La presse locale vient nous rappeler l'actualité des monnaies communautaires. Nantes vient d'annoncer pour dans un an une monnaie communautaire pour les entreprises de l'agglomération. Cette information envoyée par Rémy a été publiée le mois dernier.
Les caractéristiques de cette future monnaie.
Elle semble conçue sur le modèle du WIR, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une monnaie destinée à augmenter les échanges entre les entreprises de l'agglomération. Elle est portée par un organisme bancaire (Crédit Municipal) qui gèrera les comptes et les compensations. L'histoire ne dit pas si elle est "fondante" (je ne crois pas) et elle n'est pas librement convertible. Le levier est double, il s'agit de favoriser les échanges entre les entreprises de façon à ce que la valeur se réinvestisse localement en priorité. Cela concerne bien sûr plutôt le bâtiment, la restauration et les services de proximité. La ville entend toutefois associer les sociétés d'économie mixte et les particuliers ce qui serait même un plus par rapport au WIR. Il s'agit aussi d'accélérer les échanges et non de thésauriser selon une idée qui fait son chemin à savoir que l'argent ne vaut rien s'il ne contribue pas à créer de la valeur par l'échange.
Le bien fondé de cette idée.
Je l'avais indiqué, ces préceptes ont fonctionné en temps de grave crise à Wörgle et même à Nice ou ailleurs dans les années trente. C'est bien pour cela que les monnaies communautaires ont été interdites ! Désormais, les villes se ré-approprient l'idée avec peut-être des idées plus constructives de la part des services de l'Etat (à l'exception peut-être du fisc et de la banque de France !). Et c'est tant mieux car selon certains travaux de recherche, il existerait un effet multiplicateur local lié à l'emploi de ces monnaies (voir: Marie Fare, Institut Veblen in "Monnaies sociales comme outils du développement soutenable", p3). A Fortaleza au Brésil l'effet multiplicateur des "palmas" par rapport au real officiel est de 1,25 pour l'économie locale ! Suivant les commerces, les dépenses locales ont grimpé de 16 à 56%.
Ecoutez Jean-François Marquès, le créateur de la monnaie de Pézenas, qui parle très bien de sa monnaie à lui, l'Occitan:
En quoi sommes-nous concernés ?
Nous l'avons dit plusieurs fois à la suite de B Lietaer, si l'on définit la monnaie comme un élément majeur de "lien", les monnaies complémentaires, communautaires, locales ... sont sans doute à la fois un facteur de renforcement de l'économie locale et un facteur de création de lien social. Les gens ont besoin d'échanger pour vivre et le faisant localement, on n'est pas à l'abri, de surcroît, de créer de la bonne humeur et de l'envie de vivre ensemble ! Ce sont là des conditions de succès pour tout dirigeant local ou régional qui envisagerait de stimuler le développement territorial.
8 commentaires:
J'ai du mal à comprendre pourquoi utiliser une monnaie complémentaire "renforcerait l'économie locale". Par quel phénomène aurait-on plus intérêt à échanger avec une monnaie complémentaire ? Et d'ailleurs ces monnaies n'ont-elles pas fatalement un taux de conversion en monnaies officielles, taux qui alors varierait selon la force de la monnaie complémentaire ? Et ne manque-t-il pas à une monnaie complémentaire l'essentiel de ce qu'on attend d'une monnaie, à savoir la solidité et la durabilité ? Quand j'étais petit, j'amassais les billes de couleur en plâtre que nous tirions pendant la récré à l'école, j'en avais 2 barils de Dash complets, des milliers. Tous mes copains faisaient comme moi, sauf quelques uns, moins bons, qui avaient plus d'argent et alimentaient les autres en billes. Un soldat de plomb valait tant de billes, tout se monnayait en billes, et du prix de l'objet en billes dépendait le nombre de pas au(delà desquels on tirait l'objet mais on pouvait aussi l'échanger. Un jour tout s'est arrêté, ces milliers de billes ne nous intéressaient plus. Tout le monde les a jetées, seul le commerçant qui alimentait le système a dû faire grise mine.
