dimanche 27 juillet 2014

J'habite une grande région !

Pourquoi l'essai de nouveau dessin de la carte de nos régions est une non-réforme et comment une autre carte est peut-être en train de se dessiner "toute seule" !

Un aimable Grand Débat sur le découpage de nos régions !

L'objectif de notre gouvernement était de faire des économies, il cherchait 30 milliards. Des assurances ont été données: pas de suppressions de postes ! Ouf tout va bien, nous savons donc d'emblée que d'économies, il n'y aura point. Le "vrai" débat peut donc commencer, passionnant comme souvent en France, car l'occasion est donnée à de nombreux chercheurs, journalistes et experts de faire des remarques pertinentes voire brillantes. Florilège:

L'identité régionale n'est pas réductible à l'aire culturelle.
Le découpage culturel ne recoupe pas les pôles d'attraction économique.
L'attraction économique est le fait des métropoles et non celui des territoires.
Au fait, nous n'avons en France qu'une métropole mondiale (Paris) deux métropoles européennes (Lyon et Marseille) et 7 ou 8 pôles régionaux secondaires (ma ville de Metz n'en fait même pas partie)
Au passage, la région parisienne qui englobe de fait Rouen, Reims, Orléans et même Lille, devrait se comparer au grand Londres et à New York pendant que la Corse n'est soluble dans rien d'autre qu'elle même ...
Et quid des territoires interstitiels (=vides), majoritaires en France ? (Metz en fait partie)
Dans cette question de mariages régionaux, la bonne affaire n'est-elle pas de se rapprocher d'une zone plus riche que soi ?
Et au fait, quid des influences transfrontalieres ?
Que de justes remarques ! Tenez, prenons la dernière.

Je vis dans la Grande Région !

Je n'ai pas besoin de me poser la question rituelle de ce blog: "en quoi sommes nous concernés". La réponse est évidente: notre Etat continue à penser la carte de la France de 1870. Laissons là les dormeurs et préparons le réveil.

Au fait, savez-vous que j'habite dans la Grande Région ? Je ne sais pas si tous les habitants de Metz savent ce que c'est. A coup sûr, mes amis de "l'intérieur" l'ignorent. Mais j'ai l'impression que les chefs d'entreprises de ma localité le savent, eux. La Grande Région a son centre à Luxembourg "City"; elle rassemble la Wallonie, le Luxembourg, le Palatinat, la Lorraine, la Sarre. 11,3 millions d'habitants, comparable à l'Ile de France, plus de deux fois Rhône Alpes ...  Elle fut lancée dans les années 60 comme un Programme Européen de Coopération Territoriale. J'ai participé en Juin à un salon qui en est une illustration de bon niveau ... et qui montre que quelque chose existe !
http://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2009-3-page-228.htm
Cette nouvelle région inattendue est financée sérieusement (surtout par le Luxembourg). Ce programme européen est coopératif et non étatique, la culture n'est pas vue comme une idée abstraite mais comme le moyen d'un "melting pot", qui en a tout de même fait une capitale européenne de la culture en 2007, et une occasion d'échanges multinationaux. On y parle quatre langues (français, flamand, luxembourgeois, allemand) mais surtout l'anglais des affaires ... On y croise des délégations économiques de toute l'Europe ... Tiens, j'y ai même croisé des élus de ma ville ...

Cette région a bien plus de chances d'exister que les fantômes proposés à grands renfort de ciseaux, de colle et de compromis de notre gouvernement... et vous savez pourquoi ? Cherchez qui a l'argent !

L'Alsace est déjà un trait d'union avec l'Allemagne et est en voie de rapprochement avec le Bade Wurttemberg ... et non avec la Lorraine qui justement fait partie de cette Grande Région.

Conclusion

Pendant que les derniers feux d'une gouvernance gaullienne devenue velléitaire, pusillanime et désargentée s'expriment dans cet essai mort-né de redécoupage régional, les vrais régions économiques existent déjà: celles des entreprises. Elles sont fondées sur des pôles économiques (la capitale de la Lorraine n'est ni Nancy ni Metz, mais Luxembourg, la capitale de la Haute Normandie n'est ni Le Havre, ni Rouen, c'est Paris ! ).

Il semble que les énarques qui conseillent la "réforme" française pensent avec les concepts d'un monde qui a pris fin. Laissons les se rassurer en dépensant les derniers budgets issus de la dette publique et intéressons-nous à la réalité locale et régionale en émergence fondée non plus sur la carte et les frontières mais sur les réseaux et les flux.

