mercredi 12 octobre 2011

Yann Leroux sur la réalité de l'addiction au net et aux jeux sur le net

Mes deux derniers billets évoquaient le décès d'un entrepreneur mythique des NTIC et du net: Steve Jobs. Aujourd'hui, j'aimerais remettre au clair une notion très galvaudée liée à notre nouvel environnement technologique: l'addiction au Net en faisant appel aux recherches d'un psy très spécial, Yann Leroux, ci-contre.

Un journaliste du nom de Nicolas Carr sort ces jours-ci un bouquin polémique (que je n'ai pas lu !) Internet rend-il bête ? : Réapprendre à lire et à penser dans un monde fragmenté où il fait son coming out, se proclamant « web addict ». Et la presse de se demander à sa suite si le Net nous fait perdre la tête … (mes sources: le gratuit « métro » du 5 Octobre 2011 p 4 et 5). Grave problème donc puisqu'il en fait un livre et que c'est écrit dans le journal !

Je vous propose tout d'abord de visionner la vidéo de Yann Leroux, "psycho-geek" de terrain qui travaille avec des jeunes sur le rôle et l'impact non du web en général mais des jeux en ligne (pire) et particulièrement des jeux de guerre temps réel (encore plus pire !) pour être précis:
Vidéo 1 sur l'addiction:
Vidéo 2 sur l'apprentissage:

J'ai croisé Yann Leroux à TEDxBasqueCountry l'an passé et j'ai bien aimé son propos à la fois posé, éduqué, vécu, iconoclaste et pragmatique. Yann, lui aussi, avoue publiquement jouer à des jeux en ligne dont il a fait en outre son sujet de thèse de psychologie soutenue cette année.

Malgré un look « rasta » il ne me semble pas du tout « addict ». Voici le résumé de sa conférence TEDx (que je n'ai pas trouvée sur Youtube !): Le jeu vidéo est d’abord un espace de médiation entre un sujet et sa culture car les jeux reprennent des thèmes qui travaillent une culture à un moment de son histoire. C’est ensuite un espace de médiation entre un sujet et son groupe d’appartenance car il constitue des zones de rencontre, de transmission et/ou de conflit entre un sujet et ses groupes d’appartenance.

Faites-moi l'amitié de retenir comme le dit Yann qu'aucun travail scientifique sérieux n'a retenu la notion d'addiction en matière de jeux électroniques « on » ou « off line » et encore moins relativement au Net globalement. Cela n'exclue pas que l'excès de jeu ou de Net puisse signaler une pathologie. A l'inverse le jeu et le Net peuvent faire partie du remède ! Plus encore, dans sa conférence de Biarritz, Yann relatait un travail qui m'a époustouflé (thème du TED de Biarritz: la paix). A l'occasion de recherches sur les conséquences familiales durables de traumatismes causés pendant la seconde guerre mondiale dans certaines de nos campagnes aquitaines, les jeux de guerre auraient permis de rendre un peu de sérénité à certains en libérant la parole sur des atrocitées passées, devenues taboues mais dont les effets se transmettaient d'une génération à la suivante !

Retenez aussi que la consommation de web et de jeux ne touche pas que les jeunes, très loin de là, âge moyen des joueurs: 35 ans !

Pour aller un peu plus loin:

Je fais remarquer au passage à mes amis du CMAP (Centre de Médiation de Paris) la position originale du jeu comme « espace de médiation ... ».

Pour ceux qui voudraient creuser le thème psychanalyse et Ntic, je vous suggère l'interview de Y Leroux justement sur le blog d'Antoine Dupin.

Pour ceux qui seraient intéressés à creuser le sujet du supposé impact négatif du web sur l'attention, je les renvoie à un travail charpenté de Jean Philippe Lachaux, chercheur à l'Inserm: Le Cerveau attentif. Le sous-titre dit: "contrôle, maîtrise et lâcher-prise". Tiens-tiens encore le lâcher-prise ! Extrait de son entretien au même journal « Métro »: « avec l'avènement du web, nous sommes exposés à un flux incroyable d 'informations … pour faire face le cerveau doit faire appel à sa capacité d'attention … le web est un outil … comme un marteau, il est incroyablement utile sauf s'il sert à taper sur la tête du voisin. Le cerveau ne s'est pas détérioré, il s'est adapté, on utilise peut-être plus la mémoire à court terme pour gérer le multi-tâche que la mémoire à long terme ». Pour finir, ce chercheur conseille d'accompagner le phénomène notamment à l'école afin de ménager des activités de concentration mono tâche et un apprentissage de la gestion des priorités. Tiens cela ne vous rappelle-t-il pas les dangers du mode interruptif continuel via le mail et le téléphone qui sévit dans nombre d'entreprises ?

Si vous voulez en savoir plus sur le bouquin de Nicholas Carr voici un lien vers une émission que Radio Canada lui a consacré, à vous de vous faire une idée.

En quoi ceci nous concerne-t-il ?

Si comme certains des miens, vos ados passent beaucoup de temps sur le net ou les jeux, tout espoir n'est donc pas perdu, mieux, le Net peut être une solution (mais à doses raisonnables toute de même, car l'excès de toute chose peut-être nuisible voire fatal) ! A condition de traiter le sujet avec une réelle compréhension et non avec des préjugés qui n'ont rien de scientifiques ! Tenez faites ce petit test que m'a suggéré Yann: si l'un de vos enfants passe beaucoup de temps sur le Net ou sur un jeu, demandez-lui de vous expliquer, à vous qui êtes un(e) noob*, comment ça marche … S'il prend le temps et qu'il vous explique patiemment, c'est qu'en tant que parent vous n'avez pas fait un si mauvais travail et que ce gamin n'est peut-être pas aussi gravement atteint que vous le pensiez. Et addict ? Oubliez !

Méfions-nous des idées toutes faites sur tout et n'importe quoi. Le concept d'addiction dans ce domaine semble évident au premier abord et pourtant, il n'a de réalité que journalistique et non scientifique. Je parie que M. Carr est en réalité plutôt accro aux ... droits d'auteur et à la notoriété.

Enfin, je saisis ce thème de la web-addiction pour souligner l'urgence qu'il y a de se désintoxiquer du prêt-à-penser médiatique. Pas si triste finalement que l'audience de la grande presse et des TV classiques ait tendance à reculer au profit de certains coins du Net justement !

Pour finir merci à mon grand "geek" de Maxime pour la vidéo que voici, il s'agit d'un pastiche réalisé par les journalistes d'un site qui traite de jeux http://www.jvn.com/ Juste pour comparer les styles FR2 (au début) et celui des fans de jeux ... Carr avait au moins raison sur un point: notre société est fragmentée. On ne se méfie pas mais j'ai l'impression que certains sont vieux de plus en plus tôt pendant que d'autres restent jeunes de plus en plus tard ! Donc pour vous désintoxiquer des idées-reçues, voici:

*abréviation péjorative de newbie, c'est-à-dire un débutant dans le domaine informatique.

2 commentaires:

Hanashi a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Hanashi a dit…

Personnage original, sans aucun doute ! Voici en complément l'adresse de:
- son blog : http://www.psyetgeek.com/
- et de l'espace collaboratif et communautaire destiné aux psychologues et étudiants en psychologie qu'il a créé et gère : http://www.psyapsy.org/index.php?option=com_frontpage&Itemid=1