A l'occasion de la lecture d'un livre optimiste sur les chances de développement de notre pays, j'aimerais partager quelques réflexions à la fois sur l'optimisme et sur la gouvernance. Sujet déjà évoqués de nombreuses fois ici.
Parions France
Voici Parions France !, le livre "positif" d'un ancien élu local, conseil en
communication qui fut aussi
directeur du Tour de France, une superbe réussite événementielle à l'échelle mondiale. L'auteur se nomme Xavier Louy, un homme politique mais aussi un consultant et un chef d'entreprise. Cela ne pouvait me laisser totalement indifférent.
Ce livre m'a été conseillé par un ami dont je parle parfois dans ce blog (à vous de deviner de qui il s'agit, j'espère qu'il commentera cet article !). Cet ami et moi avons des discussions sur le changement et ses voies, sur le pouvoir. Et aussi sur l'optimisme, point sur lequel nous divergeons. C'est pourquoi j'utiliserai ce livre pour partager quelques réflexions personnelles sur ces thèmes en prélude à de futures publications sur Acatl Editions.
directeur du Tour de France, une superbe réussite événementielle à l'échelle mondiale. L'auteur se nomme Xavier Louy, un homme politique mais aussi un consultant et un chef d'entreprise. Cela ne pouvait me laisser totalement indifférent.
Ce livre m'a été conseillé par un ami dont je parle parfois dans ce blog (à vous de deviner de qui il s'agit, j'espère qu'il commentera cet article !). Cet ami et moi avons des discussions sur le changement et ses voies, sur le pouvoir. Et aussi sur l'optimisme, point sur lequel nous divergeons. C'est pourquoi j'utiliserai ce livre pour partager quelques réflexions personnelles sur ces thèmes en prélude à de futures publications sur Acatl Editions.
La critique
"Parions France" est un livre
salutaire et informatif qui correspond à un vrai besoin et qui rappelle et répertorie nos forces et réussites et qui présente aussi à mes yeux des insuffisances
factuelles et conceptuelles.Vous trouverez ici mon commentaire sur Amazon, n'hésitez pas à cliquer sur "commentaire utile" si cela vous parle. Vous trouverez ici une vidéo par Jean Louis Courleux. Elle trop sombre pour être visionnée mais la prise de son est correcte.
Le diable est dans les détails (citation de Lister, chirurgien anglais du 19ième siècle)
Commençons par les
insuffisances. De curieuses erreurs de détails interpellent sur la forme et interrogent sur le fond:
- Non la ville de Leeds n'est pas en Écosse mais en Angleterre.
- Non Sanofi n'est pas le premier laboratoire pharmaceutique mondial mais le troisième en 2013 il était le quatrième en 2012.
- Et non BNP Paribas n'est pas le premier groupe bancaire mondial mais le troisième en produit net bancaire et le 12 ème en capitalisation boursière ... Et l'auteur n'avait pas connaissance de l'affaire qui place depuis peu la banque en situation difficile devant la " justice" américaine du procureur Vance (celui qui est sans doute frustré de n'avoir pas mis Strass Kahn en prison). Cette dernière affaire relativise un peu le propos enthousiaste sur l'influence mondiale des entreprises françaises !
- Et Non, le territoire russe n'est pas de 1,7 millions de km² mais là il ne peut s'agir que d'une faute de frappe.
Ajoutons
que dans la version kindle au moins, il est regrettable
qu'aucune note ni lien ne permettent de creuser et de vérifier les
sources ... ce ne serait pas du luxe.
Cet ouvrage d'un auteur raisonnablement connu, paru chez un éditeur sérieux n'a sans doute pas fait
l'objet de relectures aussi sérieuses que son sujet l'aurait nécessité. Pour identifier l'auteur, je suis tombé sur cette vidéo:
"L'empire maritime", une bonne idée insuffisamment étayée
Cette rapidité d'écriture se retrouve malheureusement à divers
endroits sur le fond. Proposer par exemple de régler le problème
planétaire de l'eau par la
désalinisation massive de l'eau de mer sans évoquer l'énorme besoin
d'énergie que cela créerait me semble rapide ... Tenez rappelez-vous ce
que disait Justin Hall Tipping à ce sujet. Une nouvelle fois, la forme c'est du
fond qui remonte à la surface comme disait Victor Hugo ... L'idée de l'empire maritime elle-même est intéressante ... en gardant en tête par exemple que les limites d'exclusion maritime sont très contestées ...
