mercredi 28 décembre 2011

Les lyonnais: quoi après ... le sens de l'honneur ?

Les fêtes ont ceci de bon que l'on peut se donner le temps de lire et de voir un peu autre chose. Avec le film d'Olivier Marchal, "les Lyonnais", je voudrais partager non une critique cinématographique mais un loisir familial et une digression historico-philosophique. Olivier Marchal est cet ancien flic qui a fait des films sur les policiers au bout du rouleau. Les retours en arrière de ce film d'action nous présentent les derniers bandits ayant le sens de l'honneur ... On pense aux films de Melville, à Lino Ventura ... Le Monde a titré "les vieux se rebiffent". Allez, hop, je vous donne aussi la bande annonce car ce n'est pas de l'histoire dont je veux vous parler:


Ce film m'a plu. Je l'ai vu dans un complexe multisalles avec mes fils et l'ami de l'une de mes filles pendant que toutes nos femmes allaient voir un autre film ...

Les jeunes ont aimé: film pas idiot, de l'action, pas prise de tête. Pas idiot du tout quand j'y songe. Et moi ? En sortant, je leur ai répondu: "oui j'ai aimé ... car ce film nous a parlé de lascards de 50 ans et plus (ils ont la soixantaine, les lyonnais !) qui s'interrogent sur leur jeunesse et aussi sur leurs repères disparus". En plus, les cinéastes d'aujourd'hui ont des moyens et une qualité de prise de vue ... même si le critique du monde a regretté l'absence d'un style vraiment original ... Je veux vous parler à cette occasion des valeurs qui y sont abordées.

Les Lyonnais : décryptage d'une morale en bout de course
  • Momon, comme Mesrine, vit de braquages mais respecte un code de l'honneur. Pas de violence gratuite, pas de drogue. Les amis et la famille sont sacrés, la parole donnée n'est jamais reprise. Tout écart est puni de mort. Une morale de pionniers de western, de guerriers défendant la patrie en danger et de pauvres immigrants fondant des mafias pour se faire une place dans une société en croissance. Toute la mentalité du cinéma holloywoodien des années 50 à 70. Et du polar français de la même époque. Olivier Marchal en est nourri bien sûr et nous avec.
  • Suttel, le copain de Momon, est traqué par son ancien boss  de la drogue (le grec) et par la police. Momon protège son ami, tente même de négocier. Le grec explique à Momon qu'il ne peut passer l'éponge sous peine de perdre la face (« baisser son froc »). Selon leur code, le grec est donc dans son rôle de « businessman » même si cela ne lui plaît pas de faire  des victimes collatérales comme la fille de Suttel.
  • Pour la même raison, Momon tue le grec qu'il soupçonne en plus de l'avoir trahi autrefois, venge la jeune maman et protège son ami tout en comprenant que ce dernier, au fond, n'est pas clair. Mais pour l'instant les bons sont d'un bord et les méchants de l'autre …
  • Mais voilà que le flic révèle à Momon que non seulement Suttel double le grec mais que ce n'était pas le Grec mais bien Suttel qui l'avait dénoncé à la Police et qu'il est le vrai responsable de leurs années de prison à tous les deux. Momon devrait désormais tuer son ami pour rester un impeccable guerrier à ses propres yeux et en même temps devenir un véritable salop comme le grec qu'il vient de tuer …
Momon devient faible, il ne sait plus que faire. Le dilemme ne peut pas être résolu par la violence héroïque. En plus, Suttel l'avait autrefois balancé parce qu'il avait craqué sous la torture. Le héros n'a pas supporté la douleur, il a été faible comme est faible moralement Momon à son tour. Ce monde est devenu trop complexe pour un code moral trop simple. Le guerrier héroïque n'a plus sa place. D'abord parce que le plus dur des durs peut être faible à tout moment. Ensuite, la violence mimétique quelle qu'en soit la justification héroïque n'est finalement plus compatible avec une Société « stabilisée » qui doit en garder le monopole à travers sa Justice …

Le désenchantement du monde:

Edmond Vidal s'en sortira de justesse (il vit rangé aujourd'hui) après avoir laissé à son ami la possibilité de se suicider. Ultime geste d'honneur du truand qui abandonne et que le flic comprend. La Morale bourgeoise est donc à peu près sauve, le voleur de cerises du début a bien été puni … !

Eh bien pas tout à fait quand on sait que le flic en question, conseiller d'Olivier Marchal sur ce film, devenu le n° 2 de la DIPJ de Lyon et qui a su user de manipulation avec Momon et certainement d'autres moyens « efficaces » a été mis en examen le 3 Octobre dans une affaire de stupéfiants ! Michel Neyret, le flic, ne s'est-il pas pris au piège lui aussi des méthodes des truands ? En partant du principe que Neyret (photo du Progrès de Lyon à droite) n'est pas un simple ripou (je ne sais pas), ne se serait-il pas mis à jouer les héros, justifiant à son tour des moyens par la fin plus que par le Droit ?

Le lent travail des transformations silencieuses:

Comme les gangsters d'Olivier Marchal, il semble donc que la fin ne puisse justifier les moyens, que les vieilles méthodes "violentes mais justes" d'hier ne marchent plus: ni dans la guerre, ni dans la pègre, ni en famille, ni avec les femmes, ni en société, ni avec le climat ... et je dirais même pas davantage dans l'entreprise ni dans l'économie. Je reviendrai sur tout cela dans un prochain article sur les valeurs viriles.

Et voilà, que de nouveau j'en arrive au lâcher-prise: ... Momon, dans le film, finit par comprendre qu'il lui faut vraiment lâcher-prise. Pour sauver sa famille, il va devoir apprendre à vivre autrement après un ultime acte de seigneur. Les gangsters d'aujourd'hui sont vraiment des salops sans honneur et sans réflexion ... Et puisque même les durs de durs finissent par craquer sous la torture, pourquoi résister ? Pourquoi s'encombrer de valeurs dépassées ?

Au passage, ce que nous renvoie le cas Neyret, c'est que pour que la violence reste réellement le monopole de la Justice, si le cadre moral bouge, il devient crucial de faire également évoluer le cadre légal de l'exercice de la Justice ... sinon celle-ci dysfonctionne, devient inopérante et pour le coup la Société risque s'effondrer.

En quoi sommes-nous concernés ?

Le défi des "vieux" dans la catégorie desquels je me retrouve désormais (et des autres aussi d'ailleurs), c'est de comprendre ce phénomène d'ajustement nécessaire. Les (encore) plus vieux qui font actuellement des constats justes, désenchantés et catastrophiques (et donc insignifiants pour paraphraser Talleyrand) ne semblent pas comprendre que c'est peut-être bien une autre façon de penser qui se substitue peu à peu à celle qui nous a formés et qui a engendré progrès et catastrophes et non pas seulement un système qui meurt comme meurt dans le film un type de voyou que l'on voudrait presque nous faire regretter.

Peu à peu, l'ancienne morale semble donc laisser place à autre chose ... Tout fout le camp diraient certains et c'est angoissant car on ne voit pas bien par quoi cela va être remplacé. Voilà un premier grand chantier qui va nécessiter beaucoup de travail.

dimanche 25 décembre 2011

Lionel Zinsou: l'euro passe Noël !

Joyeux Noël à tous ! Aujourd'hui ce sera Lionel Zinsou notre père Noël. Jeudi dernier, j'étais dans ma voiture lorsque ma radio m'a apporté la bonne nouvelle par sa voix: l'Euro allait passer Noël et même le jour de l'an et encore plusieurs ... ! Tiens un banquier d'affaire, Président du fonds PAI (Paribas Affaires Industrielles: 17 MM$ investis en France) qui ose parler publiquement et ... tenir des propos optimistes !

