jeudi 12 janvier 2012

Michel Onfray sur le capitalisme de Gulliver

Aujourd'hui permettez-moi de vous dire un petit mot du philosophe Michel Onfray qui m'est resté sympathique malgré les joutes médiatiques stériles concernant le Freudisme dans lesquelles il s'est laissé entraîner récemment. Dans cette courte vidéo, il soutient de façon pragmatique une certaine forme de capitalisme qui recoupe à la fois la réalité profonde de l'Entreprise et de nombreuses micro-initiatives d'aujourd'hui. 

Alors que l'actualité économique et financière a fait déferler sur nous une vague d'angoisse et de prédictions plus ou moins apocalyptiques, voici donc une posture intéressante produite à l'occasion de la publication du dernier livre d'un philosophe habitué à dénoncer les supercheries intellectuelles: Manifeste hédoniste


En résumé ...

Michel Onfray, philosophe "populaire" et médiatisé que j'ai eu le plaisir d'écouter et de rencontrer lors de mes années normandes croit en une forme de capitalisme "libertaire" capable, par ses multiples liens de lilliputiens, de ligoter le géant qui dysfonctionne aujourd'hui. Son capitalisme est à rechercher dans l'initiative personnelle, dans les coopératives, le mutualisme ... certainement aussi dans l'économie solidaire ou de Communion (ça c'est moi qui complète). C'est une véritable idée car à l'opposé de tout militantisme politique ou religieux. La simple observation montre que la vision du philosophe correspond d'une part à l'origine et à la genèse du capitalisme que nous connaissons et d'autre part au mouvement naturel des initiatives humaines.

Il est intéressant que ce soit Onfray qui la diffuse. A la fois homme de gauche, vraiment issu du peuple, enseignant-philosophe à succès, ni financier, ni économiste, Michel Onfray était simple prof de lycée technique qui a quitté le confort de son statut protégé pour devenir le chef d'entreprise de la PME-Michel-Onfray ... qui marche bien et qui fait des envieux. Des centaines de milliers de livres vendus et depuis neuf ans, chaque semaine, 5 à 600 personnes dans un amphi pour entendre parler philo et souvent de philosophes totalement inconnus (à l'université populaire de Caen). Vous connaissez beaucoup d'hommes politiques qui seraient capables de tenir des meetings de 500 personnes toutes les semaines pendant 9 ans ? Je l'ai déjà dit, nos contemporains sont à l'écoute, ils recherchent quelque chose d'autre ...

L'importance du discours catastrophiste:

Je rendais compte le mois dernier de divers discours qui présentent un constat souvent juste et devenu évident depuis:
  • la crise des subprimes en 2008, 
  • la crise des banques et la première récession qui s'en sont suivies,
  • l'accentuation des déficits publics depuis lors doublée d'une très faible croissance du PIB, 
le tout aboutissant désormais:
  • à la crise des dettes souveraines, 
  • de nouveau à la crise des banques, à l'augmentation du coût du crédit et à sa raréfaction pour les PME et les particuliers et à une nouvelle récession
  • et enfin à la crise de l'Euro qui n'a pas été accompagnée le pilotage politico-monétaire ad hoc,
  • et possiblement à une profonde Dépression.
Ce discours constitue la suite "pendulaire" logique des paroles toujours déçues: celles de la classe politique européenne et française (j'ai évoqué par exemple dans ce blog la régularité avec laquelle C. Lagarde s'est trompée), celle des économistes "officiels" très sollicités par les média et proches de grands groupes comme ceux qui forment  le Cercle des Economistes ...

Puis vient en contrepoint de ces discours destinées à garder les populations "en ligne", la voix de ceux-qui-avaient-prévenu. Du coup, ils apparaissent à pas mal de gens respectables comme de nouveaux prophètes, parfois à leur corps défendant d'ailleurs. Leurs analyses et leurs dénonciations doivent autant à la justesse de leurs constats qu'à la permanence de leurs idées fixes.... Il m'est arrivé de m'indigner d'affirmations catastrophistes aussi délirantes dans le pessimisme que l'étaient les officielles dans l'optimisme. Paul Jorion disait par exemple: "le capitalisme est mort, c'est un cadavre ..." sans faire vraiment l'effort d'expliquer son point de vue dans les grands média. Du coup, le débat perd beaucoup de son intérêt.

