mercredi 29 décembre 2010

Famille Baronnet: une maison autonome

Après mon billet sur Serge Latouche, je voulais partager l'expérience désormais assez connue de la Maison Autonome de Patrick et Brigitte Baronnet car c'est l'occasion de montrer que l'on peut passer de la théorie à la pratique. Evidemment tout ceci nous éloigne un peu de l'atmosphère consumériste des fêtes de fin d'année...
Nous avons fait le déplacement à Moidon-la-forêt en Loire Atlantique près de Chateaubriand et de Louisfert (patrie du poète René Guy Cadou) en Septembre 2009. Nous avons passé une journée comme les gens que l'on voit sur le film et une journée seuls avec les Baronnet et un autre couple. Comme vous le savez désormais, j'aime bien présenter des personnalités ou des sujets que je connais personnellement. C'est donc le cas ici. Voici la vidéo:


Brigitte et Patrick Baronnet
La maison de Patrick et Brigitte est relativement modeste mais dispose de l'essentiel du confort "moderne" en tous cas de plus de confort que celle de la plupart de nos grands parents. Ils sont un peu devenus des "stars" mais ce n'est aucunement du bidon. Il y a  chez eux une sincère jubilation à expliquer l'éolienne, les capteurs solaires, le traitement de l'eau, le potager, le compost, les toilettes sèches et la lessive et un authentique sens de l'accueil. Et vraiment, ils illustrent parfaitement ce que j'entends par: "le Dire et le Faire !" Par parenthèse, tout ce que le film présente fonctionne au quotidien et a permis de faire vivre une famille composée de 6 personnes. Seulement ce qu'il faut comprendre c'est que Brigitte et Patrick ont totalement changé de vie et ont fait tout cela presque seuls. Certes, ils ont acheté  une petite maison rurale (presque en ruine), des  aménagements et fait appel à des artisans ou à des voisins. pour réaliser des agrandissements ... Mais leur maison et ses aménagements ont coûté si peu cher parce que pendant 35 ans ils ont tout appris et tout fait eux-mêmes. Ce temps est un très gros investissement. Mais le défi environnemental ne va-t-il pas nous demander ce niveau d'investissement justement ?
Détails: 
La lessive de cendre fonctionne très bien. Laurence, mon épouse, a repris la recette de Brigitte . Nous n'achetons pratiquement plus de lessive chimique du commerce. J'ai même écrit un petit livret sur ce sujet si cela vous intéresse ... Par contre, je ne me lave pas souvent  les mains à la cendre directement car je trouve que cela laisse des particules noires au coin des ongles ! Tout ce qui est montré par ailleurs dans le film est possible et le terrain des Baronnet ne fait que 3000 m2 et n'en comptait que 1500 à l'origine !
C'est à notre porté:
Alors certes, tout le monde ne vit pas à la campagne mais ne vivons-nous pas dans un grand pays vide  ? Ce n'est peut-être pas applicable tout de suite car il n'y a aucune solution en kit. Il faut se donner le temps et les moyens d'apprendre et de faire. Mais n'est-ce pas justement le meilleur moyen de se changer ? Cette listoire totalement vraie de parisiens devenus autonomes en milieu rural et qui ont élevé 4 enfants sans jamais se couper de la civilisation ni de la culture, bien au contraire est une source d'inspiration ! Aucune histoire de secte ici mais un militantisme écologiste pragmatique de la première heure qui a donné un vécu vrai et vérifiable et qui produit des effets concrets comme le dirait M. Onfray car des milliers de gens viennent en effet s'en inspirer pour changer un peu ou beaucoup une vie qui les déçoit ou leur coûte trop cher.
Une entreprise de transformation des esprits:
Pour moi, Brigitte et Patrick Baronnet sont de vrais entrepreneurs. Ils ne se contentent pas comme tant d'autres de dénoncer la fonte des glaces, ils agissent au quotidien et de ce fait transforment peu à peu les modes de pensée de leurs contemporains. Ils sont d'authentiques acteurs d'une transformation silencieuse ! Nous verrons plus tard à publier une interview exclusive de Patrick Baronnet sur la duplicabilité de son expérience.
Pour en savoir plus, allez sur le site d'Eole ou lisez le livre de Patrick: De la maison autonome à l'économie solidaire.

dimanche 26 décembre 2010

Serge Latouche sur la décroissance ou l'a-croissance conviviales

Chers amis, je sais que nombre d'entre vous ne me suivront pas sur le terrain de la décroissance. Pourtant, pourtant ..., comment ne pas se poser des questions ? Tim Anderson nous le disait déjà dans un autre billet: nous ne nous occupons pas de ce qu'il faudrait et nous courrons après une croissance devenue impossible (non-soutenable) !
En Francophonie, l'un des premiers à avoir mis le doigt sur cette impossibilité majeure est Serge Latouche. Il est économiste et philosophe et spécialiste des rapports économiques et culturels Nord-Sud et de l’épistémologie des sciences sociales. Voici une première vidéo qui répond bien à la question de "Elève des mots": est-il possible de développer les pays pauvres sans y perdre notre niveau de vie ?

La seconde vidéo est déjà un peu ancienne (2005) mais elle fait bien le tour de la question sous l'angle de ce qu'il a depuis nommé: la décroissance conviviale. Cette thèse est décriée mais est-elle connue ?

La décroissance par Serge Latouche
J'entends déjà les sarcasmes que l'on adresse volontiers aux décroissants: "avec ce raisonnement, on va tout droit retourner aux cavernes !" ... Franchement, je ne le crois pas, je pense même que le changement obligatoire de mentalité et d'activité qui s'annonce pourrait être riche d'opportunités matérielles parce qu'il va falloir repenser nombre de nos infrastructures de vie et de production et surtout la qualité de nos liens sociaux.
Si cette thèse vous semble utopique, attendez mon prochain billet, je vous parlerez d'authentiques décroissants, biens dans leurs bottes ! Et pour ceux qui aimeraient en savoir un peu plus, je conseille de Serge Latouche: le Petit traité de la décroissance sereine

vendredi 24 décembre 2010

Artur Potts Dawson: des restaurants durables !

