dimanche 23 janvier 2011

Nicholas Christakis: science prédictive des réseaux sociaux pour action proactive !

Nicholas Christakis est un chercheur de l'Université d'Harvard spécialisé dans les phénomènes sociaux se matérialisant sous forme de réseaux. Il peut s'agir d'épidémies, de comportements d'imitation, de consommation, d'idées ou d'opinions. Son livre Connected: Amazing Power of Social Networks and How They Shape Our Lives a eu un effet majeur dans la compréhension des effets réseaux à l'heure précisément où l'Internet a fait surgir de nouveau réseaux sociaux connectés. Il sera ici question d'influence entre individu, d'agencement de réseau et de diffusion d'influence à l'intérieur du réseau. Tout d'abord prenons un petit exemple visuel de ce dont nous parlons:

Ce premier graphe montre les liens entre tous les personnages du roman les Misérables de Victor Hugo. Ainsi, Javert, Valjean et Cosette apparaissent au centre du graphe. Ceci pour indiquer que la modélisation mathématique sous-jacente ne prend pas seulement en compte une bête comptabilisation des liens mais établit une métrique propre à l'importance sociale du personnage dans le réseau.

Une fois n'est pas coutume, le présent billet va présenter trois vidéos sur ce même thème. Deux vidéo TED de N. Christakis et une qui est une illustration de l'étude sur l'obésité qui a été le point de départ de son travail. Voici la première vidéo:


Nicholas Christakis illustre son propos par ses travaux sur l'obésité affirmant qui si vos amis sont obèses, vous avez 45% de chances d'être obèse et 25% de plus si les amis de vos amis le sont ! Voici comment se présente l'évolution du regroupement (cluster) des obèses dans le réseau relationnel étudié:



Pour aller plus loin dans le propos de Nicolas Christakis, voici une autre vidéo TED, plus récente qui reprend les termes de la première mais surtout qui se focalise sur l'utilisation prédictive de cette technique par exemple en matière d'épidémiologie ou de vaccination (trois fois moins coûteuse) ou de marketing social et politique. L'idée étant de se focaliser non pas sur un échantillon représentatif des populations mais sur un sous-groupe "d'amis" centraux dans le processus de diffusion de l'influence à l'interieur du réseau. Voici:

 Puisque nous sommes en plein mapping, je me suis amusé non pas à traduire tout cela mais à faire une carte générale de l'argumentation, la voici:

































En résumé, dès qu'une influence d'imitation ou de transfert d'information voire aussi de germes est possible entre individu, se constitue un réseau. Notons au passage que, hormis dans le cas de transmission des maladies, le moteur de la transmission (contamination sociale) est l'émotion ! Dans ce réseau, apparaissent des clusters (regroupements) et des positions centrales ou marginales. Comme dans l'exemple suivant d'amis où figurent aussi les sous-groupes fans de groupes musicaux:
On voit bien ici les sous-groupes entourés en couleur. Dans tous ces réseaux existent un sous-ensemble de gens "centraux" c'est-à-dire qui, sur le plan "épidémiologique", vont être prédictifs et influenceurs du comportement de l'ensemble du réseau. L'intérêt pour la santé publique est évident. Si Mme Bachelot avait utilisé ces techniques pour la prévention de la grippe H1N1, elle aurait été moins ridicule et meilleur gestionnaire des deniers publics.Le marketing social et politique comme le marketing tout court sont donc évidement potentiellement clients de ceci.
En quoi sommes-nous concernés ?
Si les hypothèses de Christakis se confirment et même si vous n'aspirez pas à vous enfermer dans Facebook, cette vision du monde est structurante et à mon avis incontournable. Je reviens par exemple sur la crise des subprimes et ses suites jusqu'à peut-être la chute de toute notre économie financière en déshérence. Les esprits rationnels, vertueux ou simplement amers, jugent que notre système est pervers. La démocratie semble bafouée par ce que non seulement un petit nombre d'influenceurs a permis la crise mais encore qu'avant la fin de celle-ci, ceux-là seront encore plus riches. Les marginaux de notre vaste réseau que sont les simples citoyens seront encore plus marginalisés et auront en plus perdu leur job. A partir de là, nous tournons à vide. On ne sait pas quoi faire, et si on savait on n'aurait pas le pouvoir et ceux qui ont le pouvoir ne veulent pas faire ce qui serait nécessaire !!!

