mercredi 5 janvier 2011

Jean Pierre Massias: les préalables à la négociation

Bonjour à tous,
A l'occasion de mon billet de voeux du 1er Janvier, je vous ai présenté William Ury parce que son message sur les chemins d'Abraham me semblait tout à fait de circonstance. William Ury nous a par là-même parlé de la troisième force qu'il convoque à l'occasion de ses médiations dans des conflits internationaux. Vous avez été nombreux à me communiquer votre intérêt pour ce sujet, alors je voudrais aujourd'hui aller plus loin avec un auteur francophone, Jean Pierre Massias, qui est juriste et chercheur en cette même matière. Il a participé à certaines médiations dans des conflits lourds et étudie de près le conflit Basque. Ayant pu échanger avec lui à l'occasion de TEDxBasqueCountry, je vous propose de le retrouver ici pour aller plus loin sur les préalables de la négociation:

Que nous apprend Jean Pierre Massias ?
Tout d'abord, on ne négocie pas n'importe quand, ni dans n'importe quelles conditions. D'abord, seulement un tiers des conflits trouve une solution négociée. Il faut donc être réalistes. Ensuite, celle-ci n'intervient que lorsque les histoires collectives et les multiples aventures individuelles trouvent un moyen de s'exprimer et de se rencontrer. Enfin, la négociation ce n'est pas continuer la guerre par d'autres moyens, négocier c'est accepter de rompre avec sa conception du monde. Pour rejoindre ici explicitement le psycho-thérapeuthe Paul-Henri Pion, il s'agit véritablement d'opérer un "lâcher-prise" simultané ce qui n'est déjà pas simple quand un seule personne est concernée. Je retiens aussi au passage le commentaire de Michel Rocard: "Négocier, c'est trahir !". Négocier est donc un moment de courage où chacun des belligérants accepte de prendre le risque de faire la paix.
Et puis quand ce moment si spécial advient, il faut encore affronter une nouvelle situation, La paix contient aussi des dangers. Il faut que les souffrances puissent se dire et non être enfouies sinon elles ressurgiront.Il faut aussi pouvoir dire sa douleur et entendre celle de l'ancien ennemi. Amnistie ne signifie pas amnésie. Il faut en outre que les anciens combattants retrouvent un statut social dans la paix. Au total, il faut reconstruire une culture et une infrastructure de paix.
En quoi ceci nous concerne-t-il ?
Quiconque a participé à un conflit difficile, pas nécessairement à la guerre, peut se rendre compte de la justesse de ces propos... Ensuite, cette intervention contient en elle-même la nécessité d'un "lâcher prise" pour pouvoir avancer. Attention, lâcher prise n'est pas laisser aller ! Nous en reparlerons, lâcher prise consiste au niveau individuel justement à risquer de faire le contraire de ce qui ne marche plus pour se donner une chance de débloquer la situation et de trouver une nouvelle solution. La psychologie comportementale nous l'enseigne par exemple dans cet ouvrage très pratique: 50 exercices pour lâcher prise.
Dans la négociation sur ces grands conflits, il s'agit de créer ce moment de courage ultime où parfois des millions d'histoires personnelles vont pouvoir se dénouer et reprendre un cours plus humain. L'idée du lâcher-prise nous renvoie donc à celle plus vaste, plus collective de la création patiente et multiforme des conditions complexes d'avènement de la solution bénéfique souhaitée. Nous avons-là certainement une illustration pratique de la mise en oeuvre des principes de transformation silencieuse de la tradition chinoise dont je vous parlais à l'occasion de mon billet sur François Jullien.


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