Je voudrais vous souhaiter une excellent Noël si possible en famille comme nous qui sortons d'un restaurant classique et cela m'a donné l'idée de vous parler aujourd'hui de restauration ...
Cela faisait quelques temps que j'avais laissé de côté, provisoirement, l'inspiration de TED. Voici une conférence tirée de TEDGlobal 2010. Artur Potts Dawson est un Chef anglais, tout arrive ! Il ne nous parle pas ici de nourriture mais d'aménagement de restaurants bio ou verts ou durables comme vous voulez. Voici sa vidéo:

Dès que Mélanie (ma fille) aura fini de corriger la traduction, je réinstallerai la vidéo avec les sous-titres français car pour l'instant ils ne sont pas disponibles sur TED.com. Pour l'instant, si vous voulez lire les sous-titres anglais (ou bulgares ou coréens ...), vous cliquez en bas de l'écran vidéo sur "subtitles".
Je ne sais pas vous, mais moi, si j'étais restaurateur et étant français qui plus est, je me dirais qu'il y a là une idée à creuser. Il s'agit de restaurants mettant en place et en scène le maximum d'éléments le rendant autonome (recyclage déchets, aménagements recyclés, eau, énergie, cultures, bio-compost ...). Comme quoi la crise et la prise de conscience écologique peuvent créer de nouvelles opportunités d'affaires !

jeudi 23 décembre 2010

Marcel Gauchet sur les frustrations démocratiques

Lorsque l'on s'intéresse au Développement économique, la question de la démocratie est régulièrement posée. Je vous propose de faire un détour par le travail de Marcel Gauchet dont c'est justement le sujet de réflexion à l'heure où tant de gens désespèrent à cause de la crise et de l'affaire Wikileaks. Comme toujours, je vous propose  une petite vidéo puis un commentaire mais cette fois, je commence par une petite application de la "pensée en réseau" réalisée avec le logiciel FreeMind en guise de résumé:

Ceci est un exemple simple de traitement d'un discours sous la forme d'un graphe en réseau que j'ai déjà évoqué à propos d'Eric Berlow. Il est tiré de la courte la vidéo ci-après:

Que nous apprend Marcel Gauchet ?

Structurellement, la démocratie se réinvente sans cesse. Ce processus immanent (ici et maintenant et pas au ciel) est instable et frustrant. La crise économique actuelle déclenche une crise politique en vérité pour l'instant silencieuse. Mais pour reprendre ce que nous disions à propos de François Jullien, c'est aussi à une transformation (silencieuse) majeure que semble appelée la démocratie libérale. Les dérives financières, l'affaire wikileaks ... appellent de nouvelles règles ... désormais planétaires. Le pouvoir politique des Etats semble bien incapable de répondre à cette attente mais la démocratie "consumériste" dans laquelle nous vivons encore semble soudain vidée de sens, la vie politique n'y a jamais été autant "désenchantée". Pour retrouver M. Gauchet, je vous suggère un blog spécialisé et son dernier ouvrage qui vient de sortir:
L'Avènement de la démocratie : Tome 3, A l'épreuve des totalitarismes 1914-1974

Pourquoi est-ce important pour l'action ?

Le philosophe ne s'aventure pas à dire ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Il nous rappelle que ce qui se passe est dans la nature de la démocratie et ce qui nous fait si peur ou qui fait crier certains si fort est finalement dans la nature de ce système. Cela veut dire que nous avons notre avenir entre nos mains ! Mais avons-nous collectivement et individuellement les capacités, le courage et l'énergie de relever le défi ?
Pour une réflexion plus technique sur les dessous de wikileaks et de la finance, je vous signale l'article de Paul Jorion .

mercredi 22 décembre 2010

La micro-finance s'organise, l'exemple de PlaNet Finance

J'ai ouvert une série de petits flashes sur le micro-crédit parce que cette démarche issue des pays les plus pauvres est porteuse d'espoir même en Europe à l'heure où l'on désespère à juste titre de la finance mondialisée.
Mais n'ayant jusqu'ici proposé que des références anglophones, notamment avec une vidéo de M. Yunus et un reportage de la télévision indienne et toujours dans l'incapacité de proposer un doublage, voici un petit film sur PlaNet Finance, cette ONG dirigée par Jacques Attali. Il présente en français ce qu'est le micro-crédit et aussi des outils au service de la micro-finance:
PlaNet Finance - Film institutionnel 2009


Je reste convaincu que ce type d'initiative est la meilleure réponse à la crise financière et à la déprime générale. Pour aller plus loin, découvrez l'ouvrage de Jacques Attali: Voyage au coeur d'une révolution : La microfinance contre la pauvreté

lundi 20 décembre 2010

Micro-finance: un moyen pour une fin !

Mon dernier billet sur la micro-finance a attiré des visiteurs et quelques remarques. Merci à vous, cela montre que ce blog est un peu lu et que les sujets développés ne sont pas si confidentiels après tout ! Voici donc un petit reportage en Inde qui donne un état des lieux qui me semble assez équilibré du micro-crédit:

Le succès initial du micro-crédit ne se dément pas. Ce reportage reconnaît l'effet bénéfique de cet instrument innovant qui est une sorte de moyen de démultiplier les circuits de distribution du crédit pour les mettre à la disposition des plus pauvres. Seulement au départ de la Grameen Bank, il y avait un homme, M. Yunus, à la fois personnellement capable de garantir les prêts lui-même, suffisamment riche lui-même pour ne pas être tenté de puiser dans la caisse, compétent et réellement voué à aider les autres.
Pour aller plus loin je vous propose de lire: Vers un monde sans pauvreté
Vous noterez au passage, qu'il s'agit de procurer à ces micro-entrepreneurs un complément de "working capital" afin de leur permettre d'investir dans leur propre activité. Il ne s'agit donc pas de prêts à la consommation.
D'autres ont imité son succès sans avoir ces caractéristiques. Ainsi certaines "MFI" (Micro-Finance Institutions) se re-finançaient auprès des banques ce qui explique dans ce cas des taux d'intérêt excessifs et étaient mal gérées d'où au final les situations dramatiques décrites dans l'article de la BBC auquel je réagissais Samedi. 
Autre élément de concurrence pour les MFI: les "Self Help Groups". Ces associations mutuelles de femmes peuvent ouvrir des comptes en banques et recevoir des dépôts ce qui leur permet de proposer des crédits à de meilleurs taux. Pourquoi faudrait-il s'en plaindre ? Nous sommes-là au contraire au coeur du système bancaire originel: l'argent est mis en commun pour des utilisations de proximité dont les femmes sont les garantes. On y développe le Business ET le lien social. Ce système est actuellement encouragé par le gouvernement et par les banques commerciales classiques.
Ce sont les femmes qui empruntent et remboursent ce qui leur donne un rôle important même si elles n'ont pas pour autant un droit de regard dans les activités de leurs maris.
Le dernier intervenant nous ramène à la sagesse: la Micro-finance est un moyen au service d'une fin mais cela ne suffit pas pour éradiquer la pauvreté, il faut aussi du travail, de la compétence et du savoir. La grande presse a certainement trop monté en épingle ce phénomène qu'il faut cependant soutenir. Et lorsque certaines MFI commettent des erreurs, on voudrait  tout remettre en cause ?
Non. comme je l'ai déjà écrit, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Et de plus, à l'heure où la crise financière ne s'éloigne que pour les banques ... et que les émules de Cantonna voudraient tout mettre à bas, je trouve que le micro-crédit nous renvoie une image saine de ce à quoi peut et doit servir la finance, y compris chez nous: mutualiser pour investir dans des activités productives de richesses et de lien social.

samedi 18 décembre 2010

Micro-crédit : Yunus plutôt que la BBC !

