Voilà la rentrée et mon premier article depuis un mois. Il me fallait aussi conclure ma série d'articles sur TEDxLaDéfense. Alors, avec le recul, pourquoi "Humanisme et Profit" ?
D'abord pourquoi aurions-nous pu ne rien faire ?
1) Il existe déjà de nombreuses conférences sur ce thème par exemple celle-ci, tenue par
Mohamed Yunus dont nous parlait Hanashi.
2) C'est une récupération. Surtout, à la Défense, n'est-ce pas simplement une façon de se donner bonne conscience entre nantis ?
3) TED est une mode Anglo-saxonne qui ne nous concerne pas. Les problèmes de la société française sont ailleurs.
4) bof, parler de la crise financière, tout le monde l'a fait alors que dire de plus ?
5) c'est un truc de droite ..., c'est un truc de gauche ... surtout entre les deux tours des législatives ...
1) Ca existe déjà ?
En effet, l'économie solidaire est en vogue. Nous avons voulu créer une rencontre qui n'a pas toujours lieu, celle des aspirations humaines qui sont en chacun de nous et qui se traduisent fortement dans ce que l'on appelle économie solidaire avec le pragmatisme de l'entreprise classique dont le quartier de la Défense est un symbole. Cette rencontre donc est celle du sens et du réalisme.
Le philosophe
Pierre Bigazzi a bien souligné dès la première intervention cette nécessité:
"pour moi la vie ce n'est pas ça ou ça, mais ça et ça.
La vie c'est l'humanisme et le profit et la relation".
Cependant, comme me le disait une journaliste d'un grand groupe de presse français, ce sont dans les faits des mondes qui s'ignorent. Or nous avons, nous, voulu insister pour dire que l'aspiration humaine est bien un moteur puissant du changement au cœur même de notre société capitaliste et que l'activité économique renouvelée est une nécessité pour toute société humaine.
Voyez par exemple
Geneviève Bouché:
"L'entreprise en réseau, de taille moyenne, plus adaptable devient un
nouveau modèle. La formule du salariat est remise en cause, le
contributeur entend suivre un parcours de vie où il pourra produire,
apprendre, transmettre et innover ... La consommation elle-même ne se
centre plus sur la possession mais sur l'accès aux fonctionnalités ... "
2) Récupération ?
Dès la seconde intervention,
Jean-David Haddad, en spécialiste des marchés est venu nous parler de l'importance et de la défense de l'outil financier qu'est la bourse. Voilà bien un exemple de récupération ! Or notre intervenant a été le plus violent à l'endroit des financiers qui confisquent l'outil et créent artificiellement la situation de crise dans laquelle nous nous trouvons.
Comme l'a indiqué en outre Stéphanie Boulay avec le Management Ethique, les attentes et la nécessité de changement sont fortes à l'intérieur même de la finance.
3) Une mode anglo-saxonne ?
C'est vrai que Spyros Rizopoulos s'est exprimé en anglais au sujet de la crise grecque. Rappelons-nous aussi son cri d'alarme nous exhortant à investir sur les Ressources Humaines pour prévenir la catastrophe chez nous !
Etienne Hayem a certes commencé sa "quête d'abondance à l'étranger (Mexique et Argentine) avant de se faire le défenseur des démunis en proposant de développer des monnaies complémentaires
y compris en France.
Arnaud Mourot est devenu entrepreneur social lorsqu'il a réalisé, en Roumanie, la détresse des gamins des rues. Devenu dirigeant européen d'Ashoka, il aide à financer de façon privée l'émergence de nouvelles entreprises sociales et défend un capital risque philanthropique
en France notamment...
Arnaud Poissonnier a compris en Asie Centrale que le micro-crédit pouvait être dans le monde entier plus gratifiant que la gestion de fortune. Et c'est
en France qu'il développe la deuxième plateforme interne de micro-crédit de la planète.
Isabelle Raugel analyse les nouvelles entreprises, certes indiennes, chinoises ou brésiliennes, pour déceler les prochaines tendances de
notre économie et de
notre société.
