? Xavière Tibéri avait touché des salaires de la ville de Paris pour un rapport bidon, le n°2 de la Police de Lyon (Neyret) était un ripou ! Et combien d'autres scandales contre LA morale contribuent à peser sur LE moral de tout un chacun ? Mais quelle morale ?

Fernandel dans Topaze
Le scandale Cahuzac fait du dégât. Pensez, un ministre du budget fraudeur et 4 mois de mensonges face aux caméras quand dans le même temps on tente de culpabiliser les chefs d'entreprises de tenter (légalement) leur chance à l'étranger ! La presse étrangère, notamment allemande, s'en donne à cœur joie sur la mentalité des pays du Sud ... C'est pourquoi, je crois qu'il importe aujourd'hui de se préoccuper de Morale, mais en profondeur. Réflechissons alors à la morale partout, à l'école par exemple, comme dans l'ouvrage exceptionnel à divers titres d'Augustine Fouillée Le Tour de la France par deux enfants. LJe ne parle pas ici pas seulement de la morale en politique comme dans cet comparatif entre Macchiavel et Frédéric II: Le Prince face à l'Anti-Machiavel. Et je vous annonce pour bientôt d'autres ouvrages "Acatl" sur des thèmes proches.

Un regard "positif"
M'étant récemment plongé dans l'histoire de la troisième république, relativisons. Les scandales liées aux abus et aux mœurs des dirigeants, pour condamnables qu'ils soient, ont été une constante de nos gouvernements depuis 140 ans, voir: Les scandales de la IIIe République. La France "vertueuse" se conduit assez souvent, en réalité, comme une république bananière qui fait la morale aux autres pays et à ses citoyens sans balayer sa propre crotte. Or, c'est peut-être en train de changer. Qu'il me soit donc permis un regard "positif". Sous les IIIème et IVème républiques, il y avait aussi des scandales et pourtant, il y avait Zola mais il n'y avait pas Médiapart. Ce que je me demande, c'est pourquoi il n'y a pas davantage de scandales ? Je crois qu'il y en aura d'autres parce que certains n'ont plus peur de les dénoncer. Je vous donnerai prochainement deux exemples de cela dans deux contextes très différents.

image: tropicalboy.canalboy.com
Sous ce gouvernement, comme avec le précédent d'ailleurs, peut-être notre vie politique est-elle en train de se rendre un brin plus transparente et in fine plus rigoureuse ? Depuis L. Jospin même, des commissions ont travaillé par exemple sur les conflits d'intérêt ... Et surtout, une presse "alternative" à l'image de Médiapart, certes pas assez nombreuse et encore frileuse et craignant les contrôles fiscaux se faufile dans les brèches. Et la grande Presse, solidaire des Pouvoirs, finit par la rejoindre. Je me réjouis donc de ce que, peu à peu, notre pays si jaloux du secret d'Etat et nos gouvernants si prompts à défendre leurs réseaux à l'image d'un Chirac, d'un Giscard ou d'un Mitterrand, soient de plus en plus contraints à s'expliquer grâce à cette nouvelle presse qui n'est plus aux ordres.

La mer monte toujours !
Site d'Olivier Berruyer: les-crises.fr
Il reste cependant des scandales plus profonds. C'est le plus préoccupant car les "affaires" qui occupent 50% du temps de notre "temps de cerveaux disponibles" nous détournent des vrais scandales. Le vrai scandale de l'ère Chirac/Sarkozy/Hollande (pour ne pas faire de jaloux) ce n'est pas qu'un ministre du budget fraude ... c'est que l'on cherche encore à gagner du temps sur les sanctions européennes liées à la non-conformité aux critères de Maastricht, en tentant d'augmenter les impôts (et pas forcément les rentrées fiscales, je vous donnerai un exemple vécu incroyable) ou en espérant faire des économies de fonctionnement plutôt que de régler les problèmes structurels. Et la dette approche maintenant des 100% du PIB.

Le vrai scandale c'est aussi que pendant que les institutions restent pléthoriques et inefficientes malgré l'extraordinaire "intelligence" de l'Enarchie qui peuple nos grandes administrations et ministères et alors que la dette enfle, on en soit toujours par priorité à recaser un "ami" incompétent dans une autre fonction, à chercher des solutions budgétaires pour faire vivre des administrations ou des agences d'Etat aux rôles flous et redondants ou des collectivités locales impuissantes et multi-couches (comme le papier à usage domestique du même nom).
Crédits photo : Sébastien SORIANO/Le Figaro
Enfin, un dernier pour la route pour que vous ne pensiez pas que je n'en veux qu'aux fonctionnaires (ce serait faux): le scandale énergétique. Mais pour celui-là, c'est dans un blog dédié que je m'exprimerai prochainement en détail pour montrer le rôle "anodin" et manipulatoire des média classiques. En pleine crise économique et écologique, il existerait de fantastiques opportunités de relancer l'activité tout en respectant mieux l'environnement et elles restent pourtant ignorées. Ce scandale-là, est lié aux intérêts privés qu'il s'agirait désormais de bousculer pour le bien public.