Pour une fois, je m’essaie ici à produire une réaction personnelle directe à un article qui m’a été transmis sur l’un des sujets auxquels je crois et qui se trouve injustement traité.
Dénonciation d’un mauvais amalgame :
L’article de la BBC est en lien dans le résumé ci-après. La photo ci-dessous en est tirée:
La déprime ambiante qui fait bon ménage avec les tendances naturelles de la grande presse ne touche donc pas que la francophonie.
Profitons-en pour faire une analyse sérieuse de l’information donnée.Faut-il se prémunir contre le micro-crédit ? Ou le réguler ? De quoi parle l’article ?
Un certain nombre de suicides ont eu lieu en Inde de la part de gens sur-endettés. Pas de statistiques mais quelques très tristes histoires individuelles. Ces villageois se sont modestement endettés pour des dépenses (santé,  éducation, logement) qui, toutes, viennent essayer de remédier à une lacune des autorités du Pays ou de l’Etat concernés. Ces sommes sont modestes pour nous (d’où certainement la comparaison avec le micro-crédit) mais représentent beaucoup pour ces personnes pauvres qui ont préféré se suicider … Et de conclure à la nécessité de se méfier du micro-crédit !
Regardons de plus près : l’article nous dit qu’il s’agit en moyenne de dettes de 660$ pour des revenus annuels de 1060$. Supposons que l’endettement soit pris sur 4 ans cela voudrait dire une charge de remboursement de l’ordre de 220 à 250$ compte tenu de taux d’intérêts de plus de 20%.
Ces familles sont dans les limites « acceptables » habituellement par nos banques et sociétés de crédit (environ 30 à 33%). Ces taux d'intérêt sont excessifs pour une inflation indienne inférieure à 6% l'an mais, toujours selon cet article, ils sont inférieurs de moitiés aux taux pratiqués par les prêteurs locaux traditionnels au sujet desquels je vous conseille de revoir le film tiré du roman de Roland Roffé « la cité de la joie » pour apprécier les méthodes de recouvrement …
L’article précise aussi que vraisemblablement, ces prêts ont été agressivement proposés par des commerciaux qui n’ont pas vérifié si les familles pouvaient rembourser. Tiens, amusez-vous à visionner le sketch de Sillig sur le vendeur de voitures (la partie crédit arrive à la fin !). C’est un problème très connu en Europe, le Cetelem et d’autres sont en effet à l’origine de beaucoup de dossiers de surendettement et pourtant ce ne sont ni des usuriers, ni des sociétés de micro-crédit !
Qu’est-ce que le micro-crédit en réalité ?
Il s’agit de très petits crédits d’équipement remboursables rapidement pour permettre à un artisan d’amorcer son activité. Mohammed Yunus, économiste et créateur de la Grameen Bank et prix Nobel de la paix en 2006, a commencé ce système au Bangladesh en finançant  par exemple à un pêcheur l’achat d’un filet pour 20$ ! Cela permet à une famille de se nourrir. Et vous savez-quoi ? Cela fonctionne car si vous mettez un filet dans les mains d’un pêcheur dans un endroit où il y a du poisson, il pêche ! Sous réserve qu’il puisse monétiser un léger surplus, le filet est vite remboursé !
Je n’ai pas encore trouvé le moyen de traduire cette vidéo, mais je vous demande de noter au moins les données suivantes :
1.       Les bénéficiaires n’ont aucune autre façon de financer le premier $ de leur investissement.
2.       Tous les prêts sont garantis par des dépôts à 100%.
3.       98% des prêts sont remboursés sans retard.
Rien que cela devrait nous amener non pas à tout jeter en bloc mais à concevoir des systèmes financiers efficaces et respectueux des liens sociaux comme l’est le micro-crédit.
Mais le plus fascinant, c’est qu’alors que M. Yunus, cherchant à s’appuyer sur les banques existantes a été obligé de garantir personnellement les premiers crédits afin de prouver la validité du modèle, les banques traditionnelles ont encore refusé de reformer leurs idées préconçues. C’est ainsi que naquit la Grameen Bank ! Et si ce dont nous manquions, y compris en Europe, ce n’était pas tout simplement d’ouverture d’esprit et de courage pour faire confiance à ceux qui ont besoin de se nourrir ? Pour aller plus loin, je vous conseille de M. Yunus: Vers un nouveau capitalisme
En quoi cela nous concerne-t-il aussi ?
L’article de la BBC est donc un article superficiel qui fait un amalgame entre micro-crédit (plus de 300 millions de micro-crédits ont été distribués) et vraisemblablement de mauvais petit crédits à la consommation « vendus » à la sauvette à des gens modestes par de mauvais banquiers (M. Yunus les appelle "the new loan sharks").
Je réagis pour deux raisons : les inconduites de certains (à mon avis inévitables) ne doivent pas mener à de tels amalgames. Il n’est pas sérieux de jeter le bébé avec l’eau du bain. Et nous ne devons pas accepter cette défiance irrationnelle et mortifère que je lis sur de nombreux blogs qui ne savent que se plaindre sur le thème : « la crise nous lamine, c’est la faute de la finance, donc des banquiers donc d’un petit nombre de profiteurs donc l’entreprise est morte, le système capitaliste agonise et d’ailleurs la mer monte et nous ne faisons rien … ». Si pour faire échos à M. Cantona, nous retirons tous nos sous en même temps des banques nous détruirons la système mais par quoi allons-nous le remplacer ? Les plus pauvres chez les plus pauvres nous montrent peut-être une voie !
La situation est effectivement difficile, raison de plus pour soutenir les initiatives qui réussissent et qui comme le vrai micro-crédit, justement, se préoccupent sérieusement des plus vulnérables !
Pour ma part et plus près de nous (en France), je soutiens le travail que fait Ashoka.

mardi 14 décembre 2010

Van Heerden: rendre le travail équitable !

Il y avait le commerce équitable, grâce à Auret Van Heerden, il y a maintenant ce que j'appelle "le travail équitable". Ce militant d'ONG dirige la Fair Labor Association qui se bat pour que le travail mondialisé devienne peu à peu "équitable" au sein de la République de la Chaîne Logistique Mondialisée ! Il pourrait en remontrer à nos bataillons français d'Inspecteurs du Travail en matière de Droits de l'Homme appliqués au travail. Pourtant, il se bat à une échelle bien plus utile avec des moyens bien plus réduits et avec des réussites probantes ...
J'ai traduit cette intervention et je remercie ma fille Mélanie de l'avoir relue et corrigée, parce que Van Heerden, au fond, apporte deux choses, particulièrement utiles aux francophones d'aujourd'hui. Il nous donne deux leçons de pragmatisme, voici la vidéo puis mon commentaire:

