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mercredi 17 novembre 2010

Markets are always wrong ! selon Georges Soros

J'ouvre ici un billet sur Georges Soros que l'on considère trop souvent seulement comme un spéculateur ayant ruiné ou tenté de ruiner certaines économies. Eh bien vous verrez qu'il est loin d'être cet archétype du mal ultra-libéral. 

C'est un intellectuel ancien disciple de Karl Popper qui philosophe sur les marchés en sachant de quoi il parle !

Voici la video:



Je viens de terminer la lecture de Quelques leçons tirées de la crise : Conférences prononcées du 26 au 30 octobre 2009 à la Central European University, Budapest .

Après une enfance marquée par les totalitarismes nazi puis soviétique et la guerre en Hongrie, il fut un étudiant de Karl Popper à Londres travaillant sur le rapport entre pensée et réalité avant d'être le trader et le gérant d'hedge funds New Yorkais devenu richissime que l'on connaît.

Son cadre d'analyse a intéressé le monde de la finance mais a été rejeté des philosophes. La crise de 2008 lui a redonné tout son intérêt car la finance ayant acquis une dynamique propre déconnectée de la réalité s'impose à nous dans notre quotidien. Or le cadre que propose Soros souligne de façon simple que la finance et ses bulles proviennent d'un exercice erroné de la pensée humaine qui transfigure la réalité au point de rendre le monde invivable. Le trader a remis en celle le philosophe voici comment:

1) L'esprit humain est hautement faillible. Ceci est admis mais les conséquences de ce principe ne sont pas vraiment prises en compte dans la pratique.
Tout d'abord dans les situations proposées sur les "marchés" les acteurs font partie de la situation sur laquelle ils doivent réagir.
Ensuite, la situation est ultra-complexe et nécessite des procédés simplificateurs (des simulations qui buttent vite sur leurs limites, toujours oubliées). Ces constructions mentales elles-mêmes (procédés, logiciels, règles de décisions ...) acquièrent leur vie propre et deviennent des dogmes eux-mêmes enjeux de pouvoir et d'argent.
Ensuite, les neurosciences nous apprennent que si l'esprit humain est capable de traiter simultanément 7 ou 8 sujets, le cerveau est assailli de millions de stimili sensoriels capables de provoquer autant d'émotions qui passent totalement inaperçues. La raison devient alors esclave de la passion ainsi que le disait Hume.

2)
Concept de réflexivité: celui-là n'est même pas aussi admis. Dans ces situations complexes, la pensée est au coeur de la situation. La pensée de nombreux acteurs. La pensée exerce simultanément ses deux fonctions. La fonction cognitive qui analyse, la fonction participative qui agit et qui manipule pour obtenir pour chaque acteur la meilleure solution possible. Or il y a dépendance des deux. L'une modifie en permanence la perception de l'autre. Les opinions des acteurs influent sur le cours des choses. Celui-ci influe sur l'opinion des acteurs. Soit le phénomène de rétroaction fait converger les opinions et la réalité et se forme l'équilibre économique de la théorie classique, le marché arrive au juste prix et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Soit la boucle de rétroaction accroît l'écart entre le réel et l'opinion auto-réalisatrice et alors on s'éloigne de l'équilibre et se forme la "bulle".

Pourquoi ses deux principes sont-ils devenus si importants ? Parce qu'alors que tous nos progrès scientifiques et techniques s'appliquaient à des problématiques naturelles où la pensée humaine restait extérieure à l'objet d'étude, nous essayons maintenant d'appliquer nos méthodes à des situations où la pensée fait partie du phénomène étudié.

Les marchés financiers en tant qu'objet d'étude sont devenus pour notre malheur une composante majeure de notre réalité: les échanges financiers mondiaux représentent plus de 50 fois les échanges réels de biens et services, l'encours de crédit des USA en 2008 représentait 3,5 fois son PIB ! Or c'est dans cette réalité excessivement investie par la pensée humaine qu'est sensée s'exercer désormais notre sagacité si faillible et si réflexive.

Notre analyse est constamment déformée par nos opinions sur la situation analysée. La croyance en la "main invisible", au dogme de la mise à disposition parfaite de l'information sur le marché sont donc fallacieux. Le marché ne s'auto-corrige pas forcément.

Le fondamentalisme du marché s'est donc imposé et est néfaste. Il est probable que la faillibilité du système est moindre que celle du fondamentalisme politique comme le montre l'effrondrement du "Soviétisme".

Soros propose de défendre une société ouverte où les moyens d'action de l'Etat seraient circonscrits mais totalement distincts des mécanismes du marché celui-ci étant alors efficacement contrôlé et nettoyé de tous les mécanismes favorisant l'apparition de bulles tels les produits dérivés. Plus au prochain épisode.

Je renvoie le lecteur à mon billet sur la conférence TED de Mme Gabre-Madhi. Les marchés à terme de marchandises en Ethiopie, encadrés par un Etat clairvoyant, garant de l'accès à l'information de base semblent être un excellent moyen de sortir ce pays des affres de la famine. Le marché oui, le fondamentalisme de marché non !

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