Prendre acte du fondamentalisme musulman
Pour
un musulman fondamentaliste, comme il n'y a (par définition !) qu'une seule interprétation
possible des textes, la sienne ou celle de son imam, les caricatures de
Charlie Hebdo même celle de la dernière Une du journal (qui ne casse vraiment pas trois pattes à un canard selon moi !) est forcément
impie, attitude que partagent même les officiels d'un pays "ami" comme
le Maroc, voir mon article ici.
Pourtant, d'autres musulmans, érudits eux, ont une autre opinion sur ce
point particulier comme sur les dogmes de l'Islam en général ...
L'étude SCIICS du WZB
de Berlin que je citais dans mon avant-dernier article et dont les
média ne semblent pas avoir connaissance est précieuse car, en termes
scientifiques, elle définit le mot "fondamentalisme". En plus, elle constate
empiriquement que l'écart entre les attitudes fondamentalistes des
immigrés musulmans d'Europe et les populations locales des six pays de
l'enquête est TRES significatif.
Mais
en tant que non-musulman, ce débat ne me concerne que de l'extérieur.
Je vais donc simplement me contenter de citer trois intellectuels musulmans dont je voudrais me faire l'échos qui appellent de leurs vœux un "toilettage" nécessaire
des dogmes et des traditions de l'Islam :
Dépasser le slogan sur l'amalgame, le terrorisme, c'est aussi l'Islam: Naser Khader
Sauf disqualification sur le
plan scientifique de l'étude pré-citée , il n'y a pas à ergoter pour savoir si ce constat est
"fascite" ou autres. Je le considère comme un fait et je ne suis pas le seul, de nombreux intellectuels musulmans vont même plus loin, extrait du Figaro:
"Naser Khader [ancien membre du parlement danois, syrien d'origine]affirme qu'Obama et Hollande «n'aident pas» en répétant sans cesse que les
terroristes n'ont rien à voir avec l'islam. «Je ne suis pas d'accord. C'est l'islam aussi. En refusant de le reconnaître, les Occidentaux ne nous rendent pas service, à nous les musulmans démocrates. Car comment se battre si on n'identifie pas clairement l'ennemi?»
Crédit photo: Le Figaro |
Naser Khader se dit en revanche favorablement impressionné par les récentes déclarations du président égyptien al-Sissi qui a appelé à une révolution dans l'islam. «Il faut qu'il aille plus loin, dit-il. Qu'il explique qu'on ne peut continuer de tolérer que les juifs soient traités de singes et les chrétiens de cochons dans les mosquées égyptiennes.»
«Il est très important que le pouvoir politique donne l'exemple, car les grands centres théologiques comme l'université al-Azar ne bougeront que s'ils se sentent soutenus», conclut Khader."
Remettre en question les dogmes de l'Islam : Abdenour Bidar
Crédit photo: Ouest France |
Il a 43 ans, il est docteur en philosophie, agrégé de philosophie et normalien. Il est français issu d'une famille de convertis à l'islam par le soufisme (mystique islamique), spécialiste des évolutions de l'islam contemporain et des théories de la sécularisation.
Ses ouvrages: Un islam pour notre temps (Seuil, Paris, 2004), Self Islam, Histoire d'un islam personnel (Seuil, Paris, 2006), L'islam sans soumission, Pour un existentialisme musulman (Albin Michel, Paris, 2008), L'islam face à la mort de Dieu, Actualité de Mohammed Iqbal (François Bourin, Paris, 2010), Comment sortir de la religion ? (La Découverte, Paris, 2012).
Extrait d'un article de Ouest France du 15 Octobre 2014: "
"[Islam]Tu as choisi de croire et d'imposer que l'islam veut dire soumission alors que le Coran lui-même proclame qu'« il n'y a pas de contrainte en religion » (La ikraha fi Dîn). Tu as fait de son appel à la liberté l'empire de la contrainte ! Comment
une civilisation peut-elle trahir à ce point son propre texte sacré ?
Je dis qu'il est l'heure, dans la civilisation de l'islam, d'instituer
cette liberté spirituelle - la plus sublime et difficile de toutes - à
la place de toutes les lois inventées par des générations de
théologiens !"
Vous pouvez lire par ici une version plus récente de cet article, suite aux attentats, parue dans le Huffington Post. Voilà une vision de la situation de l'Islam français qui me parle déjà bien plus que le slogan: "gardons-nous de faire des amalgames !" rabâché par les vieilles barbes qui représentent les musulmans de France et que reprennent sans réflexion nos politiques.