1) Pourquoi perdre notre temps à stigmatiser les Etats voyous et les multinationales avides ? Le pouvoir de changer est ailleurs: il se trouve dans la Chaîne Logistique Mondiale elle-même. Comment agit-on sur elle ? En faisant la morale à tout le monde ? Non, en partant des clients qui peuvent faire pression sur les marques qui font pression sur les fabriquants qui adaptent en conséquence leurs contrats avec les sous-traitants ... Première leçon de pragmatisme !
2) Je lis et j'entends beaucoup de choses sur le mode: un petit nombre de riches bandits asservissent la planète, notre monde se meurt, nous sommes à la veille d'une révolution ... Certes mais, que faisons-nous ? Van Heerden n'a pas vécu comme nous dans le mythe de la révolution française, à la place, il a survécu aux geoles et aux tortures du régime de l'apartheid. Il regarde les manifestations modernes de l'exploitation de l'Homme par l'Homme avec l'idée de trouver des solutions utiles. Deuxième leçon de pragmatisme !
Encore une fois, des initiatives intelligentes nous viennent d'Afrique ! Je suggère que nous retirions nos boules Quiès et que nous écoutions ce que des gens intelligents ayant un vécu différent du nôtre (et ici, le vécu est lourd) proposent pour faire changer ce qui doit l'être au niveau où cela doit l'être.

vendredi 10 décembre 2010

François Jullien: la transformation silencieuse

François Jullien est philosophe, sinologue et directeur de l’Institut de la pensée contemporaine. La vidéo que je vous propose est un peu longue mais comment faire court en ce domaine ? Elle présente une conférence de François Jullien au colloque Chine Méditerranée du 5 Juin 2008 à l'école Centrale de Marseille soit un an avant la publication de son ouvrage titré: "Les transformations silencieuses". Mon commentaire ne fait suite ni à la conférence, ni à l'ouvrage mais à ma rencontre directe avec F. Jullien hier au sein d'un petit groupe d'amis dirigeants d'entreprises.

François Jullien est un philosophe de formation classique puisant aux sources grecques. Cherchant, un point d’observation en recul par rapport à la tradition grecque, il est devenu sinologue et réinterroge notre tradition philosophique mais aussi notre pensée stratégique ou managériale depuis ce point de vue différent. Il aboutit au constat majeur que l’Occident a privilégié des capacités analytiques et techniques qui lui permettent de modéliser tandis que la Chine a mieux su se mettre à l’écoute des transformations silencieuses.
Ne voulant pas paraphraser François Jullien ni tenter de le résumer, ce qui serait abusif, je voudrais juste retenir ici une application de son travail à nos activités économiques qui renvoie à deux visions très différentes de l'efficacité.

Un concept: la transformation silencieuse plutôt que l'action "bruyante".

Nos traditions philosophique et managériale nous conduisent à privilégier l’action, et même à ironiser sur les « contemplatifs » qui ne seraient pas dans l’action. L’efficacité à l’Occidentale est donc toujours plutôt locale et ponctuelle quitte à s’adjoindre des « plans d’actions » (voir des road maps !). On s’attachera, dans cette logique de l’action, à un résultat quantifiable faisant suite à une chronologie précise balisée par des événements "bruyants", symboliques et mobilisateurs. Voici deux ouvrages très représentatifs: Les transformations silencieuses et Traité de l'efficacité

A l’inverse, la tradition de la sagesse mais aussi de la politique chinoises conduisent à souligner les transformations silencieuses, systémiques et globales des phénomènes sous-jacents. Dans cette tradition de la transformation silencieuse, il s’agit de créer ou de repérer et de promouvoir  les conditions qui favorisent l’apparition de la situation à potentiel …
L’image mise en avant n’est pas celle du héros qui force la décision de la bataille  qui sauve l’entreprise de la crise ou qui marque l'essai de la gagne. L’image mise en avant est celle du paysan qui bine, sarcle, arrose et favorise la croissance de la plante, celle du sage stratège qui fait mûrir la situation avant de saisir sa chance. Deng  Xiaoping est par exemple  présenté comme l’architecte de la rénovation lente, patiente, avisée de la Chine maintenant amenée à jouer les premiers rôles…

Une conséquence : la « pensée globale » plutôt que la pensée des causalités


Adopter cette posture, c’est développer une pensée systémique, globale qui accepte la pluralité des causes et la diversité des effets et d’accueillir le flou, l’incertain. Il s’agit d’une pensée de la complexité, particulièrement adaptée selon moi à ces situations qui nous interrogent et mettent en échec notre pensée technicienne et causale. Comme illustrations, je vous renvoie pour la complexité à mon petit billet sur Eric Berlow, à celui sur G. Soros pour les crises financières et à l’intervention de Tim Ward sur les extinctions massives. François Jullien, sur ce dernier point, nous le dit explicitement: le réchauffement climatique est une transformation silencieuse. Pour nous qui en constatons les effets, c’est une crise, une rupture, une catastrophe car notre pensée analytique peine à en modéliser tous les paramètres. F. Jullien nous rappelle alors que l’idéogramme chinois pour « crise » accole deux symboles : celui qui désigne le risque et celui qui désigne l’opportunité !
 
Une recommandation : penser avec nos deux cerveaux !

L’ayant interrogé directement sur sa présentation un peu simplificatrice, François Jullien reconnaît implicitement que celle-ci est analytique à l’occidentale. Il reconnaît notamment que toute la pensée grecque n’est pas uniformément dualiste à l’image de celle de Platon et qu’il faudrait nuancer en en appelant à Héraclite, à Démocrite ou aux cyniques (j’y ajouterais volontiers Epicure et les cyrénaïques). Il accepte de dire qu’il y a des différences entre les philosophies européennes notamment entre la tradition française et allemande d’une part et les pragmatiques anglo-saxons de l’autre.  Il reconnaît aussi que ses étudiants chinois trouvent son point de vue probablement très occidental et que les chinois modernes sont par ailleurs très capables d’analyser, de modéliser et de produire industriellement  … mais là n’est pas l’important.
Nous devrions tirer du travail de F. Jullien l'enseignement suivant. Alors que les chinois ont tiré de leur précédente situation d’infériorité (une courte parenthèse de trois siècles !) un apprentissage provenant de l’Occident, ils n’ont pas oublié leur tradition des transformations silencieuses. Ce faisant, ils ont aujourd’hui la capacité d’avancer sur leurs deux jambes : la traditionnelle et l’occidentale ou, pour risquer une analogie qui ne serait peut-être pas validée par  un neurobiologiste (à vérifier !): penser avec leurs deux cerveaux !!

Contradictions (ajout du 22/02/2011):

Afin d'être le plus complet possible et pour démontrer à mes contradicteurs superficiels que je ne suis pas un "Storyteller" à la solde d'une "idéologie" particulière je vous signale incidemment un autre auteur, (un sinologue Suisse), Jean François Billeter qui s'est violemment opposé à François Jullien notamment sur la question de l'immanence dans la pensée chinoise. Ne l'ayant ni lu, ni rencontré, je n'en dirai rien. Je vous renvoie à une interview de philomag.com qui me semble un bon résumé. A première vue, la querelle ne semble en rien porter sur la question de l'efficacité, je n'enlève donc rien à ce que nous apporte François Jullien.

