dimanche 1 juillet 2012

Pierre Bigazzi: l'humanisme, le profit et la relation

Il n'est pas si courant qu'un intellectuel, universitaire, philosophe et économiste vienne ainsi en toute humilité nous raconter son propre parcours. Premier pari gagné de TEDxLaDéfense puisque c'est ce que fait ici Pierre Bigazzi pour le sujet introductif de la journée en éclairant les concepts d'humanisme et de profits. 

Ce sont des concepts tellement habituels que l'on s'y arrête rarement. Il en a pourtant fait son domaine de recherche, d'enseignement et son parcours de vie.

Voici la vidéo de Pierre Bigazzi telle que présentée sur notre site de TEdxLaDéfense.


La rencontre.

Augustin Pajou, 1781 
Pour nous parler de l'importance de relier les considérations attachées à "l'Humain" à celles propres au Profit, Pierre commence donc par nous narrer la rencontre avec un "humain", ce dirigeant de la Banque Mondiale ... Flash de tragédie grecque quand j'ai écouté cette histoire pour la première fois. Pierre, le philosophe n'en a pas dit mot et pourtant, instantanément j'ai repensé à Diogène de Sinope se promenant comme sur le bas-relief ci-contre avec une lanterne en main et disant, par  provocation: "je cherche un homme !"

J'y repense parce que notre thème consiste à faire cela, nous recherchons l'Homme avec notre lanterne dans un domaine économique et financier qui l'ignore sans l'exclure. L'Homme et la finance ne sont pas des concepts opposés. Orthogonaux plutôt, ils se croisent rarement !

Or un jour, Pierre fait une rencontre en un point d'origine sans doute pour lui, où justement les deux axes se croisent lors d'une rencontre qui oriente sa vie.

Ne sommes-nous pas ainsi souvent orientés par une seule rencontre ? C'est la vertu de cette technique qu'utilisent TED et les TEDx et que l'on appelle "Story Telling" de nous faire parfois résumer les idées les plus complexes à quelques histoires simples et intimes.

La relation

Pierre nous dit donc: "pour moi la vie ce n'est pas ça ou ça, mais ça et ça". La vie c'est l'humanisme et le profit et la relation". Il insiste sur l'importance d'une pensée associative de l'efficacité (profit) et de sa finalité humaine (humanisme) en y ajoutant la relation. Une trinité laïque pour aller vers l'unité du vivant. Tout notre sujet s'en trouve introduit.

Les mots et leur sens profond

Pierre Bigazzi nous entraîne alors dans un petit voyage dans le temps et l'espace pour cueillir au passage le sens profond des mots que nous utilisons au quotidien, qui émaillent conversations, text books et articles de journaux pour nous faire entrevoir le sens profond de la quête qui l'anime.
Le profit est un outil et non une finalité. Un moyen et non une fin. "Pro Facere" en latin signifie "pour faire". Le profit sert à avancer. Sans argent, pas d'investissement, donc pas d'action, pas de bien commun. Il cite au passage François Michelin qui en fait un instrument de mesure, un critère de la qualité, du  service rendu.

La rentabilité: Bernard de Clairvaux, Saint Bernard, grande figure du Moyen Age Chrétien, en serait l'un des précurseurs. La rentabilité c'est ce qui est profitable à la quête spirituelle des moines, au bien-être des hommes qui viennent se ressourcer dans l'abbaye et aussi à la terre qui nourrit et qu'il s'agit de respecter. Nous, les autres, la terre: une trinité primitive du développement durable.

Le commerce: du latin "cum merx", avec marchandise et aussi "cum mercis", avec "merci", donc une relation marchande mais aussi une relation humaine.

La coopétition: compétition et coopération pour les anglo-saxons. Nous avons besoin des autres. Dans concurrence, il y a "courir ensemble" et non pas écraser l'autre. Nous avons donc besoin d'une éthique des affaires.

L'éthique: Selon Aristote (ήθος, éthos), pour avoir le comportement juste, il faut aussi la tenue de l'âme, travail intérieur. Le connais-toi toi-même est nécessaire pour guider l'action.

L'humanisme: il nous vient de la renaissance (Montaigne, Rabelais, Thomas More, Leonardo da Vinci, Erasme). On disait alors "faire ses humanités" c'est-à-dire, au delà de la connaissance livresque, dans le métier quel qu'il soit, il fallait donner du sens à partir de la connaissance des savoirs pour déboucher sur une philosophie de l'action. Philosophie de la connaissance et philosophie de l'action sont indissociable .

Le pneuma: selon Hippocrate et d'autres médecins de l'antiquité, c'est le souffle. L'intelligence pneumatique est plus profonde que les intelligences esthétique, hédonique, logique ... Cela correspond à la fine pointe de l'âme chez Platon et aussi au Sanatana Dharma (सनातन धर्म) de l'Inde. Il nous faut aussi retrouver l'inspiration d'une spiritualité laïque dans nos entreprises.

Tenir toutes ces dimensions est nécessaire car l'homme est pluri-dimensionnel.

En quoi sommes-nous concernés ?

L'histoire zen traditionnelle d'Hachiko nous le montre:

Le cheval vole des graines au marché, le marchand frappe le cheval qui part au galop.

-"Pourquoi galopes-tu ?" demande un passant au cavalier qui n'a pas vu la scène:
-"Je ne sais pas, demande à mon cheval" répond-t-il.

Ne sommes-nous pas emportés par les circonstances, ne devrions-nous pas apprendre à tenir les rênes de notre cheval ? Pour cela, Pierre nous suggère avec Paul Claudel de mieux connaître, en fait de co-naître. Naître avec soi, avec l'autre, avec notre travail pour donner du sens (entrer dans un processus dynamique de transformation).

Au seuil des grandes paniques financières, vous voyez que la diversité géographique et historique des sagesses humaines est bien propre à apporter à tous ceux qui s'interrogent sur "Humanisme et Profits".

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour ce discours de la passion qui se transforme en vérité pour celui qui ECOUTE, merci à Pierre Bigazzi pour son "souci des hommes et son souci de l'efficacité". Merci de transmettre des clés, je m'empresse de faire un double...
Avec mes belles pensées de Rouen, Maryse Nanot