Entre les deux discours, la grande majorité des "acteurs" économiques, salariés, patrons etc ... subit à la fois les conséquences des crises et le chaud et froid de débats qui n'aboutissent qu'à laisser:
  • une impression d'incompétence (personne ne sait vraiment), 
  • de confusion (comment démêler un sens dans toutes ces oppositions mystérieuses)
  • de fatalité et d'impuissance (personne ne peut rien), 
  • de complot (les puissants confisquent tout à leur profit), 
  • de découragement (à quoi bon), 
  • de ressentiment (certains s'en sortent très bien malgré tout),
En quoi ceci nous concerne-t-il ?
Les excès actuellement cruellement ressentis de ce que l'on a nommé "libéralisme" ou "financiarisme" ont des effets violents sur l'économie en général, ce qui suscite un peu partout un rejet violent compréhensible. Le communisme, tout aussi violent, avait auparavant  radicalisé, lui aussi, le débat. De sorte qu'il n'existait rien entre capitalisme mortifère et communisme rayonnant idem si les adjectifs sont échangés. Nous sommes-là dans un grand classique de la pensée occidentale du "tiers exclu" ... de la "France coupée en deux", du "bouc-émissaire" ...
Le dualisme actuel entre optimisme officiel et catastrophisme nous renvoie donc nettement à ce néant, ouvrant la porte à des discours défaitistes et obscurantistes relookés. Et pourtant de nombreux acteurs économiques ont des idées, des envies, des projets. C'est justement dans l'entre-deux de ce débat stérile qu'apparaissent actuellement les transformations discrètes génératrices de nouvelles pousses. La position de Michel Onfray recoupe cette conviction, c'est pour cela que je le cite à nouveau. Produire ensemble de façon compétitive et agréable peut entrer dans les visées jubilatoires du philosophe hédoniste mais aussi dans le pragmatisme du chef d'entreprise. Et c'est justement ce qui se passe dans une PME qui marche bien.
Pour le philosophe donc, le capitalisme a toutes ses chances de "faire le métier" comme disent les journalistes de "L'Equipe" car il l'a toujours fait même quand il ne savait pas qu'il portait ce nom-là. J'ajouterais ... pourvu qu'on puisse lui conserver une partie de l'épargne disponible pour son développement (c'est à cela que doit servir la Finance) et qu'on laisse espérer et prospérer ceux que l'on n'invite pas souvent à prendre part au débat (c'est à cela que pourrait servir au moins une partie des media) ...

Réseau et transformations discrètes

Je vous livre cette opinion  parce qu'elle témoigne, selon moi, d'un changement subtil du réseau des opinions qui se transforme en profondeur et discrètement et grâce auquel il reste permis d'espérer. Un personnage, comme Michel Onfray sans être économiste, est cependant placé sur un "noeud" intéressant et d'une certaine importance car il est à la fois dans le réseau sous-jacent qui bouge discrètement et très visible dans les médias superficiels. Et il propose une vision simple (étonnant pour un intellectuel français) que l'on retrouve chez de nombreux acteurs économiques: "je ne comprends rien au méga-système de Gulliver mais moi lilliputien, je peux et je dois agir ..."

La grande nouveauté, c'est que ces options lilliputiennes ont aujourd'hui la faculté de s'agencer assez vite en réseaux hors des centres de décision classiques. L'université populaire de M. Onfray est devenue une référence hors du système universitaire classique, comme le micro-crédit finance les projets des plus pauvres hors du système bancaire, comme les villages aux pieds nus de Bunker Roy s'organisent pour vivre et produire hors du système étatique indien ...Je crois même pouvoir prédire selon mon observation actuelle en France qu'à mesure que leurs budgets s'amenuisent, élus locaux et (fait nouveaux) représentants locaux de l'Etat deviennent attentifs à ces petits changements qui prennent forme sous leur nez....

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