En guise de conclusion personnelle:
Cette représentation en réseaux est peut-être moins anodine qu'elle y paraît: une nouvelle représentation du monde "démocratique". Tous les points sont égaux en droit mais en fonction de leur position dans le réseau, ils n'ont pas la même influence, et nous le savons tous déjà. Alors ? Faut-il tout brûler ?

Si ces réseaux sont des super-organismes qui sélectionnent les "bonnes" influences comme le pense N. Christakis, travaillons, grâce à l'internet, grâce à de nouveaux moyens de diffusion des idées comme TED, à modifier les réseaux pour que se modifient les comportements et les minorités d'influence. Je reviendrai plus tard sur le rôle intéressant de M.Assange à cet égard. Il n'y a pas de complot planétaire au sens banal, c'est ma conviction, ni de fatalité, il n'y a que des acteurs marginalisés entre autres parce qu'ils ont baissé les bras ! Et si ce que décrit ici N. Christakis venait donner une chance et un moyen à ceux qui ont encore envie que ça s'arrange ?

jeudi 20 janvier 2011

TEDx en France: les fleurs et le fleuriste

Vous êtes nombreux à me demander des précisions sur TED. Il faut reconnaître que puisqu'il s'agit d'un phénomène d'origine américaine (californienne en fait), on peut regretter qu'on y parle l'anglais (US) ... Plus d'excuses, déjà dans mon dernier billet, vous avez pu y trouver textes et vidéos en français. Voici une nouvelle vidéo sur le dernier événement TED en français (TEDxParis):
Ceci pour ceux qui se disent "c'est quoi ce truc ?". 
Il y a maintenant ceux qui m'encouragent à poursuivre mon action pour organiser à Metz cet événement, je les remercie et je les invite à me confirmer leur soutien. S'il ne le font pas, je les rappellerais !!! 
Et puis il y a certainement une troisième catégorie que je n'ai pas encore rencontrée. Par esprit de provocation, je vais cependant en parler car j'ai trouvé une critique de TED sur un blog. Je ne  donne pas ma source car je n'ai pas parlé avec l'auteur. Je dois dire d'ailleurs que sa critique est plutôt celle des français que celle de TED car, au final, il dit avoir apprécié la plupart des interventions. Voici ce qu'il dit:

"On disait autrefois (et on l’entend encore un peu) que les États-Unis ont environ dix ans d’avance sur la France. Dans la pratique, cette affirmation signifie que lorsqu’une mode, une technologie ou une loi a été lancée aux États-Unis, il faut dix ans pour qu’elle soit reproduite en France.
Pendant ces années, on commence par être dubitatif (ils sont fous ces ricains !), puis on débat intensément (jamais de ça chez nous !), et enfin, sans surprise, on adopte la mode autrefois honnie, et on le fait généralement sans profiter ni du débat qui a eu lieu ni de l’expérience vécue par ceux qui nous ont précédé, on se contente souvent de faire les choses un tout petit peu moins bien. D’abord blasés, dubitatifs, cyniques, nous finissons par abdiquer et par accepter avec une certaine mollesse les évolutions (progressistes ou régressives) déjà dépassées outre-Atlantique."

C'est vrai que chez TED, on n'est pas Nietzschéens, on ne déconstruit pas, on ne philosophe pas au marteau  et pourtant, on veut changer le monde en 18 minutes ! Alors, je me dis qu'en effet TED, vu de France, se prête aux critiques suivantes: trop ricain, pas assez intello, trop proche du Kapital ou du show biz, de trop bonnes intentions ou encore, en référence à Christian Salmon, "du storytelling dans toute sa splendeur" ... ça doit cacher quelque chose !

