samedi 9 mars 2013

De la pensée accompagnante au retour des stratégies de rupture

http://www.autrerive.org
L'enfer est pavé de bonnes intensions dit-on. Voici une courte illustration de ce phénomène dans nos sociétés modernes ... en fin de vie. Le point de départ est une bonne vidéo de témoignages élaborant ce qu'est "l'accompagnement" dans le domaine de l'éducation. 

Cette vidéo et mon commentaire sont tirés d'un excellent blog que je suis de plus en plus régulièrement, celui de Bernard Lamailloux qui se consacre à l'enseignement et à la formation en y introduisant une foule d'astuces de présentation et d'accroches:


Le contenu:

L'accompagnement est une manière non d'imposer mais d'orienter et de responsabiliser l'élève. Nous sommes d'accord et il n'y a rien à redire à ces témoignages dans leur contexte.

Zoom arrière:

Extraits de mon commentaire volontairement un peu décalé sur le blog de Bernard Lamailloux:

"...(il) existe un autre aspect que bénéfique à cette volonté d’accompagnement généralisée … Et pas seulement en pédagogie. Ce mot figure en effet en très bonne place dans le très pauvre vocabulaire de la novlangue « soft » et positive qui préfère caresser que heurter. Or cette langue « soft » devient vite soit inopérante à force de mollesse et de normalité mièvre soit le refuge du stratagème. Celui-ci est dit « d’influence » quand il reste bienveillant (comme dans ce que propose la vidéo). C’est comme cela qu’opèrent certaines thérapies.

Le stratagème devient « manipulation » quand il est négatif. C’est comme cela que fonctionnent les escroqueries, je vous ferai part de la sortie d'un prochain livre sur le sujet. Il est donc important de rester vigilants.

Tout le monde accompagne désormais tout le monde : les profs accompagnent les élèves soit et … les services sociaux accompagnent les familles en difficultés, les collectivités locales accompagnent les entreprises qui s’installent sur leur territoire, les sponsors accompagnent les organisateurs d’un événement, les investisseurs accompagnent les créateurs d’entreprises, les fournisseurs accompagnent leurs clients … L’armée française accompagne le Mali. Et le Président accompagnera le gouvernement qui accompagnera les ministères qui accompagneront les citoyens … Le futur pape, en bon pasteur, accompagnera sans doute le reste de son troupeau de croyants. Bientôt on dira que les flics accompagnent les prévenus en garde à vue !

A force de s’accompagner ainsi les uns les autres, il serait utile que, la main dans la main et avec la plus parfaite bonne foi et la plus grande bienveillance, nous nous demandions vers où nous nous accompagnons tous ainsi !"

En quoi sommes-nous concernés ?

Tous accompagnants ou accompagnateurs donc, pourquoi pas ? A condition que les rôles et le cap soient clairs car si les mots changent, les réalités, elles, demeurent." Or les réalités ne peuvent toutes tolérer longtemps une attitude seulement positive, seulement bienveillante, seulement douce. Pour l'instant nombre de violences restent souvent encore sous les seuils du radar ... Seulement à long terme, la bienveillance sans la vigilance conduit à l'illusion de l'adaptation.

L'accompagnement du changement est un de ces mots-valises que j'ai côtoyés voire utilisés professionnellement. Or la réalité peut devenir brutale et l'accompagnement "soft" devenir illusoire. Cette pensée de l'accompagnement des crises en douceur est au pouvoir depuis des décennies. Par exemple à propos des choix budgétaires, parfaite illustration d'une politique d'accompagnement: augmentation classique des impôts ; économies de dépenses, c'est classique, insuffisant et jamais fait. Le tout doit se résumer à un peu moins de dépenses pour un peu plus de recettes et ainsi contenir (sans la diminuer donc sans rien résoudre) l'inflation des intérêts de la dette. Un peu plus d'une solution qui n'a jamais marché. Or que commence-t-on à entendre timidement ? Ne faudrait-il pas tout simplement abandonner certaines missions de l'Etat ? Autrement dit couper dans le vif ! Pas seulement accompagner: rompre enfin !

Pour finir, j'ajoute avec respect que la photo du début est tirée d'un site dédié à "l'accompagnement de la fin de vie" et je vous propose de méditer la devise de ce site:

« Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères pour l’homme ce n’est pas la mort,
mais la crainte de la mort ? » Epictète (50 – 125 après J. C.)

4 commentaires:

Bernard Lamailloux a dit…

Bonjour et merci pour votre commentaire et le lien sur mon blog. J'ai parfaitement à l'esprit la teneur de notre discussion autour de la notion "d'accompagnement", et de toute la tartufferie qu'elle peut receler à l'occasion. Pourquoi ne pas consacrer d'autres articles sur le sujet ? Après la série des "Dix mots pour l'Éducation", nous pourrions créer "Les 20 mots de la novlang".
C’est parti… Pour le 2e mot, je propose « Accueil ».

Unknown a dit…

Bonjour,

J'étais venue sur ton site en cherchant des informations sur Steven Vromman et je me suis arrêtée sur cet article qui parle de l'éducation et des mots qui devraient y être rattachés.
Accompagner, c'est pour moi être côte à côte, pouvoir s'enrichir l'un de l'autre afin que l'information reste toujours vivante, innovante. Il est extrêmement sclérosant de n'être plus en curiosité, en questionnements sur nos connaissances que ce soit pour le maître ou l'élève car notre particularité en tant qu'être humain est de rechercher l'évolution pour soi et l'espèce. Je pense que le livre de Carl ROGERS "La liberté pour apprendre" convient parfaitement à ce vocable.
En ce qui concerne l'économie, j'entends ce que tu dis mais je ne peux pas y adhèrer pas car je me refuse à trouver des solutions de rafistolage avec les moyens qu'on veut bien me laisser. Je considère cette situation illogique.
Je te souhaite une bonne journée
Françoise

Grace Bailhache a dit…

Bonjour Didier,

Voici un article sur lequel il y'aurait tellement à dire, parce qu'au fond il me renvoie à l'usage que je peux en faire, et au quiproquo que cela peut parfois générer en effet. Je crains en effet que face à un objectif à atteindre, l'accompagnement "soft" n'atteigne très vite ses limites et j'en ai en effet fait les frais. Mais c'est la règle du jeu, savoir accompagner c'est aussi savoir être réaliste et direct au moment adéquat, et il semble que la tendance actuelle soit davantage au déni. Enfin, vue de ma fenêtre.

Grace

Didier Chambaretaud a dit…

@ Bernard, excellente idée que les 20 mots de la novlangue. Reparlons-en.
@Françoise, merci pour ce message, beaucoup de gens passent me font part de leurs idées après ou par mail sans oser répondre. Carl Rodgers a en effet beaucoup fait dans le domaine de l'accompagnement thérapeutique. D'emblée, j'avais accepté ce type d'apports bénéfiques ainsi d'ailleurs que les propos des profs et pédagogues que Bernard interviewe. Mon propos concerne certes l'économie mais aussi la Société tout entière qui trop souvent se paie de mots au profit (caché) de ceux qui ne veulent pas changer mais consentent à l'accompagner. L'idée que j'avance c'est que ces mots "softs" sont aussi les nouveaux faux nez du conformisme. La difficulté est de trier, comme toujours et de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Concernant S Vromman, je reparlerai de lui dans un blog plus spécialisé prochainement.
@Grace bienvenue, n'hésitez pas à proposez vos remarques plus longuement.