J'écoutais l'émission de Marc Voinchet sur France Culture, la même que celle qui accueillait Paul Jorion le 30 Novembre, la voici:


Vous pouvez retrouver l'émission complète ici (je ne parviens pas à copier le code de la vidéo)

En résumé:
1) Le système financier est en meilleure forme depuis ce mercredi 21 Décembre où la Banque Centrale Européenne a mis à disposition des banques 480 MM d'Euros à faibles taux pour éviter le "credit crunch". Ceci nous permet d'éviter une crise profonde (grande dépression) mais nous aurons une récession limitée et probablement courte.
2) Les entreprises, contrairement à 2008, ne déstockent pas ni n'accélèrent les plans sociaux ... Une reprise assez rapide est possible.
3) La crise du financement des Etats n'est pas résolue mais l'économie ne va pas câler dans l'immédiat parce que les mesures décidées vont avoir un effet positif sur l'emploi. La plus puissante économie d'Europe, l'Allemagne est à 6% de taux de chômage et est en mesure mieux que d'autres de faire face. L'emploi est le facteur le plus important.
4) De ce fait le moral sera meilleur ! (enfin quelqu'un qui se préoccupe d'une chose qui était passée sous silence ces derniers temps, qui est le véritable carburant de la confiance et qui mon propos ici).
5) Le système financier n'a pas été assez contrôlé, ni réglementé mais il n'est pas foutu. Un produit financier était bien moins encadré qu'un yaourt ! Cela a changé.
6) La France sera en stagnation en 2012 mais la croissance mondiale sera de plus de 4% et le système financier va la financer.
7) La peur des banquiers n'est pas la dégradation de la note mais que nous passions d'une crise du financement des Etats à une crise économique si la confiance disparaît. Les banques disposent des moyens de financer les entreprises y compris les PME.
8) Il est essentiel que les Etats fassent un effort de gestion en diminuant leurs dépenses de fonctionnement pour que les capitaux restent disponibles pour le financement de l'économie.
9) Eviter ou retarder la dégradation de la note de l'Etat est important financièrement et pour le moral des acteurs économiques.
10) Les taux payés par la France correspondent déjà à une note dégradée.
11) Nous oublions les progrès importants réalisés par de nombreux pays européens (Irlande, Espagne ... cela me rappelle ce que disait Jacques Marseille !) mais il arrive un moment où il faut savoir réaliser que les bonnes méthodes du passé ne sont plus applicables.
12) (Avec François Lenglet) Depuis les années 80, la croissance s'emballe par la dette; Que restera-t-il de cette croissance-là ? Le réajustement est extrêmement violent dans certains pays d'Europe du Sud.
13) Les banquiers ont-ils fait la crise ? Ils ont poussé à la roue car leur rémunération dépendait de cette croissance de la dette, mais le barman est-il responsable de la gueule de bois de l'alcoolique ?
14) les opinions publiques commencent à accepter que les dettes doivent correspondre à de bons actifs et non à des dépenses de fonctionnement des Etats. La crise aura permis d'améliorer les pratiques de gestion des banques et des Etats ...

Conclusions:
A court terme, l'économie devrait donc se maintenir malgré les annonces catastrophistes de certains analystes si l'on évite une crise sociale majeure. On retrouve ici le constat que le système financier s'est emballé avant 2008 en développant des produits toxiques, la crise ce serait la faute des banquiers, du Capitalisme ou même des élites corrompues (Paul Jorion) ... Les Etats, comme dit le nouveau président de l'Institut Turgot (Charles Gage), sont en faillite, la crise actuelle ce serait la faute des Etats... Pour d'autres encore, l'incapacité (relative puisque la BCE intervient dans l'économie aujourd'hui) à concevoir des politiques communes dans l'Euroland, la crise ce serait donc la faute de l'Euro ou de l'Europe....

Pour ma part, je voudrais dire ceci, à l'occasion de Noël: toutes les crises sont d'abord et profondément des crises de confiance. Tous les conflits, qu'il s'agisse de crises économiques ou politiques ou d'affaires privées ou d'entreprise sont affaire de défiance. Donc tous les points listés dans le paragraphe précédent sont vrais et probablement quelques autres aussi ... Je voudrais souligner le point que martelait Lionel Zinsou: l'importance de garder confiance. Les dépressifs, les marxistes, les cavaliers de l'apocalypse, les tenants de la théorie du complot... diront que la confiance est le moyen qu'ont les profiteurs actuels de continuer à profiter ... 

La confiance en nous c'est ce qui nous permettra de résoudre la véritable crise que nous avons et qui se traduit dans la finance: on nous prête plus cher parce que l'on ne fait plus rien de bon avec l'argent qu'on nous prête. Eh bien, les chantiers ne manquent pas où investir non seulement l'argent que nous empruntons mais aussi notre temps, notre travail et nos idées. Donc si nous gardons la confiance à court terme pour ouvrir les chantiers d'avenir indispensables, je parie que l'euro et le reste passeront l'année et plus. Mais avons nous confiance que nous pouvons enfin ouvrir les chantiers nécessaires ? Et d'ailleurs quels chantiers ? Ce seront les sujets de mes trois prochains billets.

J'allais oublier: ce billet est le 100ième !

Bon Noël


samedi 17 décembre 2011

Pierre Rabhi: tous acteurs du changement

Dans mes précédents billets sur la crise, j'exprimais ma réticence vis à vis des attitudes défaitistes affichées par certains sans démonstrations probantes du caractère inévitable de la catastrophe. Au contraire, je crois que nous avons le choix et que nous avons les moyens d'agir. En voici un exemple.

Pierre Rabhi que je vous présente aujourd'hui est un philosophe, écologiste de la première heure qui s'est installé en Ardèche dans une petite ferme où il a développé un savoir-faire cultural (et culturel) respectueux de la nature à l'époque où personne ne s'en préoccupait. Il a ensuite formé et accompagné des ONG, des Etats du tiers monde ou d'ailleurs et il a développé son concept de frugalité heureuse.

Quand certains disent que nous vivons dans un système qui est allé au bout de sa logique et qui est donc mort, ils ne voient pas que ce même système a permis à des hommes comme Pierre Rabhi de prendre leurs distances et de faire, eux, des propositions d'action ! En effet, l'un des arguments des apôtres de la nouvelle apocalypse consiste à affirmer que notre système capitaliste injuste (il l'est) tend à s'autodétruire en concentrant toujours plus de richesses dans les mains de ceux qui n'en font rien et qu'il a toujours repoussé l'échéance en colonisant d'autres nations et en épuisant les ressources de la planète. Ce triste constat ne démontre pourtant pas qu'aucune autre voie ne serait possible, ni que l'Humain ne peut l'emprunter !

Des hommes à la conscience plus large comme Pierre Rabhi nous montrent que ce n'est peut être pas une question lié à tel ou tel "-isme" et encore moins une affaire de telle ou telle école ou courant de la pensée économique mais une règle universelle. Si le paysan n'y prend pas garde: produire épuise son sol ! Pour le régénérer, il faut observer les cycles naturels et enrichir le sol. Pour prendre soin de notre société désormais mondialisée et de notre économie désormais ultra-complexe, il convient de traiter nos affaires avec humilité et les hommes avec bienveillance ...


Pierre Rabhi, en paysan et en homme avisé, sait qu'avant de récolter, il faut semer. Et quand d'autres poussent à tout brûler, lui, il a semé. Il a semé deux plantes. D'abord celle de l'agro-écologie pour nourrir les hommes sans épuiser la terre. Ensuite, avec ses nombreuses ONG et actions mobilisatrices, il a semé la solidarité et la culture de la responsabilité.

Il vient de publier un petit ouvrage: "Eloge de la créativité de la société civile" pour présenter la candidature de son mouvement Colibris à la Présidence de la République avec une originalité. Il s'agit que nous soyons tous candidats pour devenir tous acteurs des solutions à mettre en place et ... arrêter de gémir devant les problèmes que nos gouvernants tardent à poser quand ils sont évidents et tardent à résoudre quand ils ont enfin été posés.

Voici les quatre principes avancés dans ce petit ouvrage qui m'ont donné envie de m'en faire l'écho:

1) pour motiver un vaste mouvement de société, nous avons besoin de construire une vision positive,
2) la transformation de la société se fera par le bas (élus, entrepreneurs, citoyens ...),
3) la transformation débutera là où les gens pourront agir eux-mêmes,
4) le problème vient moins d'un déficit de solutions que d'un déficit de coopération !

En quoi sommes-nous concernés ?
N'est-ce pas seulement un écolo de plus ? Son message est certes écolo mais raisonné et humain. Face aux incertitudes et aux difficultés que nous rencontrons, il reste optimiste car le chantier qui s'ouvre à nous est prometteur. Nous devons travailler à réinventer un mode productif respectueux de la terre et des relations entre les hommes. Dans cette voie, s'inventeront de surcroît et non préalablement une nouvelle morale, une nouvelle société et une nouvelle  sorte  de croissance économique. C'est parce que nous prenons le problème à l'envers que nous n'y arrivons pas, que notre monde est désenchanté et que nous sommes si déprimés !

dimanche 4 décembre 2011

Jacques Marseille: il avait annoncé la crise de la dette

J'ai modifié mon dernier billet concernant Paul Jorion suite à sa réponse laconique, j'ai ajouté la vidéo complète de l'émission qui me faisait réagir et un dernier commentaire. Je ne creuserai pas davantage.

"Ne renonce jamais, lâche prise et la voie s'éclaire" comme le dit judicieusement mon ami Paul-Henri Pion.