Une ouverture: apprendre à penser la complexité 

Là se trouve l’écart véritable:  l'avantage réel de la Chine sur l’Occident. Celui-ci est  toujours fasciné par les causalités directes, les images héroïques, les événements mobilisateurs et spectaculaires. Tout occupé qu’il est de surcroît à se culpabiliser et à se repentir ou à se fasciner pour l’exotisme des spiritualités orientales, il n’a pas encore véritablement acquis cette capacité à fonctionner en plus sur le mode des transformations silencieuses. Il ne s’agit pas de perdre nos acquis, il conviendrait de les compléter pour penser  la complexité avec nos deux cerveaux.
J’aurais donc volontiers tendance à associer ce nouveau mode de pensée à l’approche écologique de E. Berlow, à la survenance des réseaux de N. Christakis et à celle des mèmes de R. Dawkins ou de Dan Dennett dont je vous parlerai dans de futurs billets.
Pour un commentaire complémentaire de l'ouvrage de F. Jullien, je vous renvoie en outre à l'excellent blog de Michel Volle.

mercredi 8 décembre 2010

TEDx à Biarritz

Voici un court aperçu de ce qu'est un événement TED, J'ai rendu compte de celui auquel j'ai participé le 13 Novembre dernier à Biarritz. Voici maintenant une courte vidéo qui en est le "teaser":
(j'ai retiré la vidéo du blog pour éviter que l'on confonde d'autres sujets sur Youtube qui ne sont pas dans le projet de ce blog ni de TEDx. Mais si vous cliquez au dessus sur le mot "vidéo" vous retrouverez TEDx à Biarritz)
Je donnerai ici de nouveaux éléments bientôt sur TEDx, patience !

mardi 7 décembre 2010

Complexite et pensee en réseau

Afin d'être sûr de ne pas faire dans le trop simple, voici une courte intervention d'un écologiste, Eric Berlow, spécialiste de la complexité en écologie... En fait c'est simple justement !

En quelques minutes, il nous parle de l'importance de différencier complexité et complication. Il nous démontre que ce qui peut passer pour compliqué se simplifie dès que l'on applique un mode de raisonnement "en réseau". Pas de début, ni de fin, le raisonnement n'est plus linéaire, il prend en compte une multiplicité de liens mais à l'arrivé deux idées claires émergent pour un plan d'action mais sur quoi diantre ? Sur la crise Afghane en guise d'exemple ! Et si nous avions besoin d'apprendre à raisonner un peu autrement ? Voici la vidéo:

D'ici peu, je présenterai d'autres approches de cette "pensée en réseau".

samedi 4 décembre 2010

Plus de bon sens et d'éthique, moins de procédures et d'incitations financières

Je vous propose cette conférence de Barry Schwarz car elle présente une caractéristique majeure de la société complexe dans laquelle nous vivons. Toujours plus de procédures d'une part, toujours plus de bonus d'autre part finissent par remplacer et pervertir les comportements de bon sens et de sagesse. A tous niveaux, dans la société comme dans l'entreprise, le plus souvent tous et chacun ont la capacité de faire le geste juste au bon moment alors que les excès de règlements ou d'incitations conduisent à des absurdités, des erreurs tragiques et parfois même des crises financières ! Voici la vidéo:

J'aime bien cette vidéo car elle rejoint par ses exemples ce que je décrivais à l'usage des managers de services il y déjà plus de 15 ans dans "Service Rendu, Service Vendu": les employés de contacts doivent connaître la procédure et pouvoir faire des exceptions quand le contexte l'exige. Ensuite, elle nous parle de la complexité ambiante que nous ne maîtrisons plus. Enfin, elle souligne les valeurs de bon sens et de sagesse.

Ainsi par exemple, les psychologues démontrent empiriquement que vouloir "acheter" l'opinion des gens à l'occasion de décisions citoyennes est finalement moins payant que laisser s'exprimer le sens des responsabilités de chacun. Enfin Barry Schwarz propose d'enseigner les valeurs éthiques et de donner l'exemple plutôt que de chercher à inventer des procédures ou des systèmes d'incitations financières toujours plus complexes. En effet, la complexité et les mauvaises intentions ont toujours raison de ces derniers alors que le bon sens et la sagesse s'ils sont développés et enseignés ont toujours plus de succès. Comme Jacques Prévert, Barry Schwarz semble donc nous dire:

"Le monde mental ment monumentalement". 

Peut-être encore une occasion de pratiquer une forme de lâcher-prise ? Toujours plus de solutions qui ne marchent plus, ne risquent pas de produire d'effets bénéfiques.

mercredi 1 décembre 2010

Un ordinateur à 10$

Voici une information qui pourrait bien avoir un impact sur les "paradigmes" de la High Tech mondialisée comme on dit parfois. Il s'agit d'un "Ipad-like" low cost diffusé en Inde dans les écoles présenté par le ministre indien de l'éducation. Voici la vidéo:

Cette information est récente (3 mois) mais pas nouvelle. Pourtant, elle me semble importante car elle rejoint plusieurs de mes constats dans les billets précédents sur les lunettes liquides, sur les filtres à eau.... Et si un effet retour se produisait ? Et si l'occident se mettait à acheter non pas seulement ce qu'il délocalise dans le tiers monde mais aussi le produit de son innovation ? En l'état actuel, disposant des moyens d'acheter un Ipad à 500$, et à supposer que cette annonce se confirme, pourquoi nos industries feraient-elles l'effort de nous en fournir un à 10$ ? Mais si nous nous appauvrissions en terme financier par exemple à cause de la gigantesque bulle financière dont parle G. Soros et tous les média ? Une sorte d'effet retour du type du phénomène Dacia dans l'automobile mais avec plus fort impact encore.
A mes yeux, c'est une voie intéressante pour qui voudrait que l'ensemble de la planète vive dignement. Un Ipad à 7€ pourrait être utile dans nos écoles ou à nos chômeurs autant qu'aux écoliers de l'Inde.
Ce type d'initiative est peut-être une réponse
à une question qui m'a été posée à propos de Tim Jackson, :
1) la technologie existe (écran tactile, batteries, capteurs solaires, système d'exploitation Androïd ...)
2) la capacité de production à bas coûts existe à Bangalore ou ailleurs
3) l'hypothèse de prix unitaires décroissants en fonction des volumes se calcule maintenant potentiellement sur des milliards d'unités
4) la logistique et la distribution existent pratiquement partout
5) reste la gestion en occident du "paradigme shift": des produits à très bas coûts pour le plus grand nombre, cela signifierait un énorme progrès dans le tiers monde, peu de recul en terme d'utilisation dans les pays riches mais une baisse importante du revenu moyen par tête.
6) c'est ce changement qu'il sera compliqué à gérer politiquement car il est fondé sur une idée "décroissante". Si cet appareil fait pour 10$ ce qu'un Ipad fait pour 500$, il y a gros à parier que l'un remplaçant l'autre, l'impact sur le PIB sera négatif même si les volumes croissent. Impact d'autant plus fort pour les pays riches que l'on parle ici de PIB mondial qu'il faudra partager avec les pays émergents.
Si un tel pari réussissait pour ce type d'offre, d'autres pourraient voir le jour et c'est tout le rapport de force entre riches et pauvres, Est et Ouest, Nord et Sud qui changerait. Mais si en terme d'utilité nette (et non en terme de revenu par tête) le résultat était probant pour tout le monde, pourquoi pas ?
A bien y réfléchir, si ce que nous partagerions profitait à d'autres sans nous appauvrir trop, les idées de Tim Jackson et de quelques autres pourraient donc peut-être trouver une application pratique.

lundi 29 novembre 2010

Des lunettes liquides !