Alors c'est vrai, TEDxLaDéfense ne s'est pas centré sur les stricts débats de la société française. Pourtant nous pensons, comme l'a réalisé TED.com, ce qui explique son succès planétaire, que les bonnes idées et surtout celles qui sont mises en oeuvre n'ont ni nationalité, ni limite de langue et en plus elle ne demandent la permission à personne !
4) Tout a déjà été dit ... ?
Sans doute mais pas comme cela !
Le point commun de toutes nos interventions, c'est qu'il s'agit d'expériences réelles, vécues, humaines et souvent économiquement significatives. L'originalité de ce qui a été présenté tient non pas dans le fait que cela n'ait jamais été dit mais dans le fait que très nombreuses sont les raisons d'espérer dans un "après" qui aura fait son deuil des modèles et remèdes qui n'en finissent pas de ne plus marcher.
5) Truc de gauche ou truc de droite ... ?
Comme vous avez pu
le lire dans ce même blog, les conservateurs sont partout. Ceux de droite nient la crise et sa profondeur le plus longtemps possible afin d'en profiter encore un peu et ceux de gauche se réfugient dans le millénarisme sécurisant de quelques gourous providentiels sans imagination. Quand on crée un événement à La Défense avec des sponsors privés pour parler de finance, c'est qu'on défend l'ordre établi, on est donc de droite. Quand on parle de monnaies complémentaires, de revenu de subsistance voire de micro-crédit, on est du côté de l'Utopie, on est donc de gauche ! Et quand on fait les deux, on est quoi ? Je crois véritablement que le meilleur changement peut naître de la défense simultanée de ces deux points de vue.
Cependant, toute velléité de regarder de façon réaliste ce qu'il faut accepter de perdre et ce que l'on peut encore tenter de gagner dans un avenir incertain est jugée à l'aune des préjugés des uns ou des autres. Rester sur de tels préjugés, c'est perdre son temps, rester immobile.
Et après ? Changer le changement !
Cinq interventions en plus des précédentes nous montrent à quel point les sujets présentés et les changements à faire dépassent les vieilles lunes habituelles réactualisées à l'occasion des dernières élections.
Les romans financiers historiques de
Mario Capraro nous ont rappelé que la situation que nous vivons s'est présentée de façon récurrente dans l'histoire bien avant que l'on parle de droite ou de gauche, et de systèmes en "-isme". L'histoire a toujours tranché: les changements ont eu lieu ... le plus souvent dans le sang, les flammes et la souffrance.
Djamel Berbachi et ses fables orientales nous a rappelé les pièges de la linguistique et l'importance de se mettre d'accord sur les mots en se méfiant des prismes: éducation, expérience personnelle, bain social qui nous conduisent à ne pas nous comprendre.
Philippe van den Bosch a rappelé l'importance du lien aux autres dans la genèse-même de notre cerveau et donc l'importance de rapprocher le mécanisme de prise de décision de ses déterminants neurologiques en faveur de la relation sous peine de véritables dérives perverses.
Emmanuel Delannoy a replacé l'activité humaine dans son cadre naturel pour souligner le caractère inéluctable, imminent et incontournable des changements à faire tout en pointant des solutions inspirées de la nature.
Enfin
Paul Henri Pion a insisté sur l'importance du ET car notre mécanique intellectuelle et culturelle adorant l'opposition, il lui est insoutenable que deux réalités opposées puissent être vraies en même temps. Et pourtant quand cela arrive, cela produit de l'innovation, du changement. C'est ce que nous avons cherché à faire tout au long de cette journée.
Si l'on écoute bien, tout ceci oblige à dépasser les vieilles oppositions, les vieilles habitudes des faux "débats" et conduit à s'interroger, après la nécessité d'agir, sur les modalités de l'action. A écouter tous nos experts, on comprend que continuer à écouter les débatteurs de droite et de gauche conduit simplement à les réélire alternativement et non à résoudre les problèmes posés.
Puisque des solutions bonnes ou mauvaises s'imposeront fatalement, il reste à savoir si nous pouvons influer pour que s'imposent de meilleures solutions que celles du passé. Il nous faut enfin changer le changement lui même !