samedi 29 octobre 2011

Justin Hall Tipping: nanotechnologies et énergie




Après ma participation à TEDGlobal en Juillet à Edimbourg, je vous disais le plus grand bien de cet événement.

Parmi les nombreux intervenants de très grande qualité, Justin que j'ai brièvement croisé, est l'un des deux que j'ai placés tout en haut de ma liste. Voici sa conférence, elle vient d'être placée à la une de TED.com et n'est par conséquent pas encore traduite (je vais la traduire en Français du Canada, elle sera disponible dans une dizaine de jours):


Qui est Justin Hall Tipping et de quoi s'agit-il ?
Justin est le gérant d'un portefeuille d'investissements très original Nanoholdings. Il lève des fonds pour les placer dans des start up à fort potentiel ... Venture capitalist, histoire connue me direz-vous ! Mais depuis qu'il a assisté par lui même à la disparition en mer d'un iceberg continental de la taille de l'état du Connecticut (la taille de la Basse Normandie), il s'est mis en devoir de rechercher voire d'initier avec l'aide de chercheurs d'universités du monde entier des projets d'investissements capables de résoudre radicalement les questions d'énergie et indirectement de besoins en eau de la planète, rien que cela ! Voici une seconde vidéo présentant son cabinet Nanoholdings:

Nanoholdings from Friday's Films on Vimeo.

Malgré les affirmations actuelles, à mon avis hâtives, et en dépit des inquiétudes légitimes de tous ceux qui, comme moi, découvrent les errances de la finance d'aujourd'hui, il reste certainement de l'espoir à condition de placer les ressources financières,  intellectuelles et industrielles aux bons endroits ... Non seulement le capitalisme n'est certainement pas en train de mourir mais il semble peut-être bien capable de contribuer à résoudre certaines questions de survie qui se posent à court terme à l'humanité toute entière. Cela , ce n'est pas Justin qui le dit mais moi qui l'affirme. Nous verrons.

Je l'ai dit de nombreuses fois dans ce blog, il nous faudra certainement modérer nos appétits de croissance et nos besoins en matières premières comme nous l'enseigne par exemple Serge Latouche ET il nous faut impérativement continuer à rêver à des solutions technologiques. Voici donc une matière intéressante dans l'ordre du rêve technologique qui se mue en dessous de notre seuil radar en une réalité exploitable prochainement. Justin participe en effet au financement de la transition de certains projets de recherche universitaire vers le stade industriel dans le domaine des nanotechnologies appliquées à la captation, à la distribution et au stockage de l'énergie solaire et par conséquent aussi à la production d'eau potable.

Que sont et que font ces nano-solutions ?
Dans cette brève conférence, il est question tout du long d'une innovation fondamentale: le contrôle des flux d'électrons dans des "tubes" de graphite (voir illustration ci-contre) d'une épaisseur de l'ordre de 20 fois la taille d'un atome. Cette technologie, associée à d'autres, permet différentes applications. Tout commence en 2005 avec la mise en lien de plus de 180 chercheurs de 9 universités travaillant sur les nano-matériaux, bel exemple de partage des idées à creuser.

Tout d'abord JHT nous présente le résultat de la re-condensation de carbone vaporisé qui produit un film souple et transparent. Ce matériau peut se transformer à volonté sous une micro impulsion électrique. Il peut à volonté laisser passer toute l'énergie lumineuse ou calorifique ou au contraire la réfléchir. Cette sorte de "nano-polarisation" permettrait, en associant ce nouveau matériau à un polymère ad hoc, de recouvrir toute surface (murs, toits, vitres) et ainsi de produire tout le chauffage et l'éclairage nécessaire à toute habitation.

Ensuite, JHT présente une recherche associant deux composants (un détecteur et un "imager" électronique) qui permet de créer un matériau souple et transparent, là-aussi, permettant de capter les infrarouges et à partir de ce flux, de recréer une image fidèle dans le spectre visible. Un système de vision nocturne très performant. Je me souviens lors de la crise du pétrole en 1974 des mesures gouvernementales de coupure de  l'éclairage nocturne, voilà peut-être en soi une technologie sympathique permettant d'économiser l'éclairage public et de sécuriser par exemple pour les automobilistes. Mais il y a nettement mieux.