Voici ce qui me semble être un exemple à suivre dans un monde qui se cherche. 60% des humains ont besoin d'un certain type de correction optique soit pas loin de 4 milliards d'individus.

Hors pays développés et minorités riches du tiers monde, Josh Silver se contente de viser 1 milliard de clients en 2020 !



Josh Silver est un physicien qui devient entrepreneur à force de développer sa paire de lunettes liquides qui s'ajuste à votre vue. Son prototype vaut actuellement 19$ et il n'est guère "à la mode" mais il a l'air de rendre le service attendu.
Voilà encore un problème de développement et de qualité de vie qu'il serait possible de résoudre à l'échelle planétaire. Pas de discours dogmatique, une solution innovante et peu coûteuse . Voici son site: Centre for Vision in the Developing World

Et si par effet retour, cela venait à intéresser ceux qui chez nous n'ont plus de Mutuelle ? Si je conseillais une Mutuelle, je pense que je creuserais le sujet.

dimanche 28 novembre 2010

Frère Samuel: le terme et le management

Je salue ici le frère Samuel Rouvillois qui parle dans cette vidéo de la mort. Plutôt de la mort individuelle que de celle du monde. Frère Samuel est philosophe et théologien. Je le considère en plus comme un dirigeant d'entreprise qui est à la tête du centre de formation de la confrérie des frères de Saint Jean.
Intervenant à l'APM, j'ai eu l'occasion de l'interroger directement notamment sur sa vision du management. Homme de foi et de pensée, il n'en dirige pas moins une entreprise: la confrérie de Saint Jean que l'on connaît parfois sous l'appellation "les petits gris". C'est un ordre très actif de par le monde et très investi dans le développement du tiers monde.


J'ai retenu du frère Samuel une vision humaniste et simple du management. Elle n'est ni religieuse, ni athée (ça vous vous en doutiez). Il propose d'affronter les défis du présent en sachant que les plus de 45 ans, qu'ils soient issus d'écoles confessionnelles ou laïques ont tous reçu un "formatage" quasi-identique. Ce formatage n'est plus celui des nouvelles générations. Leurs attentes au travail et dans le monde sont différentes. Leur monde lui-même est moitié réel, moitié cyber.

Manager devient donc un exercice plus difficile où il ne suffit plus d'appliquer les leçons issues de notre "formatage". J'ai entendu les propos du frère Samuel avec les autres chefs d'entreprise qui nous entouraient comme des propos véritablement "oecuméniques" c'est-à-dire à l'usage de tous ceux qui ont des responsabilités indépendamment de leur foi. Son conseil tel qu'il m'est resté est de tout simplement faire l'effort d'être vraiment "présent" à l'autre !
Réfléchissons à toutes les raisons que nous avons de ne pas être vraiment là quand le "managé" prend la parole: intérêts contraires, pression de l'image dedans et dehors, intentions politiques, règlementation qui s'insinue partout, dogmes syndicaux ou patronaux, pression des résultats ... Réalités mais aussi écueils qui ne peuvent longtemps excuser l'absence du "manager".

samedi 27 novembre 2010

De l'eau propre partout !

Cette courte vidéo de l'ingénieur Michael Pritchard nous présente un système de filtration portable révolutionnaire.

En cas de catastrophe ou dans des zones particulièrement mal pourvues en sources d'eau potable, cet objet peu coûteux permettrait à des centaines de millions de gens de survivre et d'enclencher un cycle de développement positif.

Le procédé permet en effet de filtrer non seulement les plus petites bactéries mais aussi tous les virus. L'eau ainsi produite est donc totalement stérile mais propre à la consommation.

vendredi 26 novembre 2010

Dan Gilbert sur l'incapacité à estimer la valeur

Cette seconde vidéo de Dan Gilbert renvoie aux travaux de Laurie Santos. Il nous parle de façon très imagée de ces erreurs systématiques que nous faisons en prenant une décision qui intègre l'évaluation d'une probabilité, d'un risque ou d'une valeur.

Le biais psychologique de notre néo-cortex serait lié au fait que nous comparons à un instant donné, dans un contexte donné une situation possible ou future à une autre qui n'est pas pertinente en fonction de son usage ou de l'intérêt qu'elle représente pour le décideur. Le biais se mesure en comparant les dites décisions au simple calcul probabiliste introduit par Bernouilli au 18eme siècle. Ce biais est d'autant plus important que les comparaisons incluent des horizons-temps différents. Pour Gilbert, ce qui s'observe très bien à l'aide de choix probabilistes est encore plus vrai et plus profondément ancré lorsqu'il s'agit de décisions incluant une estimation de la valeur.

Imaginez donc à quel point la science économique fondée sur une simple arithmétique des plaisirs comme le rappelle M. Onfray dans ses conférences à propos de S. Mill ou J. Bentham est loin de rendre compte de "l'irrationalité" des comportements humains. Irrationalité pourtant fondée non pas sur la bêtise mais sur des mécanismes neuronaux dont Gilbert comme Santos nous disent qu'ils remontent à des âges anciens où notre environnement était simple, nos choix limités, nos espérances de vie courtes.

Relions tout ceci à l'apport de G Soros et nous voyons que notre bête humaine est économiquement et psychologiquement inadaptée à la société complexe qu'elle s'est bâtie pour elle-même ! Et si pour la première fois de son histoire, tenant en main sa propre destinée, l'Homme comprenait enfin que appareillage neuronal n'a pas eu le temps d'évoluer aussi vite que son contexte social ? Et si pour la première fois, il devait retrouver pour sa propre survie les conseils de toutes les Sagesses, à savoir renoncer à trop désirer ?

Je m'amuse à déposer sur ce blog, petit à petit les pièces d'un puzzle dont les morceaux sont d'origines très diverses. Beaucoup de choses viennent de TED mais pas seulement. Psychologues, économistes, philosophes, scientifiques, entrepreneurs ont des propos convergents en ce sens. Qu'en pensez-vous ? Joignez votre commentaires svp !

lundi 22 novembre 2010

Choix, bonheur et limites de l'esprit

Cette vidéo de TED est un peu ancienne (2004) mais elle vaut la peine d'être regardée. Dan Gilbert est psychologue à Harvard. Il nous ouvre de très curieuses perspectives sur nous-mêmes en nous faisant part de ses recherches sur les limites de L'Esprit humain.