Et bien, pour avoir participé à un TEDx sur place, je pense comme les gens interviewés dans cette vidéo. On ne s'ennuie pas une seconde et on peut y comprendre qu'afin de changer le monde, il est peut-être bon de commencer par se changer un peu soi-même ! Et puis mon engagement personnel est de donner à notre TED une touche qui sera la nôtre. Je retiens ce qu'a dit Bernard Werber dans la vidéo: ce n'est pas le fleuriste qui a créé les fleurs mais de lui dépend la qualité du bouquet. Cela vaut pour TED, et si vous voulez m'en croire, cela vaut bien au delà ! Nous comptons sur votre soutien.

dimanche 16 janvier 2011

De TED à TEDx et à TEDxMetz

Il est temps que je vous parle un peu plus de TED. Vous avez tous remarqué que beaucoup de vidéos présentées dans mon blog viennent de TED (mais pas toutes). Il est temps que je vous dise pourquoi.
Voici un petit film qui situe le phénomène "TED":


S'il me fallait une première raison de m'intéresser à TED, je dirais déjà qu'il s'agit d'une reprise d'entreprise qui est un fantastique succès ! Mais il y a bien plus.

Il y a trois mois, grâce à Paul-Henri Pion, alors que je cherchais à illustrer un cours pour mes étudiants, je découvrais des chercheurs à la fois brillantissimes et faciles à comprendre: Laurie Santos puis N. Christakis. Le point commun était TED. Quinze jours plus tard, je traduisais mes premières conférences pour TED. Quinze jours après, je participais à TEDxBasqueCountry puis je découvrais qu'un événement TEDxAlsace avait eu lieu en Alsace en Octobre 2010. En Décembre, je devenais officiellement "licensee" pour organiser "TEDxMetz".
Et c'est parti ! Dans un prochain billet, je vous dirai quoi, comment, pourquoi et quand.
En attendant, je vous propose de visionner sur Canalplus.fr des vidéos présentées hier (le 15 janvier 2011) à TEDxParis

Nous avons pu découvrir hier en "live" un vingtaine d'intervenants: astrophysiciens, chanteurs, dirigeants d'associations, consultants, agriculteurs, penseurs en séquences brèves de 5 à 18 minutes.

Tous ont témoigné avec passion de leurs recherches ou de leurs expériences et ont montré que malgré la crise et les inquiétudes légitimes, nous vivons encore dans un monde d'opportunités !

samedi 15 janvier 2011

Miguel Benasayag: entre légitimité et légalité

J'ai plaisir à vous présenter ce philosophe argentin, homme de pensée et de vécu.

La vidéo est extraite de TEDxParis 2010, le premier événement en français dans la galaxie TED. Or, aujourd'hui se tient justement à Paris la deuxième édition de cet évènement. Miguel Benasayag est un ancien résistant argentin émigré en France et désormais psychanalyste et philosophe francophone de premier plan.
J'ai retenu cette conférence non pas pour l'analyse culturelle anglo-saxons/latins car je crois que la pression lui a fait se prendre les pieds dans le tapis ... J'aime cette conférence pour ce qu'elle a de central: la réflexion sur la ligne de partage entre le légal et le légitime ou aussi comment se crée une morale donc une légitimité et comment se structure une légalité. Voici:
Miguel Benasayag à TEDxParis le 30/01/2010

Que dit Miguel Benasayag ?

La culture occidentale est une culture de la Vérité Absolue. La recherche de la Vérité fonde à la fois la démarche scientifique et notre morale, notre droit et nos règles sociales. Alors chemin faisant, l'Occident ayant un peu perdu sa fraicheur initiale et ses fondements, s'est profilée une culture relativiste. Le Vrai est  devenu unique dans sa culture mais comme il y a d'autres cultures, la Vérité se relativise en fonction des cultures. Pour M. Benasayag vérités absolue et relative sont deux fausses pistes et nous parle alors de la différence entre légitimité et légalité. La marge est selon lui différente entre anglo-saxons et latins. Les seconds sont censés être plus prompts à transgresser la loi ... Il  raisonne à contrario de Kant en s'appuyant sur la question posée par Benjamin Constant au 19ième siècle. S'il faut moralement toujours dire la vérité, dénonceriez-vous, pour ne pas mentir, à l'assassin venu tuer votre ami réfugié chez vous ? Pour Kant oui. Par principe.