Les expériences que vous décrivez sont intéressantes mais quelle est leur finalité ? Mans mon monde de billes il y avait le banquier, le voleur, le riche, le pauvre, le malin, le travailleur, le flemmard, la fille de joie, le curé...
Dans votre monde (décidément nous avons vécu dans le même ou ils se ressemblaient), il y avait des relations directes. L'idée de base est que l'argent n'est rien d'autre que cela: une mise en relation. La durabilité dépend de l'intensité de ces relations. J'ai été très étonné d'apprendre tout récemment l'impact local phénoménal du Wôrgl, idem partout où l'argent officiel manque.
D'accord si vous avez des euros, ces monnaies ont peu d'intérêt mais sinon, les mesures faites au Brésil montrent que les échanges économiques locaux qui ont eu lieu avec elles et qui n'auraient pas eu lieu du fait de la raréfaction de l'argent officiel dans toute une partie de la population a fait augmenter le "PIB" local de 25% ! Pourquoi ? Parce que je peux "monnayer" de façon rapide, fiable et élargie une heure de gardiennage contre un repas et deux tickets de métro. Je le pouvais avant avec mes proches, je le peux avec ces monnaies avec tout autre membre de la communauté.
Cela marche et c'est durable ! le WIR a près de 80 ans et fait transiter des milliards d'équivalents de CHF entre 60000 PME !
Convertible ? Non pas forcément.Le WIR n'est pas convertible mais on peut emprunter en WIR au tiers du taux officiel !
Risque de thésaurisation , non pas si elle est fondante !
Savez-vous que l'empire Inca qui ne connaissait pas la monnaie fonctionnait comme avec vos billes sur la base de grains de céréales ou autres ?
La monnaie n'est qu'un outil que les vrais gens doivent impérativement se réapproprier !
Merci de votre intérêt.
DC
Bonjour Jérôme,
Vous demandez pourquoi nous serions convaincus d'utiliser une monnaie locale complémentaire pour renforcer l'économie locale?
C'est aux gens du territoire de s'approprier cette question. Nous voyons quotidiennement à quel point la monnaie, les flux monétaires fuient le local pour rejoindre les sphères de la finance, de la spéculation ou comment elles sont drainées hors du tissu local pour aller rémunérer les actionnaires, les marketeux ou la communication qui sont centralisés au niveau des grands groupes.
L'idée est de créer un flux local, comme une rivière qui irrigue les commerces locaux et ne peut pas s'échapper vers des territoires pour lesquels elle n'a pas été conçue. C'est une forme de protectionnisme local face à la concurrence déloyale que viennent faire un starbucks coffee ou un macdonald dans une ville traditionnelle.
La modalité la plus simple est de la rendre fondante pour éviter la thésaurisation. On peut également créer un dénivelé à l'entrée qui encourage à changer sa monnaie dans la monnaie locale (100€ donnent 105 SOLs avec 1€ = 1SOL). Cependant ce ne sont que des incentives mineurs, la vraie motivation vient d'une compréhension plus en profondeur de solidarité locale, appuyée sur un terrain de valeurs communes, nous pouvons décider de nous relier entre acteurs et de créer un circuit vertueux qui respecte la diversité des acteurs économiques.
Il n'y a pas "d'intérêt" visible au premier abord, mais il y a une vraie cohésion, cohérence avec ses propres valeurs et résilience locale qui entraîne une adhésion et une joie de contribuer à une démocratie monétaire, dans laquelle j'ai mon mot à dire.
Pour ce qui est de la durabilité, nous le verrons avec le temps. Mais les monnaies classiques ont-elles cette solidité? et cette durabilité? dollar? yen? euro? combien de crises avons nous essuyé?
J'espère vous avoir éclairé!
Bonjour Etienne,
Merci de ce commentaire et à bientôt.
DC
J'ai tout de même un certain nombre de questions sur ces monnaies.
Comment amorce-t-on la pompe si la monnaie n'est pas convertible ? On donne une certaine somme à chacun ? Et ensuite, s'il y a croissance des échanges, comment la masse monétaire en circulation augmente-t-elle ? Et pourquoi des gens ne la thésauriseraient-ils pas ? Et avec des SOL peut-on s'acheter une Audi ou de l'essence produite ailleurs, qui d'ailleurs défini ce qui peut être monnayé avec ou pas ?