Je la rapproche notamment de celle de Barry Schwarz "Trop de choix" publiée il y a quelques temps.

Sulfure d'hydrogène et extinction de l'humanité

Aujourd'hui, je voudrais parler de Peter Ward toujours à TED.com. Je viens de corriger la traduction française, non sans mal d'ailleurs. Il s'agit d'un paléontologue américain qui ne croit guère aux extraterrestres. Mais là n'est pas l'essentiel.

Il présente l'apport très récent de scientifiques montrant que se sont manifestées des émissions massives de H2S comme conséquences secondes de catastrophes naturelles comme des éruptions volcaniques majeures, la collision d'une météorite ou autres. Au moins 5 épisodes qui causèrent, dans l'histoire de la vie sur terre, des extinctions massives. Il en déduit une théorie selon laquelle la vie serait suicidaire ... (voir son livre l'hypothèse de Médée).

J'en retiens tout d'abord que l'apparition massive et spontanée de H2S est aussi une conséquence de l'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère et qu'en divers points du monde, on constate en ce moment l'apparition de H2S. Nous serions effectivement mal "barrés".

Ensuite, paradoxalement, cette conférence révèle en même temps une bonne nouvelle pour la médecine urgentiste. En effet, nos petits ancêtres mammifères ayant survécu à ces épisodes d'extinctions au H2S, il semble que nos cellules aient acquis la capacité à hiberner en présence de ce gaz en forte concentration (80 unités par mille).

Conséquence: un organisme inhalant du H2S peut être refroidi de 15° pendant plusieurs heures, le temps de le transporter dans un établissement bien équipé capable de le sauver en cas d'accident. Reste un risque d'endommager le cerveau ...

En gros, le H2S, conséquence catastrophique du réchauffement climatique risque de détruire la vie sur terre d'ici quelques centaines d'années mais depuis quelques temps, il permet d'envisager de sauver les victimes d'accidents ! Le pire et le meilleur.

samedi 20 novembre 2010

Optimiste ou pessimiste ?

Encore une conférence TED.com. Un peu ancienne, 2007, je viens d'en publier la correction de la traduction. Il s'agit de Larry Brillant médecin, éradicateur de la variole et directeur de la branche philantropique de Google, google.org.

Larry Brilliant fait d'abord un tour d'horizon des catastrophes climatiques, humanitaires, épidémiologiques et socio-politiques qui nous guettent. Puis il décrit les avancées accomplies récemment. Il nous livre enfin la raison de son optimisme. Ayant été l'artisan de l'éradication de la variole, qu'il considère avoir été le plus grand fléau de l'histoire de l'humanité, il se dit confiant en nos capacités à faire face aux nouveaux défis.

Bien qu'ayant un point de vue différent de celui de Tim Jackson, il part du même constat, depuis 50 ans nous savons et nous ne faisons pas grand chose. Mais le parcours très improbable et impressionnant de Larry Brilliant lui fait finalement choisir le camp des optimistes. Et vous, êtes-vous optimiste ou pessimiste ?

jeudi 18 novembre 2010

Spiritualités

Je fais échos ici à mon billet sur le travail de Michel Onfray en présentant un philosophe également athée et également "de gauche" au moins à l'origine que j'ai rencontré à plusieurs reprises.


André Comte Sponville interviewé par Radio Canada

Cette vidéo complète pour moi nécessairement le travail de Michel Onfray en y adjoignant une nuance qui me semble essentielle et que l'effort de "déconstruction" ou de philosophie "au marteau" de M. Onfray suivant le précepte de F. Nietszche ne permet pas.

J'avais un soir demandé à Michel Onfray pourquoi il semblait aussi péremptoire dans sa mise en accusation de la religion. Dans mon enfance, on aurait dit: "il bouffe du curé !". Si l'on essaie d'être intellectuellement honnête, on est obligé de reconnaître que l'Evangile est porteur en soi d'un message humaniste. On peut constater le rôle positif de beaucoup d'hommes d'Eglise, de communautés de croyants de par le monde ... Alors pourquoi ne pas avoir un propos plus nuancé ?

La réponse de Michel Onfray fut logique: "Cela a déjà été fait, cela rentre dans l'Histoire Officielle de la Philosophie, moi je fais le contraire". Son propos est de faire prendre conscience à son public des conséquences philosophiques et politiques d'une idéologie qui ne se donne pas comme telle. Logique mais pas satisfaisant, je suis donc son conseil générique et je creuse autour, ailleurs...

J'ai de plus sélectionné à l'attention de mes amis chrétiens, la vidéo suivante: Cliquez ici. Elle met en scène André Comte Sponville parallèlement au discours du "jeune" cardinal de Lyon qui me semble tout à fait audible. A vous de vous faire une idée.

Au passage, vers la 36 ème minute, ACS aborde la question de la croissance...

Je voudrais vous signaler trois ouvrages d'André Comte Sponville: un qui est dans notre sujet: L'Esprit de l'athéisme : Introduction à une spiritualité sans Dieu et deux qui n'ont pas spécifiquement trait à la spiritualité mais que je j'aime bien aussi:
Le Capitalisme est-Il moral ? Nouvelle Edition
L'Amour, la solitude

Ma conclusion pour l'instant:

Tournons la page des vieilles fables et des dogmatismes totalitaires qu'ont charrié et continuent de charrier les grandes religions. Pour autant, ne nous mutilons pas de toute spiritualité.

Laurie Santos sur les imperfections du cerveau des primates

Merci à Paul-Henri Pion, psychothérapeute, coach et ancien manager, de m'avoir fait connaître cette vidéo. Je ferai prochainement un billet sur Paul-Henri et sur ses récentes publications sur le lâcher-prise.

Laurie Santos dirige le Comparative Cognition Laboratory de l'Université de Yale. Elle y a notamment étudié les comportements de certains singes et en tire des conclusions surprenantes à l'usage des humains. S'interrogeant sur nos comportements irrationnels conduisant systématiquement à des décisions erronées par exemple à l'occasion de prises de décisions dans une situation incertaine comme dans le domaine financier. Et comme l'explique Georges Soros, la faillibilité humaine est au coeur des dysfonctionnements que l'on enregistre sur les marchés financiers.



Placés devant une même situation de choix, suivant comment celle-ci se présente et alors que les probabilités de réalisation de les modalités du choix sont identiques, l'individu, singe comme humain a tendance à privilégier l'une des modalités, celle qui lui semble la moins risquée en général. Cependant, dans exactement la même situation de choix, le même individu aura à l'inverse systématiquement tendance à faire le choix le plus risqué si cette même situation se présente sous un jour artificiellement inversé. Ni le singe, ni l'humain ne sont donc capables d'appliquer un simple calcul de probabilités si la présentation du choix est habilement modifiée. Il y a donc un biais structurel quel que soit le contexte culturel de l'individu.