Pour nous tous, non bien sûr ! Du moins, j'espère. Et Miguel Benasayag s'en sert pour nous expliquer que ce qui est bien ou ce qui est mal ne dépend pas d'une Vérité absolue qui nous viendrait d'en haut de façon transcendante mais d'un ensemble de choses puisées ou activées dans et par la situation elle-même. Ces choses sont les données propres à la situation et à notre conception particulière de ce qui est bien ou mal. La résultante donne notre choix. Ce choix est incertain et contingent. La Vérité est cachée dans la situation, faire le bon choix est une question d'engagement, la Vérité n'apparaissant que plus tard ... Pensez aux patriotes de 1940 qui ont choisi Laval et Pétain et qui ont été fusillés à la libération et à ceux qui sont allés rejoindre de Gaulle à Londres et qui sont devenus ministres ...

En quoi tout ceci nous concerne-t-il ?

Oui cette réflexion sur le fondement de la morale a une importance pour nous aujourd'hui. Notre société a adopté une vue très tranchée et en apparence très rigoureuse et vertueuse de la transparence et de la sécurité. Tout doit être traçable, explicable et communicable. Légalement correct ! "Notre gestion doit être auditable" m'a dit un jour mon Président. Auditable ! Or pour que cela marche, il faut transgresser un peu sinon aucune création ni aucune adaptation n'est possible. En tant qu'ancien chef d'entreprise, cela me parle fort. Il est souvent impossible de respecter toutes les exigences de tous les codes en vigueur (Code du travail = 2000 pages) et il y a l'affichage obligatoire, le document unique, la prévention de la grippe aviaire, la responsabilité pénale en cas d'accident, les déclarations de charges, le code de la route, la convention collective ... Autant d'occasions de sortir de la légalité car codes et procédures ne sont pas toujours compatibles entre eux, je vous assure !

Et cela est vrai dans d'autres contextes, allez un peu écouter l'anecdote que raconte Dan Schwarz de ce père qui a fait de la prison et qui s'est vu interdire son propre foyer parce que, par erreur, il a acheté à son gamin une limonade alcoolisée un jour de match de baseball ! Américain seulement ? Vous auriez dû voir le regard que ce jeune flic a lancé à ma fille de 14 ans assise à côté de moi dans la voiture familiale et ramenant sa bouteille vide de "Champomy" au sortir du goûter de son club de gym. Un sourire de ma fille et la présentation opportune de l'étiquette à travers la vitre m'ont peut-être évité la mise en examen ! Je suis chanceux sur ce coup-là mais sans rapport autre que le thème développé par M. Benasayag, de très nombreux cas de dénonciations calomnieuses ont été scrupuleusement instruits aboutissant à l'anéantissement de l'accusé surtout lorsque, in fine, ce dernier est finalement reconnu innocent comme par exemple dans les affaires connues sous le titre générique des pères de Pontoise. La quête de la Vérité couplée aux difficultés propres à une telle instruction peut conduire à une manipulation aux conséquences extrêmement graves pour les familles concernées et pour la crédibilité de la Justice elle-même. Comment un principe Absolu pourrait-il encore se justifier dans ce cas ?

Un conseil:

Prenons garde de ne pas nous laisser enfermer dans le "panoptique" (prison imaginaire où tout est sous contrôle visuel dont ont parlé Jérémy Bentham puis Michel Foucault). Défendons avec Miguel Benasayag une Vérité qui ne serait ni Absolue, ni Culturellement Relative mais un centre de gravité dynamique suivant des principes certes mais aussi s'adaptant au contexte de la situation et à la nature des liens entre les acteurs. A l'extrême donc, il faut absolument pouvoir continuer raisonnablement et légitimement à désobéir ... !

mercredi 12 janvier 2011

Mathieu Ricard: sur le bonheur et la souffrance

Aujourd'hui c'est de Mathieu Ricard que j'aimerais parler. Je ne le connais pas, pas encore, mais j'ai rencontré Trin Xuan Thuan le co-auteur  de l'un de ses livres: L'Infini dans la paume de la main - Le moine et l'astrophysicien. J'espère évoquer Trinh Xuan Thuan ultérieurement. Parlons pour l'heure de  Mathieu Ricard car il fait le lien entre des domaines certes divers mais tous au coeur de ce blog. 