Sur les idées essentielles, il manque donc un peu de matière. C'est dommage car l'auteur cite aussi de belles réussites trop souvent passées sous silence. L'idée de redonner aux jeunes l'espoir et l'envie de construire un avenir "gagnant"est louable. Et l'auteur inventorie à cette fin les entreprises et les secteurs où la France gagne. Malgré quelques erreurs comme celles signalées plus haut, cela m'a plu car il est vrai que depuis quelques temps, il est plus souvent question de la France qui perd ...
Sur les idées essentielles, il manque donc un peu de matière. C'est dommage car l'auteur cite aussi de belles réussites trop souvent passées sous silence. L'idée de redonner aux jeunes l'espoir et l'envie de construire un avenir "gagnant"est louable. Et l'auteur inventorie à cette fin les entreprises et les secteurs où la France gagne. Malgré quelques erreurs comme celles signalées plus haut, cela m'a plu car il est vrai que depuis quelques temps, il est plus souvent question de la France qui perd ...
Mais
pourquoi faut-il toujours répondre à un biais psychologique, ici celui
du pessimisme, par un autre, celui de l'optimisme ? A-t-on si peu
profité des leçons de la Méthode et aussi de celle de l'expérience ? Plus de pragmatisme serait utile. L'auteur en appelle à s'appuyer sur
nos succès pour que les jeunes changent le jeu, inventent de nouvelles
règles, s'opposent au conservatisme ... Fort bien et quels sont les
freins ? Comment les lever si on on ne les prends pas en compte ?
Optimisme ou complaisance ?
Optimisme ou complaisance ?
En
élu local expérimenté, l'auteur enfourche une vision
gaullienne qui m'est sympathique... Il semble au passage qu'un homme politique au moins ait bien reçu le
message et pourtant il n'est pas du même bord politique: Jean Luc
Mélenchon.Seulement, il produit finalement une vision que je trouve trop complaisante.
La France ne serait pas si petite que cela il faudrait compter tout son
empire maritime de ... 11 millions de km2, le deuxième du monde. C'est vrai et il faudrait
retenir cette grande idée. Seulement, il simplifie dans le but de motiver ses troupes.
Crédit photo: courleuxsansfrontieres.com |
L'oubli des faiblesses et des freins
Le livre se termine par d'autres idées très gaulliennes intéressantes comme la participation
populaire dans les banques, la remise en cause des droits de succession
et d'autres plus originales comme un tableau de bord national de
l'activité non limité au comptage du nombre des chômeurs ou des immatriculations
automobiles. L'auteur s'autorise bien le regret de quelques propositions du
grand Général, jamais appliquées, mais pourquoi fait-il l'économie d'un rappel
des faiblesses structurelles de notre pays ?
Pourquoi ne pas mettre en perspective les réussites et potentiels (assez bien répertoriés dans ce livre) avec les freins structurels réels comme par exemple l'obstacle que forme une pseudo élite de dirigeants, d'élus et d'administratifs parfois corrompus (voir ici) mais surtout indéfiniment arque-boutés sur leurs avantages acquis et leur carrière et recuits dans l'immobilisme de certitudes étriquées ? N'y a-t-il pas là un conservatisme de structure dont il faut urgemment tenir compte ? Ce conservatisme n'explique-t-il pas que même les bonnes idées du Général ait pu être enterrées ? A moins qu'il ne s'agisse pas vraiment d'agir ...
L'optimisme unijambiste
Ce livre s'inscrit donc à la fois dans la prise de conscience du fait qu'il est possible de se ressaisir et dans la croyance qu'en le disant et en étant "positif", on fera œuvre utile, presque performative (je le dis, donc cela existe). Cette croyance rejoint celle de beaucoup de coachs et d'auteurs en Développement Personnel: "restons positifs et nous réussirons !".
Pour ma part, quand j'entends cela, je pense aussitôt aux paroles de Churchill qui n'avait à proposer à son peuple que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » ("Blood, toil, tears, and sweat" le 13 mai 1940, dans son premier discours devant la Chambre des communes). Mais peut-être notre situation n'est-elle pas encore assez grave pour être comparable à celle qui prévalait à la veille de la bataille d'Angleterre ?
Le travail de Xavier Louys est utile pourtant. C'est juste que l'on ne marche pas longtemps sur une seule jambe. Il nous faut aussi connaître l'autre face de la réalité pour nous donner une deuxième jambe pour avancer.