Regardez la vidéo, et imaginez-vous en train de discuter avec votre banquier, croyez-vous que votre logique soit identique quand vous analysez le risque d'un placement ou l'opportunité de vous en défaire ? Eh bien Laurie vous démontre que non, en tous cas chez le singe !

Ce biais structurel, à y réfléchir plus avant, n'est-il pas un peu lié à tous ces phénomènes d'attention lacunaire, d'interférence de stimuli émotionnels avec le raisonnement ...? Ces imperfections produisent des effets très agréables dans le domaine du spectacle (pensez à l'impression de mouvement que crée le défilement des images à la base du cinéma grâce à la permanence rétinienne ou aux effets d'un spectacle d'illusionnisme !) de l'Art ou de la poésie ... Elles produisent des effets moins enviables comme la constitution de bulles financières ... Toute médaille a son revers ! J'accueille donc la présente contribution de Laurie Santos comme une illustration profonde du principe de faillibilité que G. Soros range dans la catégorie des facteurs d'incertitude humaine.

Mais ce qui est saisissant dans la démonstration de L. Santos, c'est qu'il ne s'agirait pas d'imperfections aléatoires mais d'un défaut de conception MAJEUR du cerveau déjà présent chez des singes dont l'évolution s'est séparée de la nôtre il y a 35 millions d'années ! Il n'est pas difficile de trouver une explication à ce phénomène. Le mammifère calcule le risque sous contrainte de sa survie immédiate. Les enjeux immédiats sont donc essentiels. De ce calcul dépend une décision du type: manger, fuir ou combattre. Or les situations reproduites pas L. Santos illustrent toutes des situations complexes où la survie immédiate n'est pas un enjeu . Pas étonnant que notre encéphale patine !

La question qui se pose alors est: peut-on y faire quelque chose ? Je pense que oui. La culture, la réflexion et l'exercice peuvent peut-être parvenir à contrecarrer de tels biais. Espérons !

mercredi 17 novembre 2010

Markets are always wrong ! selon Georges Soros

J'ouvre ici un billet sur Georges Soros que l'on considère trop souvent seulement comme un spéculateur ayant ruiné ou tenté de ruiner certaines économies. Eh bien vous verrez qu'il est loin d'être cet archétype du mal ultra-libéral. 

C'est un intellectuel ancien disciple de Karl Popper qui philosophe sur les marchés en sachant de quoi il parle !

Voici la video:



Je viens de terminer la lecture de Quelques leçons tirées de la crise : Conférences prononcées du 26 au 30 octobre 2009 à la Central European University, Budapest .

Après une enfance marquée par les totalitarismes nazi puis soviétique et la guerre en Hongrie, il fut un étudiant de Karl Popper à Londres travaillant sur le rapport entre pensée et réalité avant d'être le trader et le gérant d'hedge funds New Yorkais devenu richissime que l'on connaît.

Son cadre d'analyse a intéressé le monde de la finance mais a été rejeté des philosophes. La crise de 2008 lui a redonné tout son intérêt car la finance ayant acquis une dynamique propre déconnectée de la réalité s'impose à nous dans notre quotidien. Or le cadre que propose Soros souligne de façon simple que la finance et ses bulles proviennent d'un exercice erroné de la pensée humaine qui transfigure la réalité au point de rendre le monde invivable. Le trader a remis en celle le philosophe voici comment:

1) L'esprit humain est hautement faillible. Ceci est admis mais les conséquences de ce principe ne sont pas vraiment prises en compte dans la pratique.
Tout d'abord dans les situations proposées sur les "marchés" les acteurs font partie de la situation sur laquelle ils doivent réagir.
Ensuite, la situation est ultra-complexe et nécessite des procédés simplificateurs (des simulations qui buttent vite sur leurs limites, toujours oubliées). Ces constructions mentales elles-mêmes (procédés, logiciels, règles de décisions ...) acquièrent leur vie propre et deviennent des dogmes eux-mêmes enjeux de pouvoir et d'argent.
Ensuite, les neurosciences nous apprennent que si l'esprit humain est capable de traiter simultanément 7 ou 8 sujets, le cerveau est assailli de millions de stimili sensoriels capables de provoquer autant d'émotions qui passent totalement inaperçues. La raison devient alors esclave de la passion ainsi que le disait Hume.

2)
Concept de réflexivité: celui-là n'est même pas aussi admis. Dans ces situations complexes, la pensée est au coeur de la situation. La pensée de nombreux acteurs. La pensée exerce simultanément ses deux fonctions. La fonction cognitive qui analyse, la fonction participative qui agit et qui manipule pour obtenir pour chaque acteur la meilleure solution possible. Or il y a dépendance des deux. L'une modifie en permanence la perception de l'autre. Les opinions des acteurs influent sur le cours des choses. Celui-ci influe sur l'opinion des acteurs. Soit le phénomène de rétroaction fait converger les opinions et la réalité et se forme l'équilibre économique de la théorie classique, le marché arrive au juste prix et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Soit la boucle de rétroaction accroît l'écart entre le réel et l'opinion auto-réalisatrice et alors on s'éloigne de l'équilibre et se forme la "bulle".

Pourquoi ses deux principes sont-ils devenus si importants ? Parce qu'alors que tous nos progrès scientifiques et techniques s'appliquaient à des problématiques naturelles où la pensée humaine restait extérieure à l'objet d'étude, nous essayons maintenant d'appliquer nos méthodes à des situations où la pensée fait partie du phénomène étudié.

Les marchés financiers en tant qu'objet d'étude sont devenus pour notre malheur une composante majeure de notre réalité: les échanges financiers mondiaux représentent plus de 50 fois les échanges réels de biens et services, l'encours de crédit des USA en 2008 représentait 3,5 fois son PIB ! Or c'est dans cette réalité excessivement investie par la pensée humaine qu'est sensée s'exercer désormais notre sagacité si faillible et si réflexive.

Notre analyse est constamment déformée par nos opinions sur la situation analysée. La croyance en la "main invisible", au dogme de la mise à disposition parfaite de l'information sur le marché sont donc fallacieux. Le marché ne s'auto-corrige pas forcément.

Le fondamentalisme du marché s'est donc imposé et est néfaste. Il est probable que la faillibilité du système est moindre que celle du fondamentalisme politique comme le montre l'effrondrement du "Soviétisme".

Soros propose de défendre une société ouverte où les moyens d'action de l'Etat seraient circonscrits mais totalement distincts des mécanismes du marché celui-ci étant alors efficacement contrôlé et nettoyé de tous les mécanismes favorisant l'apparition de bulles tels les produits dérivés. Plus au prochain épisode.

Je renvoie le lecteur à mon billet sur la conférence TED de Mme Gabre-Madhi. Les marchés à terme de marchandises en Ethiopie, encadrés par un Etat clairvoyant, garant de l'accès à l'information de base semblent être un excellent moyen de sortir ce pays des affres de la famine. Le marché oui, le fondamentalisme de marché non !