L'homme:
Fils d'un intellectuel français (le philosophe, essayiste et journaliste Jean François Revel), Mathieu Ricard est une personnalité mondialement connue, l'un des trop rares invités français de TED Global. Je vous propose plus loin une vidéo de sa conférence  TED. Il relie le milieu des intellectuels francophones souvent érudits et brillants mais abstraits et dont le prestige international diminue et celui des grands "inspirateurs" anglophones fascinants et pragmatiques mais volontiers simplificateurs dont je me suis fais l'échos dans ce blog. Scientifique, ancien chercheur au CNRS, Mathieu Ricard est devenu moine bouddhiste et a passé de nombreuses années dans l'Himalaya à vivre en moine et en hermite. Il personnifie le lien entre la science et la spiritualité, chose rare mais qu'il partage avec l'astrophysicien bouddhiste Trinh Xuan Thuan mentionné plus haut.

Sa vie fait le lien entre Orient et Occident. Dans un exercice intellectuel très occidental, il s'est attaché à nous proposer très rigoureusement et méthodiquement une approche introspective d'inspiration bouddhiste pour aider à sortir de la souffrance. Suit un petit résumé personnel sur ce point. Et comme souvent, nous découvrons qu'il est aussi un entrepreneur social qui favorise de nombreux projets humanitaires en Asie du Sud avec Karuna-Shechen.

Sur la souffrance:
Lorsque la souffrance devient insupportable, lorsque la situation devient invivable, nous avons l'impression que seule existe cette souffrance. Mathieu Ricard nous invite à nous souvenir dans les moments pénibles que nous ne sommes pas La souffrance elle-même, que nous avons existé sans elle, que nous existerons après elle, que nous existons profondément malgré elle. Je pense à ces situations de pertes irrémédiables ou de deuil ou bien de "harcèlement" destructrices de la personnalité. Il peut s'agir d'événements fortuits de la vie qui s'enchaînent pour le pire ou encore de situations de conflits où tel ou tel subit des agressions délibérées dans un but  précis, rationnel ou pervers ... Qu'il s'agisse donc de faire face à un destin contraire ou de lutter contre un "pervers relationnel" pour reprendre les termes de Michel Onfray, Mathieu Ricard propose une philosophie du bonheur et des exercices pratiques. L'une et les autres aident à se souvenir que l'on peut exister hors de sa souffrance puis que l'on peut l'affronter et la dominer. Citation: "Confronté à de puissantes émotions et sensations, notre esprit se trouve si souvent comme privé de son libre arbitre."

A l'heure où le marasme économique perturbe non seulement la blogosphère mais  tous les individus, inquiets pour leur job, leur retraite et la planète ..., Mathieu Ricard bien que français, ose être heureux , peut-être l'homme le plus heureux du monde ! Bien sûr, comme le faisait remarquer un autre intervenant de TED, si tout le monde vivait comme Mathieu Ricard, les centres commerciaux fermeraient car les moines bouddhistes se contentent de peu  ... Donc nous serions heureux mais pauvres ! Pourtant son enseignement est très riche. Il consiste à parvenir à une maîtrise des émotions qui enferment dans ce qui déprime ou qui détruit. Citation: " en surmontant nos souffrances personnelles, il y a tant de choses constructives que nous pouvons entreprendre dans la vie, par exemple en nous mettant au service des autres !"

Sur le bonheur:
Je vous laisse découvrir cette vidéo, elle est en anglais mais sous-titrée et d'un abord facile à nos oreilles, francophones ce n'est pas lui faire injure, voici:
Je retiens le principe: l'esprit ne peut être animé simultanément par deux émotions contraires ... Il est  possible en agissant sur ses propres émotions, de développer les conditions propices à un surgissement  heureux ou à une réduction de la souffrance. Sa méthode: la méditation ! La nouveauté: l'efficacité en a été démontrée expérimentalement. Neurosciences et spiritualité se rejoignent, je vous disais bien que cet homme est un trait d'union vivant !