Si l'on associe ce deux matériaux, on obtient un film transparent et souple qui peut recouvrir n'importe quelle surface. Il permet de capter ou de réfléchir à volonté l'énergie solaire ET de la convertir en électrons donc en énergie électrique permettant d'alimenter toutes sortes d'appareils. Nous avons-là une centrale de production électrique miniature. Et JHT donne ainsi des arguments concrets à Jérémy Rifkin: pourquoi maintenir nos centrales (qui portent trop bien leur nom) nucléaires ou thermiques, construire des barrages ou même immerger des hydroliennes si toute habitation peut devenir totalement auto-suffisante ? Il est évident que la génération Y née avec l'internet se saisira d'une telle solution décentralisée et enverra aux oubliettes les lobbys actuels de l'énergie.

Pourquoi pas ? Mais parce que cette énergie n'est pas facile à stocker à moins de se doter de dizaines de racks de batteries plomb-acide comme le rappelle JHT. Notez au passage que P. Baronnet le fait chez lui depuis plus de quinze ans ce qui lui évite d'avoir un compte EDF. Mais il est vrai que les batteries actuelles (technologie inventée au 19ième siècle) sont lourdes, peu efficientes, sales et doivent être remplacées régulièrement. En plus, elles sont difficiles à recycler ! JHT enfonce donc le clou en nous présentant son ebox qui permet de stocker les fameux électrons captés précédemment en utilisant également nos fameux nano-tubes de graphite recondensée. CQFD.

Mais JHT n'en a pas fini. Vous voyez immédiatement à quoi tout ceci nous servirait dans nos maisons, nos bureaux et nos voitures, comment nous pourrions ici recombiner les facteurs de production, de distribution et de stockages de l'énergie de façon plus économique et plus propre ... Toute une économie à réinventer sur la base de ces nano-innovations. Hé bien il y a encore mieux à faire sur notre planète. Et c'est d'appliquer ces techniques hyper-locales à la production d'eau potable notamment à partir d'eau de mer très coûteuse à désaliniser en masse afin de produire les 8 verres d'eau journaliers nécessaires à tout être humain. Or de nombreuses parties de la terre manquent déjà ou manqueront d'eau...

La conclusion de JHT:
Pour lui, c'est clair en 2000, la presse trouvait normal qu'un iceberg grand comme le Connecticut disparaisse dans l'océan antarctique et c'est cette "normalité" non-remise en cause qui est la cause de notre incapacité à réagir. Or exactement dans le même temps, nous apprenions à séquencer le génome et maintenant presque dans le même mouvement et également dans l'infiniment petit, nous apprenons à capter et à gérer l'électron dans des nano-tubes de graphite qui nous permettent sur des prototypes de développer des solutions propres et économiques aux problèmes d'énergie et d'eau de la planète !

En quoi cela nous concerne-t-il ?

1) Sous réserve de vérification de faisabilité économique (calcul économique du coût de fabrication, d'installation et de maintenance des produits dérivés) et de faisabilité environnementale (calcul de l'empreinte carbone de cette nouvelle industrie), comment ne serions-nous pas séduits ?

2) N'y aurait-il pas là pour des investisseurs et des entrepreneurs un champ de réalisation gratifiant à la fois intellectuellement et économiquement, nous montrant du même coup que le Capitalisme peut servir à des causes centrales pour la survie d'un écosystème planétaire viable ?

Enfin JHT vient de me confirmer son accord de participer à notre TEDx... j'espère qu'il pourra développer ces deux points en français comme il me l'a proposé.

3 commentaires:

actionive a dit…

Merci pour cet article très instructif. Quels sont les résultats des premières recherches? A quel horizon seraient commercialisées ces innovations?

Hanashi a dit…

Impressionnant comme la recherche est toujours bien plus en avance que ce que l'on croirait. Dommage que le pas de l'idée à la réalisation (commercialisable et commercialisée) soit si long. Comme Actionive : où en est-on pour cette technologie-ci ?

Didier Chambaretaud a dit…

Je l'ai invité à TEDx pour répondre à ces questions. Il semble que les produits présentés existent et puissent être industrialisés. Cependant, on m'indique ici ou là que la maîtrise de l'électron à cette échelle-là ne suit pas les lois expérimentales et surtout industrielles de l'échelle physique classique. Il faut rester prudents.