dimanche 11 novembre 2012

Trade not Aid 2/2

Suite de l'article de Lucy, étudiante en stage en Inde qui s'occupe de micro-crédit pour faire suite à nos articles sur "Humanisme et Profit".
(Billet invité)

Le nécessaire accompagnement

Je n’ai pris ce recul-là sur l’œuvre de la Grameen qu’en arrivant chez NCRC, où après la mise à disposition de l’argent, est mis en place un processus de suivi des partenaires. Ce processus comprend une réunion du groupe chaque mois, dans laquelle est dispensée une formation sur les bases du management. J’entends bien les bases, car à cette échelle du micro-entrepreneuriat, on revient de très loin: il faut être conscient que la majorité des "locaux" ne sait pas comment on calcule un profit. Ils ne séparent pas l’argent du commerce de celui de la maison. Ils sont ignorants du concept de capital et d’épargne. La relation avec le fournisseur est considérée comme très importante, à la base de tout commerce: un fournisseur doit être un ami, mais le problème qui se pose est alors celui de ses prix. Alors que la négociation avec les clients est une des caractéristiques de l’Inde, celle avec le fournisseur est souvent quasi inexistante. 

Le micro-crédit pour amorcer la relation

Voilà donc, pour moi, une des principales leçons d’NCRC. Le microcrédit, comme on me l’a expliqué dès le début, est d’abord  une base pour engager la relation avec les micro-entrepreneurs. Le but est de les aider à augmenter leurs revenus et plus généralement leur niveau de vie. En plus des formations basiques en management, des formations sur des sujets sociaux et médicaux sont dispensées. Des formations professionnelles sont dispensées par les membres eux-mêmes. Un conseiller en "business development" se déplace également lorsqu’il y a des problèmes difficiles à résoudre. Entrepreneurs du Monde offre un appui technique important en favorisant l’échange de compétences. L’équipe d’NCRC, composée uniquement de locaux et parfois de stagiaires étrangers, reçoit un partenaire d’Edm environ tous les deux mois. Phuong, la responsable Edm des services sociaux économiques d’Asie, m’a expliqué que pour elle, NCRC était un des partenaires les plus avancés dans ce domaine.

Appel à contributions

L’équipe, dont la moyenne d’âge se situe autour des 26 ans, est très dynamique et fait preuve d’une grande capacité d’ouverture, d’une envie d’apprendre. Ici, chaque volontaire ou stagiaire est le bienvenu avec ses compétences. Ses recommandations ou ses idées de projets sont écoutées avec attention par le directeur lui-même.  Il y a également un besoin constant de nouvelles formations dans les domaines précédemment décrits. Vous trouverez des exemples d’appels à compétences dans la rubrique « get involved » sur notre site web www.ncrcindia.org. Bien sûr, le côté financier est également à assurer. NCRC n’a pas encore atteint l’autosuffisance et doit en plus encore engager du personnel. Ici, je retrouve bien le contexte indien tel qu’on me l’avait décrit: le réflexe du financement humanitaire n’est pas encore bien installé dans le pays. Or, l’Occident se retire à grande vitesse de ce domaine, estimant que l’Inde est désormais à même de le prendre en charge. C’est vrai, d’un point de vue théorique et économique. Mais pas encore, hélas, d’un point de vue culturel. Il y aurait au moins besoin de volontaires venant essayer d’assurer la transition, d’éveiller un peu les investissements locaux. Je conclurai en vous souhaitant la bienvenue chez NCRC, si vous passez par Calcutta ! Et bien, sûr, bienvenue aussi aux éventuels échanges à partir de cet article.

Lucie Rosello, www.ncrcindia.org .

En quoi sommes-nous concernés ?

J'ai rencontré de nombreux entrepreneurs solidaires ces derniers temps qui s'ajoutent aux nombreux entrepreneurs "classiques" que je connais, j'ai le sentiment qu'un nouveau cycle naturel s'enclenche. En passant, en Inde ou près de chez nous, par les plus pauvres, les plus simples, une nouvelle version de l'entrepreneuriat prend forme en revenant aux sources, aux besoins de base, aux nécessités. Au passage, se posent les mêmes problèmes que toujours: commerciaux, de gestion, financiers. Et pour les résoudre, une nouvelle forme de capitalisme est en train de naître. S'y ajoute simplement semble-t-il la reconnaissance de l'importance de la relation. Nous retrouvons comme toujours: capital, compétences, savoir, travail et désormais un pilier supplémentaire: la solidarité.