En quoi cela nous concerne-t-il ?
Une première réponse évidente vient à l'esprit. Qui désirerait être malheureux ? Alors d'où vient que nous le sommes si souvent ? Est-ce seulement la faute des autres ? En outre, M. Ricard démontre par son écriture rigoureuse et par son exemple de vie qu'il est toujours possible d'avoir une vie supportable voire heureuse même dans la tourmente. Il est possible de maîtriser les souffrances inévitables pour rester opérationnels pour les autres comme pour soi. N'est-ce pas une belle perspective pour un entrepreneur en temps de crise, et pour tout un chacun n'importe quand ?

De Mathieu Ricard, je vous conseille le petit livre qui est sur ma table de nuit: L'art de la méditation : Pourquoi méditer ? Sur quoi ? Comment ?

mercredi 5 janvier 2011

Jean Pierre Massias: les préalables à la négociation

Bonjour à tous,
A l'occasion de mon billet de voeux du 1er Janvier, je vous ai présenté William Ury parce que son message sur les chemins d'Abraham me semblait tout à fait de circonstance. William Ury nous a par là-même parlé de la troisième force qu'il convoque à l'occasion de ses médiations dans des conflits internationaux. Vous avez été nombreux à me communiquer votre intérêt pour ce sujet, alors je voudrais aujourd'hui aller plus loin avec un auteur francophone, Jean Pierre Massias, qui est juriste et chercheur en cette même matière. Il a participé à certaines médiations dans des conflits lourds et étudie de près le conflit Basque. Ayant pu échanger avec lui à l'occasion de TEDxBasqueCountry, je vous propose de le retrouver ici pour aller plus loin sur les préalables de la négociation:

Que nous apprend Jean Pierre Massias ?
Tout d'abord, on ne négocie pas n'importe quand, ni dans n'importe quelles conditions. D'abord, seulement un tiers des conflits trouve une solution négociée. Il faut donc être réalistes. Ensuite, celle-ci n'intervient que lorsque les histoires collectives et les multiples aventures individuelles trouvent un moyen de s'exprimer et de se rencontrer. Enfin, la négociation ce n'est pas continuer la guerre par d'autres moyens, négocier c'est accepter de rompre avec sa conception du monde. Pour rejoindre ici explicitement le psycho-thérapeuthe Paul-Henri Pion, il s'agit véritablement d'opérer un "lâcher-prise" simultané ce qui n'est déjà pas simple quand un seule personne est concernée. Je retiens aussi au passage le commentaire de Michel Rocard: "Négocier, c'est trahir !". Négocier est donc un moment de courage où chacun des belligérants accepte de prendre le risque de faire la paix.
Et puis quand ce moment si spécial advient, il faut encore affronter une nouvelle situation, La paix contient aussi des dangers. Il faut que les souffrances puissent se dire et non être enfouies sinon elles ressurgiront.Il faut aussi pouvoir dire sa douleur et entendre celle de l'ancien ennemi. Amnistie ne signifie pas amnésie. Il faut en outre que les anciens combattants retrouvent un statut social dans la paix. Au total, il faut reconstruire une culture et une infrastructure de paix.
En quoi ceci nous concerne-t-il ?
Quiconque a participé à un conflit difficile, pas nécessairement à la guerre, peut se rendre compte de la justesse de ces propos... Ensuite, cette intervention contient en elle-même la nécessité d'un "lâcher prise" pour pouvoir avancer. Attention, lâcher prise n'est pas laisser aller ! Nous en reparlerons, lâcher prise consiste au niveau individuel justement à risquer de faire le contraire de ce qui ne marche plus pour se donner une chance de débloquer la situation et de trouver une nouvelle solution. La psychologie comportementale nous l'enseigne par exemple dans cet ouvrage très pratique: 50 exercices pour lâcher prise.
Dans la négociation sur ces grands conflits, il s'agit de créer ce moment de courage ultime où parfois des millions d'histoires personnelles vont pouvoir se dénouer et reprendre un cours plus humain. L'idée du lâcher-prise nous renvoie donc à celle plus vaste, plus collective de la création patiente et multiforme des conditions complexes d'avènement de la solution bénéfique souhaitée. Nous avons-là certainement une illustration pratique de la mise en oeuvre des principes de transformation silencieuse de la tradition chinoise dont je vous parlais à l'occasion de mon billet sur François Jullien.