En gros, je me demande pourquoi cette monnaie n'aurait pas les défauts des monnaies actuelles ? Car peut-on partager des "valeurs communes" avec n'importe qui ?
Cela dit je comprend bien les problèmes soulevés par ces sujets. Mon grand-père agriculteur a (bien) passé sa vie sans argent (il est mort en 1960). Quand il fallait "descendre à Gap" à 25 km; il y allait à pieds. Logé toute sa vie, son quotidien c'était surtout l'échange: j'ai fait une bonne récolte de pommes de terres, je les échange avec les voisins qui eux ont produit autre chose. A la fin de sa vie il a laissé simplement quelques pièces d'or longuement amassées. Jamais il n'a connu la taxe d'habitation ni la taxe foncière ni la TVA et jamais il n'a eu de compte en banque. Les monnaies locales sont censées faciliter les échanges mais comment faciliter les échanges entre des gens qui ne produisent plus rien eux-mêmes et qui par contre ont tout monétisé ? Il payent même leur eau et même pour l'air qu'ils respirent. Aujourd'hui 60% de nos dépenses sont des dépenses contraintes (assurances, impôts, loyers, crédits, énergie, abonnements, transports...), une monnaie locale servirait pour quoi ? La logique du système est d'ailleurs de nous emprisonner dans ces dépenses contraintes. J'ai bien peur qu'une autre monnaie ne soit qu'un palliatif, c'est la manière de vivre qui ne va pas et comme je l'ai déjà dit ici, je crois qu'il est déjà trop tard pour changer les choses au niveau collectif, nous sommes condamnés à repriser. (:
Pour info Etienne Zoupic est le même dont je parlais dans un billet précédent, il voudra peut être répondre. Ce qui me convainc de l'importance de cette idée ce sont deux cas. D'abord celui de Wörgl dont j'ai parlé dans mes premiers billets. 60% des habitants étaient chômeurs non indemnisés. Certes Wörgl était un gros village donc à la campagne. Eh bien ils ont tout auto-produit les routes, les bâtiments, la nourriture la monnaie locale était garantie par la monnaie officielle et les gens pouvaient payer leurs impôts locaux ainsi ... et les commerçants l'acceptaient. Cela ne règle pas tout et n'empêche en rien d'avoir d'autres monnaies cela réintègre localement les gens qui ont quelque chose à échanger mais plus d'argent.
Deuxième cas, le WIR: 60000 PME suisses échangent entre elles et se prêtent entre elles à taux préférentiels via cette monnaie crée en même temps que celle de Wörgl.
Beaucoup de dépenses sont il est vrai contraintes et il en reste qui ne le sont pas. Cette monnaie est élective l'acceptent ceux qui veulent ... A Nantes les parkings, la piscine, les services municipaux devraient l'accepter. On retrouve simplement les principes de base d'échanges maîtrisés.
On peut rendre la monnaie "fondante" c'est à dire qu'elle se déprécie automatiquement plus on la garde longtemps et faire ainsi échec à la thésaurisation. Pour faire une comparaison rugbystique, il s'agit de favoriser le jeu de passes au détriment de la conservation stérile du ballon pour empêcher l'autre de jouer !
Je ne comprends pas non plus le but d'une monnaie locale qu'on se passerait comme une patate chaude sans quoi elle ne vaut plus grand chose, ce qui en plus se passe sur notre dos, et qu'on ne peut pas échanger contre des devises "stables" si on n'a pas besoin de les dépenser.
Oh ça pousse sans doute à la consommation, mais comme toute devise se dévalue à part peut-être l'or, non vraiment je vois pas l'avantage d'entrer dans un système d'où on ne peut pas sortir. On en a déjà un, non?
Le seul incentive à l'utilisation d'une monnaie "complémentaire" serait justement de filer un intérêt à (très) court terme au lieu de dévaluer la monnaie, genre que les gens en reçoivent plus pour leur argent, au lieu de toujours leur en enlever. Un bonus quoi, ça nous changerait et ça, c'est bon pour le commerce et le moral :op
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