Je vais donc vous parler aujourd'hui brièvement d'un économiste reconnu dont la spécialité était l'histoire de l'économie. De lui, j'ai lu certains livres et j'ai eu la chance de le rencontrer en 2009 grâce à l'APM de la Meuse et de discuter avec lui. Décédé trop tôt en Mars 2010, c'était un homme cultivé, simple et clairvoyant. Vous l'avez peut être écouté dans "C dans l'air". Ronchon, il avait pourtant le sens de l'humour et à son égard, point n'est besoin de parler de "prophéties", ni de lui demander de préciser la voie à suivre. Voyez plutôt cet article du Point qui remonte à Décembre 2005 où l'on trouve tout ce qui fait débat aujourd'hui. Il y parlait de la dette française en comparaison de celle de l'Argentine de 1913.

Jacques Marseille avait la passion des chiffres et les siens étaient clairs. On ne peut indéfiniment dépenser ce que l'on n'a pas. Comme me le faisait justement remarquer Jérôme, un lecteur de ce blog, chef d'entreprise, 4% de déficit par an cela peut se gérer pour revenir à l'équilibre. Nos gouvernants ne l'on pas fait et trente ans plus tard, comme en Argentine jadis, nous risquons de ne plus faire face. Je me tâte de faire un article plus technique sur la nature de la dette. Disons juste que sans gestion adaptée, 4% d'intérêts composés sur trente ans font que la dette aujourd'hui est à moitié constituée de frais financiers qui s'accumulent... comme celle des Pays en Voie de Développement quand j'étais potache !

Ceci annonce-t-il à soi seul la fin d'un système ou révèle-t-il le résultat du cumul de petites lâchetés de nombre de privilégiés qui tiennent à leur rente ? Voyez par exemple ce que disait Jacques Marseille  à propos de la responsabilité des banques dans cette brève vidéo après la "première" crise de 2008:
Il y a bien d'autres soucis c'est entendu, et ce blog s'en fait l'écho: l'épuisement des ressources, un système financier ultra-complexe qui ne sert plus l'économie, une société ultra-sécuritaire repue qui peine à se remettre en cause et à entreprendre ... Pour autant, la crise de la dette est de l'ordre de ce que nous pouvions régler nous-mêmes collectivement, probablement le pouvons-nous encore !
Jacques Marseille était de ceux qui, réellement, avaient attiré l'attention sur ce qui était et est encore plus aujourd'hui l'urgence sans aller se perdre dans de faux débats de systèmes. Voyez cette vidéo où il nous parle de la crise de confiance des français qui conduit à l'attentisme et à la prophétie auto-réalisatrice:


Pour retrouver sa pensée:
L'argent des français
La guerre des deux France


Que penser et que faire ?

Faut-il, comme Paul Jorion nous le laissait croire Mercredi dernier, se résigner à subir le sort des Mayas  en en appelant à une réforme tellement structurelle qu'il faudrait réformer la nature humaine ou comme  les Argentins jadis continuer à se masquer les réalités cruelles jusqu'à la banqueroute ?

Comme le disait Jérôme dans son commentaire, on oublie que chefs d'entreprises et mères de familles s'adaptent et innovent tous les jours pour faire leurs échéances. Demandons à nos institutions politiques et financières de faire de même et vérifions qu'elles le font ! Autrement dit, tirons parti collectivement des ressources d'imagination et d'efforts que nous craignons de ne plus avoir en nous faisons confiance à nous-mêmes, ensemble, et arrêtons de dépenser ce que nous n'avons pas en poche. Pour le dire comme les philosophes: "vivons dans l'immanence et la transcendance viendra de surcroît", ou comme les religieux; "aide-toi et le ciel t'aidera !"

Jacques Marseille nous ramenait à cette évidence qui ne l'empêchait pas de garder le sourire. Car Jacques Marseille au soir de sa vie, n'avait rien d'un dépressif et ne renonçait pas à communiquer son savoir et sa joie de vivre.

Affaire de travail, de confiance et de volonté donc. Reste plus qu'à choisir des représentants capables d'incarner cette orientation, à se retrousser les manches et à arrêter de gémir.

mercredi 30 novembre 2011

Paul Jorion: le moteur est fondu !

Ce matin, France Culture recevait l'anthropologue Paul Jorion pour parler de la crise de la dette. J'ai échangé brièvement avec lui il y a quelques mois peu après le lancement de ce blog mais je ne le connais pas personnellement. Je voudrais prendre date avec mes lecteurs au sujet de ce que j'entends. Je partage certains constats de cet auteur et en même temps, son incapacité à les dépasser me rend perplexe.

Verbatims

Quelques verbatims de l'émission de ce matin à la volée car je ne me sens pas l'envie de retranscrire le texte intégral:

"La crise des subprimes n'a pas été résolue..."
"Un Etat n'est jamais en cessation de paiement, il y a l'impôt ... il y a une mode des réductions d'impôts"
"Quand une récession intervient aussi vite après une première récession, on est en dépression ..."
"Je ne fais pas de prédiction ... mais c'est possible que l'euro n'ait pas 50% de chances de passer les 15 prochains jours"
"c'est la fin du capitalisme ..."
"Quand les autres pays ne voudront plus des dollars, les Etats Unis ce sera entièrement est fini"
"Le coeur à l'intérieur de la machine est fondu"
"Economistes et politiques ne savent plus, ne savent pas comment marche ce machin".
 "il faut reconstruire un système financier de zéro, celui qu'on avait est entièrement fini ..."
"... on fait des sacrifices humains car on ne sait pas comment faire repartir la machine..."
"le marché n'existe plus ... c'est un cadavre !"

Voici la vidéo faite pendant l'émission de France Culture:

les matins - Paul Jorion par franceculture

Paul Jorion m'a, à juste titre, reproché de n'avoir pas lu ses livres. J'en avais bien l'intention mais pas l'envie. Comme lui, je crois qu'il faut changer de cadre. Comme lui, je pense qu'une nouvelle classe de privilégiés chanceux et non méritants profite sans rien y comprendre au fond d'un nouvel "ancien régime" (financier et politique) ... Pourtant son propos entièrement négatif me rebute, je l'avoue. Je ne suis pas banquier, ni payé par les banques, c'est moi qui les paie ... comme tout le monde. Pourtant, je n'entre pas complètement dans le propos de Paul Jorion car, jamais ni dans son blog, ni dans les diverses émissions où il est intervenu, ni d'ailleurs dans ses conférences filmées, je n'ai pu identifier de proposition concrète ! Il affirme ne pas faire de prophétie puis annonce la fin du système et distribue les mauvais points sur l'air de "je vous l'avais bien dit" sans rien proposer... Il est vrai que dans l'atmosphère actuelle, un brin de dépression supplémentaire ne peut qu'être acceptée sans remise en question !

Marc Voinché tente bien de lui faire dire ce qu'il faudrait faire selon lui...  J'ai noté en guise de réponse qu'il y a des dirigeants de second niveau, des professeurs associés que l'on n'interroge jamais et qui ,eux, sauraient ! Fin du programme.

Ceci me semble un peu court. Oui, il nous faut repenser le système financier qui dysfonctionne et gérer l'euro sur de meilleures bases. Je laisse tomber les autres verbatims car ce serait un mauvais procès., il est difficile de développer en 15 minutes. Mais tout de même que peut-on sérieusement  faire ? Pour moi, le système financier comme la banque et la monnaie, sont de simples instruments. Ils sont utiles à l'économie et donc à la société. S'ils ne rendent plus service, changeons les ! Mais quels outils faudrait-il à la place ?

Je voudrais ici vous prendre à témoin et vous donner rendez-vous !

Si le 14 Juin 2012, l'euro est toujours là, je propose de réunir devant un public et les caméras de TEDx un plateau d'experts d'horizons variés pour contribuer à dessiner les contours de ce nouveau système que Paul Jorion appelle de ses voeux mais qu'il ne semble pas pouvoir nous décrire. Puisqu'il nous montre la voie sans pouvoir l'emprunter lui-même, nous allons le faire à sa place !

Si ses propos particulièrement alarmistes se vérifient avant cette date, nous ne pourrons peut être pas organiser ce forum (dans le cadre de TEDx) mais si nous tenons bon c'est qu'il y a encore de l'espoir ! Les lumières enfin allumées de Monsieur Jorion et de quelques autres nous seraient alors utiles, il est donc invité. N'hésitez pas à lui faire parvenir ce billet ! 

Si vous soutenez cette initiative, faites-vous connaître. Nous aurons besoin d'exposition médiatique, de sponsors, de vos idées et d'aides pratiques.

Compléments du 4 Décembre:

Paul Jorion fait part dans son blog de son expérience avec les média cette semaine. Satisfaisant devant un public de spécialistes et éprouvant à France Culture. J'avoue que même sa vidéo de réponse m'inquiète, Paul Jorion pense avoir été assimilé à un charlatan (c'est exagéré) et fait part de ses lettres de noblesses ! Bizarre, quand on se dit porteur d'un engagement essentiel pour ses congénères retient-on de son passage à la radio que la responsabilité du faible niveau d'information échangé ne lui incombe pas ... ?