Pourquoi ne pas mettre en perspective les réussites et potentiels (assez bien répertoriés dans ce livre) avec les freins structurels réels comme par exemple l'obstacle que forme une pseudo élite de dirigeants, d'élus et d'administratifs parfois corrompus (voir ici) mais surtout indéfiniment arque-boutés sur leurs avantages acquis et leur carrière et recuits dans l'immobilisme de certitudes étriquées ? N'y a-t-il pas là un conservatisme de structure dont il faut urgemment tenir compte ? Ce conservatisme n'explique-t-il pas que même les bonnes idées du Général ait pu être enterrées ? A moins qu'il ne s'agisse pas vraiment d'agir ...
L'optimisme unijambiste
Ce livre s'inscrit donc à la fois dans la prise de conscience du fait qu'il est possible de se ressaisir et dans la croyance qu'en le disant et en étant "positif", on fera œuvre utile, presque performative (je le dis, donc cela existe). Cette croyance rejoint celle de beaucoup de coachs et d'auteurs en Développement Personnel: "restons positifs et nous réussirons !".
Pour ma part, quand j'entends cela, je pense aussitôt aux paroles de Churchill qui n'avait à proposer à son peuple que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » ("Blood, toil, tears, and sweat" le 13 mai 1940, dans son premier discours devant la Chambre des communes). Mais peut-être notre situation n'est-elle pas encore assez grave pour être comparable à celle qui prévalait à la veille de la bataille d'Angleterre ?
Le travail de Xavier Louys est utile pourtant. C'est juste que l'on ne marche pas longtemps sur une seule jambe. Il nous faut aussi connaître l'autre face de la réalité pour nous donner une deuxième jambe pour avancer.
En quoi sommes-nous concernés ?
Sur le plan national, il faut sans doute
redonner à la nation France une place plus importante mais il faut le
faire sans complaisance, en s'appuyant sur nos forces réelles, en recherchant leur accord et non en les enrôlant pour une Cause étrangère à leur plan stratégique (les groupes et start ups répertoriées par l'auteur) sans raviver les idéologies
nationalistes, voire colonialistes ni les nostalgies passéistes et sans méconnaître les freins et faiblesses structurels de notre société. Et sous réserve d'une approche étayée, je retiens volontiers l'idée de l'opportunité maritime pour la France.
Sur le plan humain et managérial: il est vrai que nous pouvons facilement nous complaire dans le pessimisme et la sinistrose et qu'il importe de prendre conscience de nos forces. Cependant, il importe de le faire avec pragmatisme. Je sais, la voie est étroite. C'est un véritable chemin des crêtes ... au moins la vue est belle même si la marche est difficile !
Sur le plan humain et managérial: il est vrai que nous pouvons facilement nous complaire dans le pessimisme et la sinistrose et qu'il importe de prendre conscience de nos forces. Cependant, il importe de le faire avec pragmatisme. Je sais, la voie est étroite. C'est un véritable chemin des crêtes ... au moins la vue est belle même si la marche est difficile !
Crédit photo: Gérard barré, sentier-nature.com
(Beaufortain, Beaufort, Savoie – 07/09/12
le lac et le barrage de Roselend en contrebas )
Bonjour, concernant l'éloge de l'optimisme, je suis assez fan de l'auteur Philippe Gabilliet (très facile à trouver sur les réseaux sociaux).
RépondreSupprimerVoir http://youtu.be/PPdiky0MwyA
Bonjour Bernard,merci de votre commentaire.
RépondreSupprimerJe suis également assez intéressé par ce que fait Philippe avec qui j'ai diverses connexions. En revanche, comme l'illustre le livre dont je parle ici, j'en ai moins avec l'Optimisme que je prends avant tout comme un biais psychologique.
Vous qui êtes un animateur et un formateur de formateurs, prenez le cas de Edward de Bono. Anime-t-il un groupe créatif en leur donnant seulement un chapeau vert (couleur de l'optimisme) ?
Toute sa méthode consiste à faire prendre conscience des diverse couleurs et à faire passer le groupe par les diverses couleurs de l'arc en ciel.
Le rouge pour les émotions primaires, le jaune pour les facteurs de réussite objectifs, le bleu/violet pour le rappel des contraintes politiques et institutionnelles et de l'autorité
le noir pour les risques les plus lourd et l'expression légitime du pire pessimisme.
Cet échange me donne une idée d'article futur. Je présente cette méthode à des étudiants de maîtrise en stratégie et je la crois factuellement plus efficace que les préjugés hémiplégiques qu'ils soient optimistes, pessimistes ou même rationnels ...
Il s'agit d'être divers et mobiles !