samedi 1 janvier 2011

Avec William Ury sur le chemin d'Abraham

Chers amis, permettez-moi de vous présenter mes voeux de bonheur et de succès pour cette nouvelle année. Qu'elle puisse être pour tous un peu plus confiante et un peu plus heureuse que la précédente ! 

Pour accompagner mes voeux et passer un message d'espoir, j'ai pensé à la conférence de William Ury à TED.com.  Il s'agit d'une conférence dont j'ai relu la version française des sous-titres (cliquez sur "view subtitles" en bas à gauche de l'écran vidéo). William Ury est le co-auteur de Getting to Yes: Negotiating Agreement Without Giving in le fondateur du programme d'Harvard sur la négociation et un médiateur international reconnu et impliqué dans la solution de nombreux conflits sur la planète. Voici la vidéo:


En matière de négociation tout d'abord: 
William Ury rappelle la fable des 17 chameaux à partager en trois parts inégales pour nous sensibiliser tout d'abord sur l'importance qu'il y a de sortir du cadre des idées et méthodes trop bien établies. Un conseil somme toute utile à rappeler en ce début d'année.
Ensuite, il nous présente, en faisant appel à ses souvenirs personnels de grand voyageur, son concept de "troisième force" sur une image. Les Bushmen d'Afrique du Sud comme probablement toutes les sociétés humaines traditionnelles ont appris à gérer leurs différends en interposant entre les parties en conflit cette troisième force constituée de la communauté environnante qui est partie prenante non pas au conflit lui-même mais à sa résolution. Pour cet auteur, c'est ce mécanisme-même qui a préservé l'humanité contre sa propre colère jusqu'à aujourd'hui. Je vous livre cette petite phrase que j'aime bien: "Si vous réagissez sous le coup de la colère, vous ferez le plus beau discours que vous regretterez toute votre vie !" C'est cette troisième force qui nous aide en cas de conflit à ne pas succomber et à "monter au balcon" pour prendre de la distance.

Comme perspective de cette nouvelle année:
Hé bien, que l'on soit comme William Ury impliqué dans la médiation d'un conflit difficile ou dans d'autres situations personnelles ou professionnelles, son conseil me semble utile. Il est préférable d'apprivoiser ses émotions pour ne pas se laisser mener par elles. Nous sommes tous partie prenante dans cette troisième force: neutre mais impliquée, utilisons-là. Prenant l'exemple du conflit proche oriental qui semble insoluble depuis tellement longtemps, William Ury nous propose au figuré comme au sens propre de suivre le chemin d'Abraham. Le prophète, commun aux trois religions du livre, a en effet arpenté physiquement les antiques chemins de cette région de colère  pour y semer à l'origine des graines de sagesse ! Alors ? 
A l' initiative de W. Ury suivi par des universitaires et de nombreuses personnalités, tout un chacun est invité à marcher dans les pas d'Abraham sur les routes de Jordanie, de Palestine, d'Israel ou du Liban et d'y rencontrer les populations les plus accueillantes qui soient et y  témoigner de la présence de cette troisième force. Cette initiative a été suivie au proche Orient et maintenant dans de nombreux pays du monde car la troisième force est utile partout où se développent des conflits. Donc des marches pour la paix, des chemins d'Abraham ont fleuris un peu partout sur la planète !

En cette période de voeux, dans la parabole en mots, en actes et en randonnées de ce grand médiateur, je vois un très beau symbole à partager avec vous pour la nouvelle année ... et les suivantes.

Pour retrouver les écrits de William Ury sur la négociation, je vous conseille en français cet ouvrage: Comment réussir une négociation ?