La faute au journaliste donc ! Et moi je dis que quand on prétend avoir un message aussi important que le vôtre, on se prépare pour faire un bien meilleur usage des 47 minutes qui vous sont accordées. C'est ce qui ne donne pas envie de vous lire Monsieur Jorion, les média sont les média si vous essuyez un échec (relatif) dans ce contexte, relevez-vous et demandez-vous ce que vous pouvez améliorer, Brice Couturier n'est pas le seul responsable ! Essayez de sourire sous l'injure (puisque vous le ressentez ainsi) et cherchez des réponses à la fois simples et tournées vers l'action !

Paul Zak sur la molécule de la coopération.

Voici de nouveau une conférence de TEDGlobal. Avant tout, n'hésitez  pas à venir sur le blog pour voir les vidéos qui ne passent pas dans la newsletter que vous recevez par mail.

Je vais vous faire un aveu: c'était en fin de journée et vers la fin de la semaine et je n'ai donc pas assisté à la conférence dans la grande salle mais dans une salle annexe où l'on pouvait se relaxer. Je n'ai pas été très attentif et ce fut une erreur ! J'avais donc prévu de la revoir car Paul Zak aborde une question très intéressante, celle de la dépendance de nos émotions à des processus biochimiques qui déterminent  nos comportements et jusqu'à nos prises de décisions les plus "rationnelles" comme en économie par exemple. Voici:

Que nous apprend Paul Zak ?
Tout d'abord il m'apparaît que Paul Zak nous parle ici surtout de la nature biologique de la connexion entre les gens, ce que je nommerais volontiers la relation. Il s'agit donc de la relation positive notamment de l'empathie qui engendre la confiance et donc, selon Zak, la réciprocité et la coopération. Et qu'a mis en évidence ce pionnier de la neuroéconomie ? Eh bien qu'une hormone peptidique, l'ocytocine, découverte à l'occasion de recherches sur l'accouchement serait responsable, au moins partiellement, de nos "bons" comportements sociaux ! Zak que certains nomment , Dr Amour, nous amène à considérer que nos plus nobles sentiments: l'amour, la tendresse, la compassion ne sont pas loin de résulter de la biochimie plutôt que de la force morale, de l'éducation, de Dieu, ou de la peur du gendarme. Une hormone serait donc responsable de notre capacité à accorder notre confiance, à coopérer et donc à nous comporter selon des codes dénommés "moraux".

Les recherches de Zak se fondent sur des mesures en double aveugle des taux de cette hormone présente dans le sang avant et après une interaction ou une action. Ainsi en laboratoire, on met par exemple en évidence la propension des sujets à donner de l'argent à un tiers après en avoir reçu eux-même. Augmentons la dose d'ocytocine artificiellement et cette propension augmente ! Zak mesure cela aussi à l'occasion d'évènements de la vraie vie et confirme l'influence de l'ocytocine sur nos comportements collaboratifs ou affectifs. Selon d'autres sources cependant, l'ocytocine peut aussi être une cause importante de la violence défensive... une mère défendra âprement son petit contre une menace réelle ou supposée. Alors attention, l'ocytocine ce n'est pas seulement "peace and love" !

La neuroéconomie:

Le Dr Zak est un réprésentant de cette nouvelle discipline la "neuroéconomie" qui remet en cause expérimentalement certains principes de base de la théorie économique classique, rejoignant en cela au passage les premiers écrits d'Adam Smith qui était d'abord un moraliste. Voici quelque liens pour aller plus loin:
Tout d'abord le premier livre d'Adam Smith, publié en 1759, où le moraliste, avant que de devenir le fondateur de l'économie politique classique, s'interroge sur les comportements parfois liés à l'intérêt égoïste, parfois soucieux de la communauté de "l'observateur impartial" que peut aussi être l'acteur économique ... Théorie des sentiments moraux
Le livre de notre conférencier Paul Zak ...The Moral Molecule: The Source of Love and Prosperity
Un ouvrage en français de Sacha Gironde sur la neuroéconomie en général ... La neuroéconomie : Comment le cerveau gère mes intérêts


En quoi ceci nous concerne-t-il ?

En tant que bipèdes de base nous sommes concernés surtout si, en tant que décideurs ou responsables, nous cherchons à décrypter les comportements. Un médiateur ou un négociateur par exemple ne peuvent ignorer de telles recherches pas plus qu'un manager ou un DRH. Attention cependant, il n'y a ni miracle, ni potion magique derrière cette découverte. Quelques éléments de réflexion :

D'abord, selon le Dr Zak, 5% de la population seraient incapables de libérer cette hormone et ne pourraient donc être influencés par les comportements qui appellent une collaboration réciproque. En clair, ce sont les types qui dans les expériences de laboratoires gardent tout l'argent pour eux peu importe le climat de confiance créé par les autres ... Ceux-là portent un nom scientifique très connus: les salauds ! En fait, ces personnages sont asociaux et manipulateurs peuvent se comporter en escrocs ou en psychopathes suivant les contextes. Ils fonctionnent en fait sur un mode de survie très primitif. Ce peut être aussi le cas d'individus ayant connu des conditions très difficiles dans l'enfance ou, plus ponctuellement, celui de gens "normaux" en situation de stress très fort.

Ensuite, Zak nous raconte l'histoire d'une escroquerie dans une station service qui se fait avec un comparse au téléphone. Zak dit en avoir été victime mais il n'était pas bien malin à l'époque car ce type d'arnaque est classique (c'est pour cela que je pense que c'est une histoire reconstituée pour le fun du "story telling"). Passons, ceux qui se sont fait arnaquer comprendront la leçon humaine qu'il en tire: l'escroc ne vous oblige pas à lui faire confiance, c'est lui qui donne, en apparence, une grande preuve de confiance laquelle appelle  alors chez sa victime un comportement réciproque. C'est la victime qui devient volontaire pour lui accorder sa confiance, elle insiste même ! J'ai connu cela aussi ... je me comprends !

Enfin, en cette période de totale perte de boussole notamment concernant les marchés financiers, je vous laisse écouter cette seconde vidéo de Zak qui approfondit son explication sur la "moralité" intrinsèque des échanges marchands (je dirais plutôt des échanges directs, ce qui n'a plus rien à voir avec les marchés financiers actuels à mon avis):





Conclusion personnelle:

J'aimerais que soit développé ce thème dans notre prochain TEDx. Si notre biologie de mammifère vivant en groupes nous conduit principalement à favoriser des comportements coopératifs (y compris économiques), comment se fait-il que nos sociétés restent inégalitaires et que nos systèmes de régulation dysfonctionnent aussi gravement qu'actuellement ? Nous aboutissons alors à un débat politique qui dépasse les conditions des expériences du Dr Zak. 

Il reste que Zak pointe un élément scientifique majeur qu'il ne faudrait pas négliger parce qu'il tend à remettre en cause un axiome de base de la théorie classique: l'homme est capable de chercher à maximiser non seulement son intérêt propre mais aussi l'intérêt collectif ! Message d'espoir: notre biologie nous conduit à des modes de relation gagnants-gagnants, voilà une bonne nouvelle en ces temps agités !

Et puis j'avoue être curieux de découvrir ce domaine que Zak appelle la neuroéconomie. Cela me rappelle un peu le travail de Laurie Santos ainsi que les pensées de Georges Soros auxquels je vous renvoie.

Enfin, rappelez-vous le billet sur ce curieux jeune homme qui distribuait des câlins, Juan Mann, eh bien, le Dr Zac recommande le même remède: huit câlins par jour cela libère plein d'ocytocine !

vendredi 4 novembre 2011

Barefoot college: l'école des pauvres et des illettrés

Voici venir Bunker Roy. Comme vous le verrez à la fin de la vidéo ci-après, il a eu beaucoup de succès à TEDGlobal et reçu une "standing ovation". Tellement qu'il m'a été difficile de l'approcher après sa conférence. Je vais traduire ce "talk" en Canadien sous une dizaine de jours ! Il nous y présente les enseignements de sa vie passée à développer l'école des illettrés en Inde et comment cette initiative est devenue une ONG mondiale avec des essaimages en Asie, en Afrique et en Amérique Centrale et du Sud:


De quoi parle-t-on concrètement ?
Il s'agit d'initiatives villageoises d'amélioration du cadre de vie communautaire en milieu rural beaucoup axée sur l'utilisation de l'énergie solaire. Il y a du Mahatma Gandhi chez Bunker Roy: naissance dans la très bonne société indienne, éducation élevée, sens de la dramaturgie, parti pris pour les humbles et opiniâtreté. Les villageois manquent parfois de tout en Inde: d'eau, d'énergie, de sols fertiles ... Le Barefoot college enseigne aux pauvres à mettre en place des systèmes écolo-économiques: éclairages individuels, fours solaires,  construction, production d'énergie photovoltaïque, stockage des eaux de ruissellement, etc ... Et comment ? En s'appuyant sur le savoir existant chez les villageois et en organisant au mieux la transmission de ce savoir entre eux grâce aux ... grand-mères et en comptant d'abord sur le travail et l'implication des femmes, des anciens et des enfants.