Voilà donc par exemple comment se joue concrètement avec l'histoire de Lucy ce que nous avions abordé cet été sous le thème: "Humanisme et Profit". Nous avions dit nos convictions sur la scène de TEDxLaDéfense, Lucy (une autre "petite poucette")  était dans la salle et depuis, elle l'a vécu. Bravo et bonne continuation à elle.

6 commentaires:

jérôme a dit…

Et qu'apporte une étudiante d'école de commerce Française à cette organisation ?

Didier Chambaretaud a dit…

Bonjour Jérôme,

Je ne crois pas avoir dit qu'elle fait des études de commerce mais vous avez raison. J'espère qu'elle lira votre commentaire et vous répondra rapidement.
Ces organisations ont un grand besoin de supports,de crédibilité et de compétences. Lucy a pris en charge divers sujets techniques je crois. En outre les étudiants étrangers sont certainement un relais vers des investisseurs internationaux. M Yunus a ainsi entre autres l'appui du groupe Danone. De plus petites organisations comme celle-ci peuvent vouloir se rapprocher de structures intitutuionnelles en Europe voir de plateformes privées comme Babyloan.fr ... La parole à Lucy j'espère.

jérôme a dit…

Je disais école de commerce mais j'aurais dû dire école de management, OK.

Didier Chambaretaud a dit…

Voici un message que je reçois par mail:
Un stage en Inde sur le micro-crédit pour une jeune Française est certainement une expérience tout à fait passionnante. Mais je comprends pas comment un organisme de micro-crédit peut se positionner par rapport au système indien et organisations locales. Il y en a forcément. Les Indiens ont un sens incroyablement développé du business et du commerce. L’argent ou le crédit est moins important pour les très petits projets que les conseils, soutien et accompagnement proposé à l’échelon micro-local. Ceci est il à la portée de cet organisme ? Je pense que les Indiens savent très bien se débrouiller tout seul et qu’ils savent parfaitement soutenir, quand elles me méritent, les initiatives économiques porteuses de développement et création de valeur ajoutée.
JYL

Didier Chambaretaud a dit…

@Jérôme.
Ma remarque ne portait pas sur le qualificatif de l'école (ces écoles disent qu'elles font les deux, commerce et management.
@ JYL:
Il s'agit bien d'une entreprise indienne. L'importance du conseil et du lien est essentielle mais ne se passe pas de l'argent, c'est tout l'intérêt du micro-crédit.
Les indiens savent en effet se débrouiller tout seul souvent en effet ce qui conduira sans doute l'Inde à devenir LA grande puissance économique de ce siècle ET une grande partie de la population est illettrée et misérable. Les indiens avancent par eux-mêmes ET prennent l'aide qu'ils peuvent recevoir d'ailleurs.

abhijit a dit…

Bonjour Jérôme
Mes missions sont les deux suivantes: améliorer la communication de l'organisation, et former des coopératives entre nos membres. Pour ce dernier projet, il s'agit de regrouper les membres d'un même secteur en petits groupes. L'objectif court terme est de regrouper les achats de matières premières. L'objectif long terme est de permettre à certains d'investir ensemble dans de plus grandes structures (type des restaurants ou des plus grandes échoppes). Bien sûr, cela permet déjà que ces personnes se rencontrent et échangent.

A JYL:
Je suis heureuse de voir que vos convictions vont exactement dans le même sens que les miennes.. telles qu'elles étaient pourtant décrites dans l'article! Je n'avais peut-être pas en effet mis assez l'accent sur le fait que l'ONG est locale, quoique soutenue par un partenariat financier et de compétences par Entrepreneurs du Monde. Quoiqu'il en soit, tout le staff de l'ONG est local, renforcé de temps en temps par un stagiaire étranger de passage. En revanche, j'ai bien précisé que NCRC a la valeur ajoutée, par rapport à d'autres institutions de micro-crédit, des "conseils, soutien et accompagnement proposé à l'échelon micro-local".
Pour ce qui est de l'état indien, capable de soutenir ou non des initiatives de cette ampleur, je vous engage à demander au directeur ce qu'il en pense. Absence de compétence de notre part ou absence effective de l'idée dans les mentalités, nous faisons en tout cas face à un manque crucial de financements locaux.
Au plaisir d'échanger de nouveau.
Lucie