Pour une fois, je m’essaie ici à produire une réaction personnelle directe à un article qui m’a été transmis sur l’un des sujets auxquels je crois et qui se trouve injustement traité.
Dénonciation d’un mauvais amalgame :
L’article de la BBC est en lien dans le résumé ci-après. La photo ci-dessous en est tirée:
La déprime ambiante qui fait bon ménage avec les tendances naturelles de la grande presse ne touche donc pas que la francophonie.
Profitons-en pour faire une analyse sérieuse de l’information donnée.Faut-il se prémunir contre le micro-crédit ? Ou le réguler ? De quoi parle l’article ?
Un certain nombre de suicides ont eu lieu en Inde de la part de gens sur-endettés. Pas de statistiques mais quelques très tristes histoires individuelles. Ces villageois se sont modestement endettés pour des dépenses (santé, éducation, logement) qui, toutes, viennent essayer de remédier à une lacune des autorités du Pays ou de l’Etat concernés. Ces sommes sont modestes pour nous (d’où certainement la comparaison avec le micro-crédit) mais représentent beaucoup pour ces personnes pauvres qui ont préféré se suicider … Et de conclure à la nécessité de se méfier du micro-crédit !
Regardons de plus près : l’article nous dit qu’il s’agit en moyenne de dettes de 660$ pour des revenus annuels de 1060$. Supposons que l’endettement soit pris sur 4 ans cela voudrait dire une charge de remboursement de l’ordre de 220 à 250$ compte tenu de taux d’intérêts de plus de 20%.
Ces familles sont dans les limites « acceptables » habituellement par nos banques et sociétés de crédit (environ 30 à 33%). Ces taux d'intérêt sont excessifs pour une inflation indienne inférieure à 6% l'an mais, toujours selon cet article, ils sont inférieurs de moitiés aux taux pratiqués par les prêteurs locaux traditionnels au sujet desquels je vous conseille de revoir le film tiré du roman de Roland Roffé « la cité de la joie » pour apprécier les méthodes de recouvrement …
L’article précise aussi que vraisemblablement, ces prêts ont été agressivement proposés par des commerciaux qui n’ont pas vérifié si les familles pouvaient rembourser. Tiens, amusez-vous à visionner le sketch de Sillig sur le vendeur de voitures (la partie crédit arrive à la fin !). C’est un problème très connu en Europe, le Cetelem et d’autres sont en effet à l’origine de beaucoup de dossiers de surendettement et pourtant ce ne sont ni des usuriers, ni des sociétés de micro-crédit !
Qu’est-ce que le micro-crédit en réalité ?
Il s’agit de très petits crédits d’équipement remboursables rapidement pour permettre à un artisan d’amorcer son activité. Mohammed Yunus, économiste et créateur de la Grameen Bank et prix Nobel de la paix en 2006, a commencé ce système au Bangladesh en finançant par exemple à un pêcheur l’achat d’un filet pour 20$ ! Cela permet à une famille de se nourrir. Et vous savez-quoi ? Cela fonctionne car si vous mettez un filet dans les mains d’un pêcheur dans un endroit où il y a du poisson, il pêche ! Sous réserve qu’il puisse monétiser un léger surplus, le filet est vite remboursé !
Je n’ai pas encore trouvé le moyen de traduire cette vidéo, mais je vous demande de noter au moins les données suivantes :
1. Les bénéficiaires n’ont aucune autre façon de financer le premier $ de leur investissement.
2. Tous les prêts sont garantis par des dépôts à 100%.
3. 98% des prêts sont remboursés sans retard.
Rien que cela devrait nous amener non pas à tout jeter en bloc mais à concevoir des systèmes financiers efficaces et respectueux des liens sociaux comme l’est le micro-crédit.
Mais le plus fascinant, c’est qu’alors que M. Yunus, cherchant à s’appuyer sur les banques existantes a été obligé de garantir personnellement les premiers crédits afin de prouver la validité du modèle, les banques traditionnelles ont encore refusé de reformer leurs idées préconçues. C’est ainsi que naquit la Grameen Bank ! Et si ce dont nous manquions, y compris en Europe, ce n’était pas tout simplement d’ouverture d’esprit et de courage pour faire confiance à ceux qui ont besoin de se nourrir ? Pour aller plus loin, je vous conseille de M. Yunus: Vers un nouveau capitalisme
En quoi cela nous concerne-t-il aussi ?
L’article de la BBC est donc un article superficiel qui fait un amalgame entre micro-crédit (plus de 300 millions de micro-crédits ont été distribués) et vraisemblablement de mauvais petit crédits à la consommation « vendus » à la sauvette à des gens modestes par de mauvais banquiers (M. Yunus les appelle "the new loan sharks").
Je réagis pour deux raisons : les inconduites de certains (à mon avis inévitables) ne doivent pas mener à de tels amalgames. Il n’est pas sérieux de jeter le bébé avec l’eau du bain. Et nous ne devons pas accepter cette défiance irrationnelle et mortifère que je lis sur de nombreux blogs qui ne savent que se plaindre sur le thème : « la crise nous lamine, c’est la faute de la finance, donc des banquiers donc d’un petit nombre de profiteurs donc l’entreprise est morte, le système capitaliste agonise et d’ailleurs la mer monte et nous ne faisons rien … ». Si pour faire échos à M. Cantona, nous retirons tous nos sous en même temps des banques nous détruirons la système mais par quoi allons-nous le remplacer ? Les plus pauvres chez les plus pauvres nous montrent peut-être une voie !
La situation est effectivement difficile, raison de plus pour soutenir les initiatives qui réussissent et qui comme le vrai micro-crédit, justement, se préoccupent sérieusement des plus vulnérables !
Pour ma part et plus près de nous (en France), je soutiens le travail que fait Ashoka.
1 commentaire:
peut-on investir dans la grammeenbank ou dans ce genre de secteur? en passant par quelle organisation?
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