Pour aller plus loin, je vous encourage à aller voir sur le site de Barefoot et aussi sur le blog en français de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle .

Sanjit "Bunker" Roy controversé:
Bunker Roy est critiqué. Il est parfois accusé d'être un peu "show off", d'exagérer et de caricaturer... ou de jouer les gourous, cela c'est pour les gentils. Les plus vicieux soulignent que ce que l'on montre ici ressemble fort à une utilisation abusive de main d'oeuvre bon marché ... et à une flatterie des femmes présentées comme plus intelligentes et plus fiables... surtout plus disponibles et plus soumises comme le pensent certains. D'autres encore, l'accusent d'avoir un agenda caché et de s'enrichir sur le dos des pauvres tout en recherchant les honneurs pour lui-même ... en récupérant les dons d'organisations charitables comme la Deutsche Welthungerhilfe (contacts: Annette Benad et Lotte Roman si vous voulez faire les recherches que je n'ai pas le temps de faire).

Sa réponse est dans sa conclusion, c'est une citation de Ghandi: 
" Au début ils t'ignorent, ensuite ils se moquent de toi, puis ils t'attaquent et enfin tu gagnes !"

Que nous apprend ce "talk" ?
Franchement, je ne sais s'il faut prêter l'oreille à ces ragots ou s'il faut prendre le risque de se faire abuser mais pour ma part, j'ai envie de retenir ceci:

0. Il existe des ONG issues du "tiers" monde !
1. Il existe un autre modèle d'enseignement que celui que nous pratiquons dans les pays occidentaux.
2. L'âge ou les discriminations ne sont pas des barrières pour apprendre et enseigner.
3. Les pauvres n'ont pas à attendre une aide extérieure, le développement rural peut être largement endogène, l'intrant essentiel est déjà sur place: le savoir, il faut le développer et le transmettre.
4. Les illettrés et les déshérités ne manquent ni de savoir, ni d'intelligence, ni d'envie de vivre.
5. Le patriarcat et l'Etat traditionnels font figures de freins alors que la famille et la communauté ont besoin d'apprendre et d'innover pour survivre.
6. La détermination et la vision stratégique de certains individus accomplit parfois les miracles que les gouvernements, la technologie et les puissances financières ne réalisent pas.

7. Faire par soi-même permet de survivre et surtout de retrouver une fierté légitime. 


Pour aller plus loin sur le thème d'une autre approche éducative pour le monde, voir ce nouveau film: http://schoolingtheworld.org/film/

En quoi sommes-nous directement concernés ici et maintenant ?
Comme dans de nombreux sujets dont il m'a été donné de rendre compte dans ce blog, j'ai je sentiment profond que ce qui s'accomplit dans le tiers monde à l'occasion de très graves crises de survie oubliées pourrait bien avoir valeur d'exemple chez nous sans attendre que la catastrophe (quelle qu'en soit la nature) soit sur nous si nous savions en tirer les leçons. Prenons deux exemples qu'il ne faut pas décalquer mais qu'il faut mûrir en cherchant les points communs plus que les différences.

Eau/énergie/construction: 
Cette vidéo montre qu'en milieu rural, face à la famine et à la sècheresse et quand l'Etat est défaillant, les pauvres peuvent survivre en mettant en oeuvre des technologies vertes. Pourquoi attendre la sècheresse pour creuser des citernes ? Avez-vous remarqué: l'hiver dernier a été sec, les agriculteurs ont manqué de fourrage et d'eau au début de l'été puis la campagne a reverdi et rien n'a été fait ! Pourquoi ne pas apprendre déjà comme les Baronnet à construire avec de la paille, à creuser sa citerne ou à produire soi-même son énergie électrique ? 

Ce n'est pas seulement parce que ces technologies sont vertes qu'elles paraissent plus désirables mais de plus en plus comme en Inde dans ces villages perdus parce qu'il n'y a rien d'autre à faire ce qui se traduirait chez nous par le fait que beaucoup ne peuvent déjà plus payer les factures correspondantes des compagnies des Eaux ou d'électricité ... c'est-à-dire indirectement qu'ils ne peuvent plus financer les infrastructures centralisées (et détournées) des Etats modernes.

L'éducation:

Après avoir fait un progrès gigantesque au XXème siècle, l'institution éducative patine chez nous. Elle devient de plus en plus difficile à financer dans sa forme et ses missions d'origine (tout est difficile à financer quand l'Etat est en faillite* !). 

Bien sûr, on peut, comme François Hollande, s'en émouvoir et proposer toujours la même recette: embaucher 60000 fonctionnaires de plus dans l'Education Nationale. On peut faire comme Nicolas Sarkozy en dénoncer le coût et ne rien proposer sinon ne pas remplacer les départs en retraite. A la place de ce statu quo stérile, ne pourrait-on un peu s'inspirer de l'esprit du Barefoot College et appliquer la maxime de Mark Twain: "Faire en sorte que l'Ecole n'interfère plus avec l'Education". 

Cette provocation de Bunker Roy est radicale car le Barefoot Collège s'est créé dans un contexte radical de survie. Les premiers villages ont démarré au Rajasthan en pleine famine et sècheresse. Mais n'avons-nous pas besoin d'un peu plus de radicalité et de courage face à des situations qui pourraient s'enkyster ? Nous sommes ici et maintenant en pleine récession avec "mise à disposition" de millions de chômeurs, retraités, ... qui tous disposent de temps et beaucoup de savoir, certains ont encore de la détermination. Ne voyez-vous pas le lien entre ces deux histoires ? Devrions-nous attendre que la situation devienne radicale chez nous aussi ou ne pourrions-nous par exemple faire en sorte que les disponibilités et les bonnes volontés viennent naturellement à la rescousse d'un Etat déficient et en désarroi au besoin en faisant en plus un usage productif et contrôlé des NTIC qui sont maintenant à notre disposition ? 

*"Si la France était une entreprise, un ménage, elle serait en cessation de paiement.  François Fillon en visite en Corse le vendredi 21 Septembre 2007 (il ne l'a pas redit officiellement depuis mais est-ce nécessaire ?)

Barefoot College dans le monde:

samedi 29 octobre 2011

Justin Hall Tipping: nanotechnologies et énergie




Après ma participation à TEDGlobal en Juillet à Edimbourg, je vous disais le plus grand bien de cet événement.

Parmi les nombreux intervenants de très grande qualité, Justin que j'ai brièvement croisé, est l'un des deux que j'ai placés tout en haut de ma liste. Voici sa conférence, elle vient d'être placée à la une de TED.com et n'est par conséquent pas encore traduite (je vais la traduire en Français du Canada, elle sera disponible dans une dizaine de jours):


Qui est Justin Hall Tipping et de quoi s'agit-il ?
Justin est le gérant d'un portefeuille d'investissements très original Nanoholdings. Il lève des fonds pour les placer dans des start up à fort potentiel ... Venture capitalist, histoire connue me direz-vous ! Mais depuis qu'il a assisté par lui même à la disparition en mer d'un iceberg continental de la taille de l'état du Connecticut (la taille de la Basse Normandie), il s'est mis en devoir de rechercher voire d'initier avec l'aide de chercheurs d'universités du monde entier des projets d'investissements capables de résoudre radicalement les questions d'énergie et indirectement de besoins en eau de la planète, rien que cela ! Voici une seconde vidéo présentant son cabinet Nanoholdings:

Nanoholdings from Friday's Films on Vimeo.

Malgré les affirmations actuelles, à mon avis hâtives, et en dépit des inquiétudes légitimes de tous ceux qui, comme moi, découvrent les errances de la finance d'aujourd'hui, il reste certainement de l'espoir à condition de placer les ressources financières,  intellectuelles et industrielles aux bons endroits ... Non seulement le capitalisme n'est certainement pas en train de mourir mais il semble peut-être bien capable de contribuer à résoudre certaines questions de survie qui se posent à court terme à l'humanité toute entière. Cela , ce n'est pas Justin qui le dit mais moi qui l'affirme. Nous verrons.

Je l'ai dit de nombreuses fois dans ce blog, il nous faudra certainement modérer nos appétits de croissance et nos besoins en matières premières comme nous l'enseigne par exemple Serge Latouche ET il nous faut impérativement continuer à rêver à des solutions technologiques. Voici donc une matière intéressante dans l'ordre du rêve technologique qui se mue en dessous de notre seuil radar en une réalité exploitable prochainement. Justin participe en effet au financement de la transition de certains projets de recherche universitaire vers le stade industriel dans le domaine des nanotechnologies appliquées à la captation, à la distribution et au stockage de l'énergie solaire et par conséquent aussi à la production d'eau potable.