Critique de la jouissance pure
N'y aurait-il pas dans ce panorama non limitatif des thèmes politiques pour des élus soucieux de leur utilité et prêts à prendre des coups ? Il y a pas mal d'élus de droite comme de gauche que cela démange ... Donner dans le "tous pourris" que ne manqueront pas de reprendre Jean Luc et Marine serait une grave erreur.

P. Perrineau
Pascal Perrineau, le directeur du Cevipof invité de "C dans l'air", jeudi 4 Avril 2013 indiquait que, selon divers psychanalystes, certains grands dirigeants économiques ou politiques (et seulement certains, pas tous) ne seraient plus reliés à aucun idéal transcendant (religieux ou laïque) et donc à une "certaine" Morale mais vivraient dans la pure jouissance immanente, forme d'Inconscience complète qu'illustre par exemple le déni de culpabilité exprimé par J. Cahuzac jusque dans ses aveux. La toute puissance sexuelle de DSK, l'impunité autour de l'affaire Bettencourt, la fraude d'un ministre du Budget ... Idem. La jouissance pure donc et n'allez pas croire en l'avènement du système d'Epicure car c'est en vérité tout le contraire. Le vieil Epicure prônait un idéal ascétique, lui. Ce que décrit P. Perrineau, s'il a vu juste, n'est pas une morale hédoniste, c'est une forme de nihilisme. Le problème est donc bien Moral.

En quoi sommes-nous concernés ?
www.r-mike.fr/realisations/fakes
Mon prochain article vous parlera du cas d'une PME victime d'une administration qui se protège, le suivant vous donnera une illustration cinématographique d'un crime d'Etat récent connu puis un dernier présentera un intervenant politique "radical" que l'on ne connaît pas dans les média "officiels" et que j'ai identifié grâce à mes pérégrinations de TEDx. Il est en revanche connu des milieux dit alternatifs. Il propose des remèdes souvent réputés irréalistes et auxquels je me rallie désormais car il devient nécessaire de renouveler la Morale Commune pour une meilleure gouvernance politique et économique qui ne se vit plus désormais seulement dans le cadre étroit des frontières nationales. C'est ce que j'aborderai dans mes prochains billets.

http://www.lobofakes.com
La raison pour laquelle je reste optimiste pour notre société, c'est que nous sommes peut-être peu à peu, de façon silencieuse (cf F. Jullien) en train de nous mettre collectivement sur la voie d'une prise de conscience collective des mécanismes, notamment psychologiques, qui nous ont éloignés des véritables enjeux auxquels nous devons faire face. Une voie de "RenaiSens" comme l'indique Christine Marsan dans cet ouvrage collectif à découvrir: S’approprier les clés de la mutation : Comprendre, innover, agir autrement. Nos institutions, les différents discours politiques hérités du passé et l'opportunisme libéral ne peuvent pas y répondre car ils ne sont conformes qu'à des situations obsolètes et à des Morales auxquelles ils n'adhèrent plus eux-mêmes que pour se maintenir en attendant mieux.

Peut-être ainsi pourrons-nous remettre en place un cadre de fonctionnement plus sain permettant d'affronter solidement les nouvelles réalités économiques et sociales ?

mercredi 3 avril 2013

Augustine Fouillée: une morale laïque, clé d'une mutation française

Sous la marque Acatl Editions, je viens de rééditer un ouvrage ancien et d'actualité puisque notre gouvernement se propose de ré-instituer l'enseignement de la Morale à l'école. Sans entrer dans un débat politicien, regardons comment et pourquoi cela a fonctionné avec nos arrières grands-parents notamment grâce à cet ouvrage exceptionnel et oublié.

Qu'est-ce que ce livre ?
Il s’agit de la réédition vraiment unique d’un texte original présenté avec le souci de le situer dans son contexte, de présenter ses enjeux et son auteur pour comprendre en quoi il peut encore nous aider à notre époque.

Ce livre de cours moyen est passé entre les mains de plus de quatre générations d’écoliers entre 1877 et 1950 et a été publié à plus de 8,4 millions d’exemplaires. Les historiens et les sociologues en font l’un des piliers de notre société, comparable au drapeau tricolore, à la Marseillaise …

Et pourtant, l’avez-vous seulement jamais feuilleté ? Vous auriez pourtant pu, comme moi, le trouver dans le grenier de vos grands parents …mais la vérité c’est que nous l’avons oublié alors qu’il pourrait encore aujourd’hui enrichir notre regard sur nous-mêmes … Conçu et écrit en un temps où les certitudes morales et sociales qui allaient cimenter la France n’était pas encore établies, ce livre, que vous le lisiez dans le détail ou que vous le survoliez, peut vous surprendre et vous apporter plus que vous ne le pensez.

