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mercredi 23 mars 2011

Transformations discretes Part 1: conflits et médiation

Mon dernier billet célébrait les valeurs féminines. Ce n'était pas démagogique, j'ai fait cette observation personnellement dans certains pays du Sud, souvent les solutions économiques, respectueuses des valeurs humaines viennent des femmes parce que ce sont elles qui traditionnellement sont chargées de faire vivre la famille. Dans nos sociétés dites développées, il est un domaine où les valeurs que divers sociologues qualifieraient de "féminines" trouvent à s'employer en remplacement d'approches plus traditionnellement "masculines", et c'est par exemple le cas de la gestion des conflits que je voudrais aborder ici.

Transformations et Conflits
Mon domaine d'exercice professionnel est l'entreprise. La grande d'abord, voire la très grande entreprise où j'ai été formé pour être cadre dirigeant et où j'interviens maintenant comme consultant. Le monde de la PME ensuite comme ancien patron-repreneur et actionnaire majoritaire où je suis également consultant, investisseur et accompagnateur de dirigeants. Dans ces deux contextes, j'ai eu finalement assez régulièrement, directement ou indirectement, à traiter de conflits. Et le conflit, quand on y survit, c'est une manière de changer. Seulement, on peut vivre le conflit de manière "soft" ou de manière "hard". Je parlais récemment de façon encore allusive de celui qui a été le plus grave pour moi ici. Je me propose d'aborder prochainement dans ce blog certaines transformations "discrètes" à l'oeuvre en entreprise dans une série de billets en référence lointaine aux travaux de F Jullien souvent évoqués dans ce blog. Il s'agira cette fois de sujets concrets pour action et non seulement pour réflexion.

Conflit et médiation
L'entreprise est donc souvent le champ clos d'affrontements, ce sera le premier mode de transformation que nous aborderons dans cette série. Parfois, il s'agit comme je l'ai vécu, d'agressions organisées aux visées précises comme lorsque l'on vise un objectif militaire. Dans ce cas, il n'y a d'autre choix que de lutter. Souvent cependant, des conflits naissent de situations de mauvaise communication ou de déficiences relativement mineures du management. Comme en témoigne le chef d'entreprise de cette vidéo, il est alors possible de trouver des solutions par la médiation:
Que retenir ?
Tout d'abord, étant moi-même finalement intervenu comme médiateur sans le savoir et surtout étant en cours de formation (au CMAP à Paris) pour le devenir officiellement, précisons que cela existe et que les occasions de médiations ne manquent pas, ni dans les conflits à l'intérieur de l'entreprise, ni dans les conflits entre l'entreprise et ses partenaires extérieurs. Ce qui manque comme le dit M. Sulpice c'est de comprendre ce que c'est et de savoir comment y avoir recours.

Ensuite que nous dit-on ici ?
  1. La médecine du travail n'est pas là pour traiter un conflit interpersonnel. Pire, de mon vécu de dirigeant au sein d'un grand groupe comme de celui de chef de PME, je tire la conviction que le médecin jouera toujours "safe" et prescrira ce qu'il connaît voire (vécu) se laissera volontiers manipuler pour le "bien" de son patient. Et à l'arrivée, il y a gros à parier que même si c'est le chef d'entreprise qui a initié la démarche, il pourra se voir reprocher tel ou tel manquement en matière de conditions de travail. Au moins, la Faculté aura fait son travail qui n'est pas de régler des conflits et elle aura prévenu des risques relevant de sa juridiction tout en évitant de se trouver mise en cause ... !
  2. Le chef d'entreprise (ou le manager) décide de régler le problème mais visiblement ici (valeurs féminines ?), il ne pense pas que taper sur la table et distribuer des coups de pieds au C .. ou des tapes dans le dos soit le bon remède. Et oui, le temps du patron "travaillomane", "valeureux" et "paternaliste" semble révolu même dans les PME. J'ajoute que compte tenu d'un tel contexte, là encore, le dirigeant fait bien d'être prudent afin de ne pas passer de l'état de "tiers" neutre et bienveillante à celui de bouc-émissaire. Après tout, n'est-il pas le premier responsable du Bien Etre au travail ? Vous noterez d'ailleurs à la fin du témoignage que ce qu'il nous présente comme un conflit entre deux salariés au début semble finir par être un conflit entre une salariée et lui-même ... (je ne connais pas le cas mais ...)
  3. Les solutions classiques sont simples mais coûteuses. Là encore, je peux témoigner de la réalité de ce que dit ce dirigeant. Fataliste, on provisionne les prud'hommes et on licencie. On y perd de l'argent et de la compétence. Solution perdant-perdant. La même en faisant intervenir un avocat, là on ajoute les honoraires. Notons cependant que de plus en plus d'avocats se forment aussi aux techniques de médiation.
  4. Le médiateur improvisé que décide d'être le dirigeant déroule une méthode logique et se heurte à un mur. Il faut comprendre qu'il n'est sans doute pas neutre en tant que patron et qu'en plus, il s'agit ici de mettre en place une écoute empathique des émotions et non d'analyser des causes objectives ... Pire, le patron s'en mêle et cela ne débouche pas. Il y a risque que celui-ci perde sa crédibilité et que le conflit s'étende par un jeu d'alliances et d'allégeances voire, comme je l'ai vécu, sous l'effet d'une manipulation perverse visant à détruire l'entreprise et son dirigeant.
  5. La médiation improvisée du dirigeant peut fonctionner sur des sujets assez neutres et l'on est alors plutôt dans la résolution de problème que dans la sortie de conflit. Dans des structures importantes, il peut y avoir des structures de médiation interne (pourvu qu'elles soient temporaires !) enfin et c'est sa raison d'être, on peut faire appel à un tiers neutre,, indépendant, formé et bienveillant qui s'appelle justement un médiateur !
  6. La base de la médiation est de se mettre d'accord  sur le désaccord puis sur une méthode pour sortir du conflit. Le médiateur n'utilise le fond que pour travailler sur la forme: passer de la guerre à la paix.
Comme observation personnelle, je vous renvoie à mon billet sur le témoignage de Jean Pierre Massias concernant les négociations de paix à la fin d'un conflit armé. Lorsque j'ai rencontré Jean Pierre, j'ai été frappé du parallélisme qui existe entre une guerre et un conflit lourd au sein ou entre entreprises.

En quoi ceci nous concerne-t-il ?
Ce sujet est généralement un peu périphérique pour le dirigeant qui se consacre au positif or le conflit, c'est du négatif que l'on préfère ne pas voir. Cela nous concerne cependant, que l'on soit patron ou pas d'ailleurs, parce que les conflits sont légions et les situations de médiation ne sont pas rares. Cependant, faute de les déceler assez tôt, les solutions peuvent devenir très difficiles à faire émerger. Le réflexe de la médiation est donc à intégrer.

Pour élargir encore le débat, ajoutons que nous vivons dans une société de plus en plus sécuritaire et de plus en plus judiciarisée. Le coût de l'accès à la Justice risque de devenir prohibitif même pour les entreprises. La médiation apparaît comme une excellente solution à la frontière du préventif et du curatif. Pour finir, la médiation a le gros avantage de permettre la sortie de crise tout en préservant l'essentiel: le lien n'est pas rompu, la vie peut continuer !

Dans un prochain billet sur les transformations discrètes, je vous parlerai d'une expérience peu orthodoxe de management du changement doublée d'une réussite brillante que bizarrement les gourous du management  ne mentionnent jamais, peut-être est-ce parce que cela s'est fait sans eux ? En tous cas, nous verrons qu'il est aussi possible de changer radicalement sans conflit.


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