Que sont et que font ces nano-solutions ?
Dans cette brève conférence, il est question tout du long d'une innovation fondamentale: le contrôle des flux d'électrons dans des "tubes" de graphite (voir illustration ci-contre) d'une épaisseur de l'ordre de 20 fois la taille d'un atome. Cette technologie, associée à d'autres, permet différentes applications. Tout commence en 2005 avec la mise en lien de plus de 180 chercheurs de 9 universités travaillant sur les nano-matériaux, bel exemple de partage des idées à creuser.

Tout d'abord JHT nous présente le résultat de la re-condensation de carbone vaporisé qui produit un film souple et transparent. Ce matériau peut se transformer à volonté sous une micro impulsion électrique. Il peut à volonté laisser passer toute l'énergie lumineuse ou calorifique ou au contraire la réfléchir. Cette sorte de "nano-polarisation" permettrait, en associant ce nouveau matériau à un polymère ad hoc, de recouvrir toute surface (murs, toits, vitres) et ainsi de produire tout le chauffage et l'éclairage nécessaire à toute habitation.

Ensuite, JHT présente une recherche associant deux composants (un détecteur et un "imager" électronique) qui permet de créer un matériau souple et transparent, là-aussi, permettant de capter les infrarouges et à partir de ce flux, de recréer une image fidèle dans le spectre visible. Un système de vision nocturne très performant. Je me souviens lors de la crise du pétrole en 1974 des mesures gouvernementales de coupure de  l'éclairage nocturne, voilà peut-être en soi une technologie sympathique permettant d'économiser l'éclairage public et de sécuriser par exemple pour les automobilistes. Mais il y a nettement mieux.

Si l'on associe ce deux matériaux, on obtient un film transparent et souple qui peut recouvrir n'importe quelle surface. Il permet de capter ou de réfléchir à volonté l'énergie solaire ET de la convertir en électrons donc en énergie électrique permettant d'alimenter toutes sortes d'appareils. Nous avons-là une centrale de production électrique miniature. Et JHT donne ainsi des arguments concrets à Jérémy Rifkin: pourquoi maintenir nos centrales (qui portent trop bien leur nom) nucléaires ou thermiques, construire des barrages ou même immerger des hydroliennes si toute habitation peut devenir totalement auto-suffisante ? Il est évident que la génération Y née avec l'internet se saisira d'une telle solution décentralisée et enverra aux oubliettes les lobbys actuels de l'énergie.

Pourquoi pas ? Mais parce que cette énergie n'est pas facile à stocker à moins de se doter de dizaines de racks de batteries plomb-acide comme le rappelle JHT. Notez au passage que P. Baronnet le fait chez lui depuis plus de quinze ans ce qui lui évite d'avoir un compte EDF. Mais il est vrai que les batteries actuelles (technologie inventée au 19ième siècle) sont lourdes, peu efficientes, sales et doivent être remplacées régulièrement. En plus, elles sont difficiles à recycler ! JHT enfonce donc le clou en nous présentant son ebox qui permet de stocker les fameux électrons captés précédemment en utilisant également nos fameux nano-tubes de graphite recondensée. CQFD.

Mais JHT n'en a pas fini. Vous voyez immédiatement à quoi tout ceci nous servirait dans nos maisons, nos bureaux et nos voitures, comment nous pourrions ici recombiner les facteurs de production, de distribution et de stockages de l'énergie de façon plus économique et plus propre ... Toute une économie à réinventer sur la base de ces nano-innovations. Hé bien il y a encore mieux à faire sur notre planète. Et c'est d'appliquer ces techniques hyper-locales à la production d'eau potable notamment à partir d'eau de mer très coûteuse à désaliniser en masse afin de produire les 8 verres d'eau journaliers nécessaires à tout être humain. Or de nombreuses parties de la terre manquent déjà ou manqueront d'eau...

La conclusion de JHT:
Pour lui, c'est clair en 2000, la presse trouvait normal qu'un iceberg grand comme le Connecticut disparaisse dans l'océan antarctique et c'est cette "normalité" non-remise en cause qui est la cause de notre incapacité à réagir. Or exactement dans le même temps, nous apprenions à séquencer le génome et maintenant presque dans le même mouvement et également dans l'infiniment petit, nous apprenons à capter et à gérer l'électron dans des nano-tubes de graphite qui nous permettent sur des prototypes de développer des solutions propres et économiques aux problèmes d'énergie et d'eau de la planète !

En quoi cela nous concerne-t-il ?

1) Sous réserve de vérification de faisabilité économique (calcul économique du coût de fabrication, d'installation et de maintenance des produits dérivés) et de faisabilité environnementale (calcul de l'empreinte carbone de cette nouvelle industrie), comment ne serions-nous pas séduits ?

2) N'y aurait-il pas là pour des investisseurs et des entrepreneurs un champ de réalisation gratifiant à la fois intellectuellement et économiquement, nous montrant du même coup que le Capitalisme peut servir à des causes centrales pour la survie d'un écosystème planétaire viable ?

Enfin JHT vient de me confirmer son accord de participer à notre TEDx... j'espère qu'il pourra développer ces deux points en français comme il me l'a proposé.

mercredi 12 octobre 2011

Yann Leroux sur la réalité de l'addiction au net et aux jeux sur le net

Mes deux derniers billets évoquaient le décès d'un entrepreneur mythique des NTIC et du net: Steve Jobs. Aujourd'hui, j'aimerais remettre au clair une notion très galvaudée liée à notre nouvel environnement technologique: l'addiction au Net en faisant appel aux recherches d'un psy très spécial, Yann Leroux, ci-contre.

Un journaliste du nom de Nicolas Carr sort ces jours-ci un bouquin polémique (que je n'ai pas lu !) Internet rend-il bête ? : Réapprendre à lire et à penser dans un monde fragmenté où il fait son coming out, se proclamant « web addict ». Et la presse de se demander à sa suite si le Net nous fait perdre la tête … (mes sources: le gratuit « métro » du 5 Octobre 2011 p 4 et 5). Grave problème donc puisqu'il en fait un livre et que c'est écrit dans le journal !

Je vous propose tout d'abord de visionner la vidéo de Yann Leroux, "psycho-geek" de terrain qui travaille avec des jeunes sur le rôle et l'impact non du web en général mais des jeux en ligne (pire) et particulièrement des jeux de guerre temps réel (encore plus pire !) pour être précis:
Vidéo 1 sur l'addiction:
Vidéo 2 sur l'apprentissage:

J'ai croisé Yann Leroux à TEDxBasqueCountry l'an passé et j'ai bien aimé son propos à la fois posé, éduqué, vécu, iconoclaste et pragmatique. Yann, lui aussi, avoue publiquement jouer à des jeux en ligne dont il a fait en outre son sujet de thèse de psychologie soutenue cette année.

Malgré un look « rasta » il ne me semble pas du tout « addict ». Voici le résumé de sa conférence TEDx (que je n'ai pas trouvée sur Youtube !): Le jeu vidéo est d’abord un espace de médiation entre un sujet et sa culture car les jeux reprennent des thèmes qui travaillent une culture à un moment de son histoire. C’est ensuite un espace de médiation entre un sujet et son groupe d’appartenance car il constitue des zones de rencontre, de transmission et/ou de conflit entre un sujet et ses groupes d’appartenance.

Faites-moi l'amitié de retenir comme le dit Yann qu'aucun travail scientifique sérieux n'a retenu la notion d'addiction en matière de jeux électroniques « on » ou « off line » et encore moins relativement au Net globalement. Cela n'exclue pas que l'excès de jeu ou de Net puisse signaler une pathologie. A l'inverse le jeu et le Net peuvent faire partie du remède ! Plus encore, dans sa conférence de Biarritz, Yann relatait un travail qui m'a époustouflé (thème du TED de Biarritz: la paix). A l'occasion de recherches sur les conséquences familiales durables de traumatismes causés pendant la seconde guerre mondiale dans certaines de nos campagnes aquitaines, les jeux de guerre auraient permis de rendre un peu de sérénité à certains en libérant la parole sur des atrocitées passées, devenues taboues mais dont les effets se transmettaient d'une génération à la suivante !

Retenez aussi que la consommation de web et de jeux ne touche pas que les jeunes, très loin de là, âge moyen des joueurs: 35 ans !

Pour aller un peu plus loin:

Je fais remarquer au passage à mes amis du CMAP (Centre de Médiation de Paris) la position originale du jeu comme « espace de médiation ... ».

Pour ceux qui voudraient creuser le thème psychanalyse et Ntic, je vous suggère l'interview de Y Leroux justement sur le blog d'Antoine Dupin.