De quoi parle-t-il ?
  • pourquoi il a été nommé le « petit livre rouge de la République », juste au moment où l’apprentissage de la Morale laïque redevient un projet gouvernemental.
  • que la Morale laïque et celle enseignée à l'école libre ne différaient en fait que sur des détails.
  • le trésor d’astuces que son message patriotique a nécessité en son temps.
  • la femme derrière le pseudonyme G. Bruno et comment elle a fait le lien entre le contexte académique le plus relevé de son temps et la simplicité de son public d’enfants.
  • en quoi le secret sur son identité était une nécessité.
  • des innovations pédagogiques: « Story Telling » et illustrations (plus de 236 illustrations originales dont quelques inédites sont proposées dans ce livre).
  • des remarques et réflexions de chercheurs et philosophes à propos d’un ouvrage dont la simplicité apparente ne doit pas faire oublier qu’il est le fruit du travail d’une auteure qui côtoyait les plus grands philosophes et moralistes de son temps.
Rappel d'un contexte
Suite à la défaite de 1870, les dettes de guerre de 5 MM de francs ont été payées en 1873 en mark-or permettant ainsi le départ de l'occupant prussien. Pour cela, l'endettement de la France est passé à 25% du PIB, partant de rien. La France avait perdu 4% de sa population et son honneur. On vivait 40 ans en moyenne et la natalité était bien plus faible que dans l'Empire Allemand. Sous la Commune, on avait mangé du rat à Paris. La défaite avait révélé que nos cartes d'Etat Major n'était pas à jour, que nos soldats bretons, alsaciens ou occitans ne parlaient pas français... Que notre industrie était en retard. La Nation France paraissait bien affaiblie. Par bien des côtés, les historiens montrent que cet effondrement avait des causes structurelles liés à l'Instruction et à la Morale. Et il fallait reconquérir l'Alsace et la Lorraine ... mais pas tout de suite.

Il fallait d'abord remettre tout un peuple au travail, l'instruire et "motiver" une population divisée  par les querelles religieuses, les luttes sociales et les conséquences politiques de l'épuration de la Commune de Paris. Qu'a-t-on fait ? Je vais encore résumer abusivement. On a repris le drapeau Bleu-Blanc-Rouge, remis la capitale à Paris, adopté la Marseillaise, rendue l'enseignement public, gratuit et obligatoire. Avec cela et malgré une grave crise économique (indirectement causée par l'afflux des marks-or français en Autriche-Hongrie) et son énorme retard industriel et social, un peuple s'est remis en marche avec en tête l'idée de nation. Et ce petit livre de MORALE y est pour quelque chose !
Stop, ne portez pas trop vite de jugement bien/mal, pour/contre, droite/gauche. Oui, je sais que cette Morale était bourgeoise, conformiste, nationaliste et même raciste. Soit. Observez simplement techniquement ce qui s'est passé en deux générations.  Mona Ozouf dans Les Lieux de mémoire, tome 1 : Les France : Conflits et partages et d'autres sociologues présentent ce petit livre de nos arrières grands parents comme l'un des piliers du changement opéré, ce n'est pas pour rien.

En quoi sommes-nous concernés ?
Qu'en est-il aujourd'hui, peut-on comparer ? A 90% du PIB, la dette actuelle est en voie d'augmentation et non de résorption. Là, c'est pire qu'au début de la troisième république. Pour le reste, les choses ne se comparent pas même si l'on peut voir dans le lent mais constant déclin de notre compétitivité les prémisses de la défaite non pas militaire mais économique que nous vivons d'ailleurs déjà dans nos têtes comme chez Arcelor-Mittal. 

Si l'on veut bien ne pas se focaliser sur les différences de morale qui nous choqueraient aujourd'hui, ce livre présente un travail pédagogique de modelage des consciences. Mon propos n'est pas de disserter sur le bien fondé ou non de ce modelage, nécessaire préparation de l'opinion pour les uns, enfumage aliénant pour les autres. Mon propos est de montrer que nous vivons une époque  immédiatement moins dure mais plus complexe que celle de 1871-1918 et qui demandera d'autant plus d'énergie, d'intelligence et d'esprit de suite pour que s'opère la nécessaire mutation. Ce livre ne propose aucune solution pour aujourd'hui, il permet de réaliser comment s'est fait un changement profond des consciences dans un autre contexte.

Un travail sur la Morale en profondeur est donc sans doute nécessaire pas seulement dans le but de satisfaire les militants ou d'avoir enfin des ministres intègres mais plutôt dans celui de refonder ce qui fait l'identité et le sens d'une collectivité nationale. N. Sarkozy ne sut jamais inspirer le chantier sur l'Identité, souhaitons meilleure chance à F. Hollande qui a osé se saisir d'un mot tabou (morale) et d'un sujet difficile.