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vendredi 25 février 2011

Michel Serres: sur le rugby et le contrat guerrier

En prévision du "big crunch" (match Angleterre-France du tournoi des 6 nations), de Samedi, aujourd'hui je voudrais vous faire entendre Michel Serres, né à Agen en 1930, grand amateur du jeu de rugby et philosophe qui fait vraiment le lien entre sciences, société et droit.

Je le "convoque" ici pour poursuivre une réflexion sur le droit et l'écologie. Commençons par de courtes remarques sur le rugby comme illustration du contrat guerrier
En bref:
"Dans certaines phases du rugby, des joueurs deviennent spectateurs. Michel Serres compare cette situation au combat des Horaces et des Curiaces : un contrat social concernant la guerre est mis en place et un spectacle est créé à la place de la guerre. « Mêlée » se dit « scrum » en anglais, mot qui reprend l’escarmouche italienne : une petite fraction fait la guerre pendant que les autres ne la font plus." (in www.curiosphere.tv)

 La tradition définit volontiers le jeu de rugby comme un sport de voyous pratiqué par des gentlemen. Il illustre cette attitude commune à de nombreuses sociétés humaines qui consiste à s'accorder pour limiter la violence dans un espace clos et dans le cadre de règles précises sous le contrôle d'un arbitre. En cela la pratique du rugby, plus que le spectacle de celui-ci ,est une puissante pédagogie. Pour vaincre, il faut respecter les règles et l'adversaire et pour cela déployer son énergie en gardant le contrôle de ses émotions. Celui qui dégoupille est sanctionné et fait perdre son équipe ! Voyez encore ce que Michel Serres dit de la violence contrôlée dans cette seconde vidéo.

Michel Serres déclare que ce qu’il admire le plus dans les sports collectifs, c’est « l’apprentissage de la gestion de la dite violence ». Le sportif doit « apprendre qu’à l’extrémité de [s]on action violente [il] puisse immédiatement [s]’arrêter », faute de quoi il risque de faire perdre son équipe. Il n’y a pas de pédagogie plus réussie pour apprendre à un individu à gérer sa propre violence.(in www.curiosphere.tv)


En quoi cela nous concerne-t-il surtout quand on n'est pas rugbyman ?:
Dans Le contrat naturel, Michel Serres explique que notre propre violence guerrière mais aussi productiviste nous amène pour la première fois de notre histoire à voir venir la fin  de notre civilisation par la modification des grands équilibres écologiques. Comme des adversaires pris dans un combat au milieu d'une tourbière, comme dans le tableau de Goya représenté à droite. Chaque coup reçu ou porté enfonce chacun des combattants plus profondément ... N'ayant pu trouver de vidéo sur cette œuvre, je ne peux que vous suggérer ce livre déjà ancien (1990). Pour lire mon commentaire dans Amazon.fr, cliquez ici.

Il y a un deuxième enseignement de ceci. Rappelez-vous mes billets sur William Ury et sur Jean Pierre Massias qui traitent de la gestion des conflits et de la négociation. Il va nous falloir faire la paix avec nos ennemis bien sûr mais aussi avec notre planète. A un niveau individuel comme dans la pratique d'un sport collectif violent tel le rugby, comme à un niveau sociétal, il va certainement nous falloir apprendre à contrôler nos émotions et nos désirs pour inventer ce double contrat global: social et planétaire sans lequel nous ferons face à des situations peu souhaitables.

Enfin, dès que j'aurai son accord définitif, je vous présenterai ici le travail d'un ami, ancien rugbyman et consultant de haut niveau (pour les deux) qui utilise la métaphore du rugby pour réaliser la transformation des grandes organisations. Nous espérons aussi l'accueillir à TEDxMetz.

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