Pour ceux qui seraient intéressés à creuser le sujet du supposé impact négatif du web sur l'attention, je les renvoie à un travail charpenté de Jean Philippe Lachaux, chercheur à l'Inserm: Le Cerveau attentif. Le sous-titre dit: "contrôle, maîtrise et lâcher-prise". Tiens-tiens encore le lâcher-prise ! Extrait de son entretien au même journal « Métro »: « avec l'avènement du web, nous sommes exposés à un flux incroyable d 'informations … pour faire face le cerveau doit faire appel à sa capacité d'attention … le web est un outil … comme un marteau, il est incroyablement utile sauf s'il sert à taper sur la tête du voisin. Le cerveau ne s'est pas détérioré, il s'est adapté, on utilise peut-être plus la mémoire à court terme pour gérer le multi-tâche que la mémoire à long terme ». Pour finir, ce chercheur conseille d'accompagner le phénomène notamment à l'école afin de ménager des activités de concentration mono tâche et un apprentissage de la gestion des priorités. Tiens cela ne vous rappelle-t-il pas les dangers du mode interruptif continuel via le mail et le téléphone qui sévit dans nombre d'entreprises ?

Si vous voulez en savoir plus sur le bouquin de Nicholas Carr voici un lien vers une émission que Radio Canada lui a consacré, à vous de vous faire une idée.

En quoi ceci nous concerne-t-il ?

Si comme certains des miens, vos ados passent beaucoup de temps sur le net ou les jeux, tout espoir n'est donc pas perdu, mieux, le Net peut être une solution (mais à doses raisonnables toute de même, car l'excès de toute chose peut-être nuisible voire fatal) ! A condition de traiter le sujet avec une réelle compréhension et non avec des préjugés qui n'ont rien de scientifiques ! Tenez faites ce petit test que m'a suggéré Yann: si l'un de vos enfants passe beaucoup de temps sur le Net ou sur un jeu, demandez-lui de vous expliquer, à vous qui êtes un(e) noob*, comment ça marche … S'il prend le temps et qu'il vous explique patiemment, c'est qu'en tant que parent vous n'avez pas fait un si mauvais travail et que ce gamin n'est peut-être pas aussi gravement atteint que vous le pensiez. Et addict ? Oubliez !

Méfions-nous des idées toutes faites sur tout et n'importe quoi. Le concept d'addiction dans ce domaine semble évident au premier abord et pourtant, il n'a de réalité que journalistique et non scientifique. Je parie que M. Carr est en réalité plutôt accro aux ... droits d'auteur et à la notoriété.

Enfin, je saisis ce thème de la web-addiction pour souligner l'urgence qu'il y a de se désintoxiquer du prêt-à-penser médiatique. Pas si triste finalement que l'audience de la grande presse et des TV classiques ait tendance à reculer au profit de certains coins du Net justement !

Pour finir merci à mon grand "geek" de Maxime pour la vidéo que voici, il s'agit d'un pastiche réalisé par les journalistes d'un site qui traite de jeux http://www.jvn.com/ Juste pour comparer les styles FR2 (au début) et celui des fans de jeux ... Carr avait au moins raison sur un point: notre société est fragmentée. On ne se méfie pas mais j'ai l'impression que certains sont vieux de plus en plus tôt pendant que d'autres restent jeunes de plus en plus tard ! Donc pour vous désintoxiquer des idées-reçues, voici:

*abréviation péjorative de newbie, c'est-à-dire un débutant dans le domaine informatique.

dimanche 9 octobre 2011

Steve Jobs: Apprendre à vivre suite

Voici le texte de la traduction de la partie centrale de la conférence que je vous donnais dans le billet précédent, le jour de la mort de Steve Jobs. Cette traduction n'est pas de moi, elle m'a été adressée par Christian Godefroy dans l'une de ses news letters:

" Si je n'avais pas laissé tomber mes études à l'université, je n'aurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels n'auraient peut-être pas cette richesse de caractères. Naturellement, il était impossible de prévoir ces répercussions quand j'étais à l'université. Mais elles me sont apparues évidentes dix ans plus tard. On ne peut prévoir l'incidence qu'auront certains événements dans le futur ; c'est après coup seulement qu'apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer qu'ils joueront un rôle dans votre avenir. L'essentiel est de croire en quelque chose – votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marché pour moi, et elle a régi ma vie.
 
« Pourquoi mon départ forcé d'Apple fut salutaire » Ma deuxième histoire concerne la passion et l'échec. J'ai eu la chance d'aimer très tôt ce que je faisais. J'avais 20 ans lorsque Woz [Steve Wozniak, le co-fondateur d'Apple N.D.L.R.] et moi avons créé Apple dans le garage de mes parents. Nous avons ensuite travaillé dur et, 10 ans plus tard, Apple était une société de plus de 4 000 employés dont le chiffre d'affaires atteignait 2 milliards de dollars. Nous venions de lancer un an plus tôt notre plus belle création, le Macintosh, et je venais d'avoir 30 ans. C'est alors que je fus viré. Comment peut-on vous virer d'une société que vous avez créée ? C'est bien simple, Apple ayant pris de l'importance, nous avons engagé quelqu'un qui me semblait avoir les compétences nécessaires pour diriger l'entreprise à mes côtés et, pendant la première année, tout se passa bien.

Puis nos visions ont divergé, et nous nous sommes brouillés. Le conseil d'administration s'est rangé de son côté. C'est ainsi qu'à 30 ans je me suis retrouvé sur le pavé. Viré avec perte et fracas. La raison d'être de ma vie n'existait plus. J'étais en miettes. Je restais plusieurs mois sans savoir quoi faire. J'avais l'impression d'avoir trahi la génération qui m'avait précédé - d'avoir laissé tomber le témoin au moment où on me le passait. C'était un échec public, et je songeais même à fuir la Silicon Valley. Puis j'ai peu à peu compris une chose j'aimais toujours ce que je faisais. Ce qui m'était arrivé chez Apple n'y changeait rien. J'avais été éconduit, mais j'étais toujours amoureux. J'ai alors décidé de repartir de zéro. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite, mais mon départ forcé d'Apple fut salutaire. Le poids du succès fit place à la légèreté du débutant, à une vision moins assurée des choses. Une liberté grâce à laquelle je connus l'une des périodes les plus créatives de ma vie. Pendant les 5 années qui suivirent, j'ai créé une société appelée NeXT et une autre appelée Pixar, et je suis tombé amoureux d'une femme exceptionnelle qui est devenue mon épouse. Pixar, qui allait bientôt produire le premier film d'animation en trois dimensions, Toy Story , est aujourd'hui la première entreprise mondiale utilisant cette technique. Par un remarquable concours de circonstances, Apple a acheté NeXT, je suis retourné chez Apple, et la technologie que nous avions développée chez NeXT est aujourd'hui la clé de la renaissance d'Apple. Et Laurene et moi avons fondé une famille merveilleuse. Tout cela ne serait pas arrivé si je n'avais pas été viré d'Apple.
La potion fut horriblement amère, mais je suppose que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c'est mon amour pour ce que je faisais qui m'a permis de continuer.

Il faut savoir découvrir ce que l'on aime et qui l'on aime. Le travail occupe une grande partie de l'existence, et la seule manière d'être pleinement satisfait est d'apprécier ce que l'on fait. Sinon, continuez à chercher. Ne baissez pas les bras. C'est comme en amour, vous saurez quand vous aurez
trouvé. Et toute relation réussie s'améliore avec le temps. Alors, continuez à chercher jusqu'à ce que vous trouviez. « Pourquoi la mort est la meilleure chose de la vie »

Ma troisième histoire concerne la mort. A l'âge de 17 ans, j'ai lu une citation qui disait à peu près ceci : « Si vous vivez chaque jour comme s'il était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. »
Elle m'est restée en mémoire et, depuis, pendant les 33 années écoulées, je me suis regardé dans la glace le matin en me disant : « Si aujourd'hui était le dernier jour de ma vie, est-ce que j'aimerais faire ce que je vais faire tout à l'heure ? » Et si la réponse est non pendant plusieurs jours à la file, je sais que j'ai besoin de changement. Avoir en tête que je peux mourir bientôt est ce que j'ai découvert de plus efficace pour m'aider à prendre de décisions importantes. Parce que presque tout - tout ce que l'on attend de l'extérieur, nos vanités et nos fiertés, nos peurs de l'échec - s'efface devant la mort, ne laissant que l'essentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d'éviter le piège qui consiste à croire que l'on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n'y a aucune raison de ne pas suivre son coeur..."