Il est à craindre qu'il en résulte peu à peu une disparition de l'Etat français. C'est dommage, on s'y était attaché ! Mais bon, si nous voulons assurer un avenir à nos enfants, faisons comme nos voisins européens: apprenons le pragmatisme !

lundi 14 juillet 2014

Ecocéane: apprendre à nager

Illust: http://www.meretmarine.com
Le cas d'Ecocéane démontre l'urgence de conjuguer optimisme et pragmatisme pour ne plus marcher sur la tête.

Devons-nous parier France ?

Mon précédent article faisait un compte rendu de ce livre récent. Livre optimiste mais insuffisant car il importe aussi d'être réalistes sur les obstacles réels et parfois surréalistes que doit vaincre le chef d'entreprise. 

Dans ce livre, Xavier Louys signalait l'incomparable avantage concurrentiel que confère à la France son espace maritime. Connaissant par tradition familiale l'importance de la filière navale et la tristesse de sa situation actuelle, je me suis intéressé à ce cas déjà ancien (création en 2003) d'Ecocéane, une PME innovante qui conçoit et réalise des bateaux dépollueurs sans émulsion. Ses navires sont uniques au monde (efficience multipliée par 20 par rapport aux solutions existantes: lire le dossier technique ici), cette technologie démontre aujourd'hui son utilité a minima dans les eaux du port d'Antibe et pourrait rendre de grands services lors des marées noires en pleine mer comme elle l'a fait en 2010 pour le compte de BP à l'occasion de la catastrophe de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique...

On parle accessoirement de 3000 emplois qui pourraient être créés en Bretagne (Paimpol). 

A défaut de marcher sur deux jambes, apprendre à marcher sur la tête

Or depuis au moins deux ans, le dossier est chez Monsieur Montebourg car ce qui empêche le développement d'Ecocéane n'est pas son financement (public/privé: BPI, Total Développement) mais un obstacle "insurmontable" qui se dresse sur sa route. Je cite, Eric Vidal, le dirigeant:

"L’Emsa, l’agence européenne pour la sécurité maritime, qui est basée à Lisbonne, refuse de nous agréer. De même que le Cedre, à Brest et le Ceppol, qui dépend de la Marine nationale. Et sans agrément, il est difficile de vendre en France. Et difficile voire impossible de vendre en Europe.

Le Cedre et le Ceppol nous connaissent bien. Ils sont venus sur nos bateaux. Le Cedre nous dit qu’il n’est pas possible d’évaluer nos gros bateaux parce que son bassin est trop petit. Et Le Ceppol ne veut pas nous évaluer en mer en mesurant notre ramassage de balles de riz, en nous disant que ce n’est pas du pétrole. 


Tous deux nous affirment qu’il faudrait une vraie marée noire pour nous tester. Mais s’il y a une marée noire, ce que je ne souhaite évidemment pas, nous ne pourrons pas intervenir parce que nous n’avons pas d’agrément."

Voici une vidéo déjà ancienne:


Il semble (lire ici) qu'une solution récente soit enfin en vue pour la PME bretonne. En effet, l'agrément n'étant pas possible en Europe car le bassin de test de Cedre est trop petit ... ce sera donc un agrément américain qui permettra le développement de cette innovation à partir des Etats Unis !

Apprendre à nager !

Nous connaissons tous avec l'Ecotaxe l'efficacité et les synergies des instances d'agréments et d'encadrement des entreprises et de l'Economie. J'avais aussi relaté par le menu l'invraisemblable aventure administrative de la PME mosellane STVI. Nous avons ici un nouvel exemple du pari véritable qu'un entrepreneur doit savoir prendre quand la survie d'une innovation et de son entreprise sont en jeu !

Puisque marcher sur la tête cause des migraines, que marcher sur les deux jambes de l'optimisme ET du pragmatisme n'est pas possible, il aura donc été possible pour un concepteur de bateaux d'apprendre à nager ... au grand large. Bonne chance à lui et quant à vous, monsieur Louys, préparez donc une seconde édition de votre livre sur les obstacles réels à lever pour que la France devienne la puissance maritime que vous décrivez.

Est-ce se délecter de l'absolue bêtise de notre secteur administrativo-réglementaire, est-ce cultiver pessimisme dépressif et déclinisme que de montrer ce qui empêche à notre pays d'aller de l'avant (parmi diverses causes). Ou est-ce simple réalisme ? A vous de juger ... mais ne perdons pas trop de temps car la mer continue de monter ! Elle pourrait même finir par envahir le petit bassin de l'excellent Cedre !