"Upgrader" la gouvernance de l'Islam: Ghaleb Cheibek
55 ans né à Djeddah en Arabie saoudite, il est un docteur en sciences et physicien franco-algérien. Fils du Cheikh Abbas Bencheikh el Hocine et frère de Soheib Bencheikh,
ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris et ancien mufti de
Marseille, il présente l'émission Les chemins de la foi" diffusée sur France 2 le dimanche matin. Il préside la Conférence mondiale des religions pour la paix, ce qui l'amène à de nombreuses interventions en France et à l'étranger. Ghaleb Bencheikh vulgarise les thèses de son frère Soheib. Voici ce qu'il disait le 13 Janvier dans une interview à Catherine Schwaab de Paris Match:
"On continue d’utiliser l’outillage intellectuel de l’époque du Prophète, le 7ème siècle pour comprendre ce texte [Le Coran]. Or on a aujourd’hui besoin ... des Sciences de l’Homme et de la Société pour élaborer l’islam de l’humanisme et du progrès. Il y a des tabous à transgresser, des passages du Coran dont les incidences sociales sont totalement inapplicables et donc sont à déclarer caduques, il faut déplacer l’étude du sacré vers d’autres horizons cognitifs et porteurs de sens dans l’ère contemporaine. C’est un chantier titanesque."
"Comme citoyen, je suis représenté par mes élus. Mais là, je ne me sens pas plus représenté par le Président du CFCM [Hassan Chalgoumi, (imam de Drancy)], un homme fatigué et malade – à qui nous souhaitons un prompt rétablissement - [ni par] ... Dalil Boubakeur, (recteur de la Grande Mosquée de Paris et Président du Conseil Français du Culte Musulman) , figure sur-fabriquée qui ânonne des évidences. Ce n’est pas la calotte qui fait l’imam, c’est son savoir ! C’est bien d’avoir du cœur, mais cela ne suffit pas. On n’a que faire des personnages falots. Cela entérine l’image médiocre qui colle aux musulmans."
"Comme citoyen, je suis représenté par mes élus. Mais là, je ne me sens pas plus représenté par le Président du CFCM [Hassan Chalgoumi, (imam de Drancy)], un homme fatigué et malade – à qui nous souhaitons un prompt rétablissement - [ni par] ... Dalil Boubakeur, (recteur de la Grande Mosquée de Paris et Président du Conseil Français du Culte Musulman) , figure sur-fabriquée qui ânonne des évidences. Ce n’est pas la calotte qui fait l’imam, c’est son savoir ! C’est bien d’avoir du cœur, mais cela ne suffit pas. On n’a que faire des personnages falots. Cela entérine l’image médiocre qui colle aux musulmans."
Voici une vidéo qui analyse calmement ce qu'est l'islamophobie (même si j'ai de sérieuses réserves sur R. Ramadan, l'invité). Elle est passée dans l'émission de G. Bencheick :
Prendre nos responsabilités
Je voudrais finir par ce dernier extrait d'un même article et du même témoin (G. Bencheick):
http://www.ina.fr/video/CAB89042091 |
"Si on avait réagi il y a vingt-cinq ans quand deux gamines se sont pointées au collège de Creil avec un voile et qu’elles ont été exclues, on aurait peut-être stoppé une sinistre régression. Les hiérarques de l’islam et de France auraient dû clamer d’une seule voix, d’un seul élan qu’emmitoufler une fille en compromettant sa scolarité était inacceptable, point. Plutôt que laisser des minables faire croire à des jeunes que s’ils voient - ou montrent - une touffe de cheveux, ils - et elles - périront par le feu de l’enfer !! Mais non, on a démissionné, et aujourd’hui, on a le tchador! "
Ceci fait bien comprendre que nos élus qui ont effectivement bien géré la crise récente sur les plans médiatique et policier ne doivent pas se contenter de gérer l'émotion au profit de leur image par de simples slogans comme le débile: "évitons les amalgames". Ils doivent impulser un changement majeur avec les musulmans de France.
Il y a du boulot et cela demande de véritables compétences politiques et un vrai leadership aussi bien chez les élus du culte musulman que chez les élus de la République. Il n'est plus temps pour nos politiques de jouer à être des intellectuels adeptes du "relativisme culturel", il y a un chantier concret à lancer et vite avant que les banlieues ne s'enflamment à nouveau. Et c'est un chantier essentiel que seul l'Etat peut prendre en charge. Et là son rôle ainsi que celui des politiques est incontestable !
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