Quoi que l'on pense de Steve Jobs, je retiens ces paroles sages.

jeudi 6 octobre 2011

Steve Jobs: Apprendre à vivre avant de mourir

Hi my friends, saying good bye to Steve jobs, I offer you this Stanford graduation talk from 2005, Steve Jobs was one of the most famous and influencial entrepreneurs in the world for people of my age:




Outre le message d'espoir de cette conférence, pour moi, voici ce que je retiendrai de Steve Jobs:


Le powerbook 100 à matrice active rétroéclairé monochrome mais extrêmement lisible même en plein soleil sur lequel j'ai écrit mon premier livre "Service rendu Service vendu".

Bon vent à lui.

samedi 1 octobre 2011

Kate Hartman: interfaces, art et humour

Hi everybody,

This is my first article in English to welcome a few international guests … You'll find the French version just below (and slightly different !).

Here is the TED video (don't forget to select the subtitles at the bottom of the screen, they will be on line very soon, I am told):

This talk raises a bit of a controversy. Although the subject is totally different, it reminds me of Edward Tenner on «unexpected consequences ». I have just finished the translation of Kate's talk subtitles in French just the way I finished those of Mr Tenner a couple of weeks ago and much in the same way, I suddenly discover criticisms on the TED forum. Criticisms are fine to me but I'd like to share with you my personal experience with this talk. At first, like some of you, I was not impressed. Then after finishing the translation, I slowly realized the importance of kate's message.

I first viewed her creations as funny ways to attract attention. Not art really, not science for sure. Just humour at best. Then, going through the text and symbols one by one, I realized that Kate is a fantastic educationalist. The very reactions about her talk are in themselves an evidence of what she is saying. I am no serious judge about Art but I suddenly understood how deep her message ran about « LISTENING » and how this might shape our personal and collective future...

Let's quickly review a few things that this talk brings to mind:
  1. About TED. Remember that TED is not Youtube. All talks are recorded live and are part of an event with its own dynamic. Refrain from viewing a TED talk as a plain lecture. It is not. It's a performance. Hence, some talks are serious and technical, most carry emotions and some are humorous or strange. This one is all of that … and subtle. But there is more in Kate's case.

  2. About humour. What are we laughing or smiling at ? Kate's quirky hats ? No, as always when looking in the mirror of humorists, we actually mock ourselves ! One can either listen to a boring lecture by an old professor about why our world goes astray especially with our young traders and execs lodded with smartphones and apps … and somehow loosing the sense of reality … Or one can simply laugh at Kate's provocations and understatements …
  1. About teaching. Kate does not cheat. She tells us that she teaches some kind sophisticated « interfaces » for geeks who try to communicate with the physical world (physical computing, hard to translate by the way !). A talk like this one is possibly a sort of secondary or even tertiary interface for Kate (just guessing). I lecture and sometimes organize talks. I do realize that conveying such a message to an audience of that caliber at her age must represent some kind of a challenge. And in spite of some rapid judgements some people are making, her message is highly effective !
  1. About interfaces. Designing interfaces or inspiring them is surely no little task. Think of the work done from our green screens some time ago to the devices we have in our pockets today. These devices tend to shape our lives nowadays … But to what avail if we don't not how to relate … ? The subject of this talk is not a minor one.
  1. About Art. Kate is an artist too. Some people seem to have a different view of what Art might be. Same old problem. What is Art ? What amount of interpretation does the very concept of Art embodies ? These hats may not be deemed « beautiful » or « artistic ». But listen to the story they tell, our story ...Well, I think her pedagogic performance with them is truly artistic ! French philosopher Luc Ferry recently emphasised the major role played in 19th century Paris by the marginal poets and artists (« la Boheme movement») inspiring, provoking and transforming our old traditional « bourgeois » society. Our bourgeois class refused Boheme Art of course but finally adopted the underlying innovative caracteristics of their new taste and life style that ultimately produced our consumer society … for good and bad ! Ferry has it that those marginals in Paris, London and the big cities of that time started a revolution much more effectively than another marginal of that period named K. Marx !
  1. About scammers. Yes some would-be artists are scammers. But also remember that most artists of all times were at first ignored and often persecuted. I would be cautious here and the term "scam" does not, at any rate, apply to Kate Hartman's work.
Why should we bother ?

Kate, to me, is totally congruent. She simultaneously offers us the opportunity to see, ear, feel, and understand a simple but central message: how do we relate … ? She implies that we run the risk of loosing, individually, collectively and as a Society, our essential connections to ourselves, to others and our environnment. And she conveys her message with a big smile ! That, to me, is a piece of Art that no teacher, no parent and no business leader should choose to ignore.

Here is Kate's blog.

Voici maintenant l'article en français que j'avais préparé initialement, les bilingues verront que le sens général est ... en fait le même ! Je viens de traduire les sous-titres de cette vidéo en français pour TED.com. Visionnez-la et dites-moi ce que vous en pensez.

Quoi que très différente, cette courte conférence me rappelle un peu celle d'Edward Tenner sur les conséquences inattendues de l'innovation. En traduisant Kate Hartman, je me suis pris à l'apprécier énormément alors que de prime abord, j'étais un peu déçu. Mais étant engagé vis à vis de TED, j'ai donc prêté l'oreille … or c'est de cela dont nous parle Kate ici: de prêter l'oreille (y compris au sens propre). Et comme avec E. Tenner, j'ai découvert des tas de choses que les critiques sur le forum de TED ne semblent pas tous percevoir.

  1. TED: tout d'abord, un événement TED n'est pas forcément une série de conférences sérieuses. Celle-ci est drôle. Pas dans la forme seulement, vous savez le petit mot qui fait sourire. Non, drôle dans sa conception. On va bien au théâtre écouter des humoristes ...
  2. Kate nous fait rire et comme chez les humoristes, de quoi rions-nous ? De ces chapeaux bizarres ou de nous-mêmes ? On peut faire une conférence barbante quand on est un vieux barbon pour expliquer que notre monde va de travers parce que nous sommes tous, les jeunes surtout, l'oreille collée à son téléphone ou les pouces sur le clavier de son smartphone. Ou l'on peut décider d'en rire et de faire rire.
  3. Kate ne nous prend pas en traître, elle nous l'a dit elle enseigne. Qu'est-ce qui est le plus efficace pédagogiquement une longue conférence triste ou ce show rigolo ?
  4. Kate est designer en interfaces … cela ne vous parle pas mais j'imagine que l'on trouve derrière ses travaux des applications du genre de ce qui fait l'originalité de nos joujoux technos d'aujourd'hui: depuis l'interface objet qui a remplacé l'écran vert de nos premiers Pcs jusqu'aux écrans tactiles et autres centrales d'inertie qui rendent possibles les Iphones et autre consoles WII …
  5. Kate est artiste aussi. Il en est pour écrire dans le forum de TED qu'il ne faut pas confondre le vrai Art avec ce « foutage de gueule ». Je vous renvoie à la très intéressante conférence de Luc Ferry «Philosophie du temps présent» qui nous parle du Paris du 19ième qui a vu les artistes «bohèmes» et les cercles anarco-fumistes, sous couvert de pensée révolutionnaire, tout d'abord remettre en cause le monde bourgeois statique traditionnel plus sûrement que Marx puis lancer l'habitude de désobéir mais aussi celle d'innover puis de consommer et de changer de nouveau créant pour le meilleur et pour le pire … notre monde de consommation qui se cherche désormais une fin honorable.
  6. Kate est une artiste dit-elle. Certains en doutent. Se souviennent-ils que le partage entre le bien et le  mal en cette matière désigne plutôt la ligne de partage entre sensibles et endormis. Qu'a-t-on dit des surréalistes, de Cocteau, de Picasso, de Vian et même de Baudelaire ou de Michelange à leurs débuts ? Les poètes sont toujours en avance et l'on oublie toujours les escrocs qui les imitent. Simplement, la poésie est peut-être maintenant à la fois dans l'Art « éphémère » plutôt que dans les musées et dans le design des futurs objets du quotidien.
En quoi cela nous concerne-t-il ?

Eh bien, certains disent qu'ils ont perdu leur temps à écouter Kate. Moi, je la trouve bien gentiment espiègle et bigrement plus subtile qu'il y paraît. Libre à ceux qui ne veulent pas s'ouvrir à son message d'y voir une arnaque intellectuelle. Il y a bien pire, un jour je donnerai des noms !

Tout au contraire, Kate est un monstre de congruence pédagogique qui nous donne simultanément à voir, à sentir et à comprendre (quand on veut bien) les risques que nous courons individuellement de mal nous écouter nous-mêmes, de mal nous entendre collectivement et « sociétalement » de ne toujours pas nous ouvrir aux messages de notre environnement. En tant que prof, parent ou responsable, il y a là des leçons à prendre … sans se prendre au sérieux.

Conclusion générale:

Notre société n'a plus de temps à perdre. Ce sont désormais directement les acteurs de l'avant-garde qui, comme Kate, conçoivent les objets technologiques de notre futur quotidien. Mettons nos montres à l'heure, la transformation est déjà largement commencée !