Voici un titre bien inhabituel pour ce blog: "elle survit à une chute de 100 m au milieu des crocos" ! Je voudrais traiter de ce qui est vraiment important: l'état d'esprit approprié en situation dangereuse. A travers, un fait divers, voyons comment, gentiment, sans y penser plus que cela, la presse nous abreuve d'informations qui finissent par devenir le décors de notre vie quotidienne, décors qui a certainement une influence sur notre propension à agir correctement ou pas ou à ne pas réagir du tout.
Examinons les faits comme disait Aristote:
Peut-être aviez-vous lu le titre ci-dessus ici ou là, cette histoire a été diffusée le 13 Janvier. Qu'avez-vous appris de cet événement ? Voici le lien de la vidéo sur yahoo. La vidéo originale de ses amis est plus claire que celle diffusée par les média:
Est-ce vrai ? Je le crois à 100%. Le risque existe-t-il ? Oui Erin Langworthy aurait pu se noyer. Plutôt banal, alors, pourquoi y revenir ici ? Parce que la présentation des faits est "ordinairement" abusive. Analyse:
En quoi la relation du fait divers est-elle abusive ?
Le pont est à 111 mètres au dessus d'une portion rapide du Zambèze peu avant les chutes Victoria. La vidéo "privée" montre du courant et des rives escarpées. Gagné, vous venez de comprendre qu'il n'y avait aucun croco. Aucune proie des crocos ne traverse ou ne se baigne dans un fort courant, les crocos eux-mêmes attendent dans des eaux très calmes et ne prennent pas le risque d'être emportés dans les rapides. Aucun danger donc pour la jeune fille de ce côté. Quoi d'autre ?
On peut supposer que l'élastique a cédé lorsqu'il a supporté la tension la plus forte ou peu avant ce moment précis. Réfléchissez, n'est-ce pas justement le point d'inversion du mouvement de chute ? Bien sûr que si ! C'est donc au moment même où Erin était presque immobile au bout du fil avant qu'il ne se contracte à nouveau que la véritable chute a commencé c'est-à-dire quand Erin est arrivée relativement près de la surface de l'eau. Sur le film, on voit nettement ce moment. Erin tombe à l'eau environ 1 à 2 secondes plus tard en partant donc de tout en bas et d'une vitesse initiale quasi-nulle... C'est d'ailleurs pour cela que le saut à l'élastique au dessus de l'eau est presque sans danger.
Si le décors est spectaculaire (la photo de droite montre les Victoria Falls où conduisent les rapides de la vidéo), la véritable chute, elle, s'est donc limitée à une douzaine de mètres au plus ce qui a cependant suffi à lui causer une fracture de la clavicule à l'entrée dans l'eau ou en cognant une pierre après. Une fois dans l'eau, le véritable danger qu'elle courait était de se noyer. Mais qui aurait été intéressé par un titre du genre: "une touriste manque de se noyer dans un rapide" ?
On peut supposer que l'élastique a cédé lorsqu'il a supporté la tension la plus forte ou peu avant ce moment précis. Réfléchissez, n'est-ce pas justement le point d'inversion du mouvement de chute ? Bien sûr que si ! C'est donc au moment même où Erin était presque immobile au bout du fil avant qu'il ne se contracte à nouveau que la véritable chute a commencé c'est-à-dire quand Erin est arrivée relativement près de la surface de l'eau. Sur le film, on voit nettement ce moment. Erin tombe à l'eau environ 1 à 2 secondes plus tard en partant donc de tout en bas et d'une vitesse initiale quasi-nulle... C'est d'ailleurs pour cela que le saut à l'élastique au dessus de l'eau est presque sans danger.
Si le décors est spectaculaire (la photo de droite montre les Victoria Falls où conduisent les rapides de la vidéo), la véritable chute, elle, s'est donc limitée à une douzaine de mètres au plus ce qui a cependant suffi à lui causer une fracture de la clavicule à l'entrée dans l'eau ou en cognant une pierre après. Une fois dans l'eau, le véritable danger qu'elle courait était de se noyer. Mais qui aurait été intéressé par un titre du genre: "une touriste manque de se noyer dans un rapide" ?
Quelle est la leçon de cet heureux dénouement (si j'ose dire !) ?
Une fois écarté le sensationnel journalistique, cet événement reste intéressant. Pourquoi ? Cette jeune fille est en réalité bien "câblée". Vaincre le vide est facile, nager au milieu de crocos qui font leur sieste à plusieurs centaines de mètres en amont ne présente aucune difficulté, en revanche Erin a bien sauvé sa peau en ayant le bon réflexe. Lequel ? Elle le raconte, son seul véritable risque était que la corde ne s'accroche et que le courant ne la fasse couler Mourquoi , la presse ne s'intéresse-t-elle pas à son récit ? Plutôt que de lutter pour rester à la surface, elle a alors plongé pour libérer ses pieds. Elle a lâché prise pour mieux se sauver (je fais ici expressément référence aux travaux de Paul-Henri Pion). Et elle a survécu. Elle explique aussi que la veille, son instructeur de rafting lui avait enseigné les gestes à faire pour survivre dans un rapide ! Voilà quelqu'un que l'on a oublié de féliciter.
J'ai emmené mes enfants faire ce genre de saut sans danger réel (au dessus de la Vienne près de Poitiers (ci-contre au viaduc de l'île Jourdain: 40 mètres, pas de courant et pas de crocos !). Voyez comme le sauteur vient frôler l'eau du bout des doigts. L'élastique amortit la chute et s'il casse, plouf, une petite trempette ! L'émotion est réelle, le risque est nul.
Ne sommes-nous pas tous un peu victimes du sensationnel qui nous fait passer à côté de l'essentiel ? Le saut de Benji au dessus du Zambèze est un beau prétexte, de la mousse médiatique. En revanche, le geste de survie d'Erin que personne n'a vu montre que même en jouant à se faire peur, il faut rester vigilant et savoir réagir. Je regrette que la presse n'ait pas saisi l'occasion de souligner non pas le "miracle" (il n'y en a aucun) mais la belle envie de survivre de cette jeune fille et la qualité de l'enseignement de son guide de rafting ...
En quoi sommes-nous concernés ?
Besoin de montrer le spectaculaire, de se faire peur sans prendre de risque et de s'extasier une demi-seconde sur une banalité qui nous concerne mais ne nous implique pas ...banal ! Pourquoi insister alors sur cette "brève" ? Parce que je me demande s'il en est autrement de sujets plus "sérieux" tels que les causes des accidents de la route ou la crise économique par exemple ? Et de tant d'autres ...
Ne sommes-nous pas intoxiqués par de trop hautes doses de "sensationnine" et de "sécuritine" qui se font miroir dans la presse et qui tendent à obscurcir notre jugement et in fine à nous empêcher de nous préparer à agir correctement le moment venu en tant qu'automobiliste comme en tant qu'acteur économique ? Ce temps de cerveau disponible que l'on occupe stérilement avec du sensationnel et du spectaculaire ne nous prépare-t-il pas à prendre l'habitude d'accepter des mesures sécuritaires aux visées électoralistes et aux effets peu évidents qui, peut-être, prendront le pas sur des actions de fonds bien plus utiles ?
Au volant comme dans l'économie, en cas d'événement brutal (ou perçu comme tel), j'ai l'intuition qu'il serait payant de se préparer à réagir, à s'ajuster et donc à changer de trajectoire, à lâcher prise au bon moment comme a su le faire Erin Langworthy pour préserver sa vie. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle entre la chute d'Erin et celle de la notation de la signature d'emprunteur de la France ... par exemple.
Ne sommes-nous pas tous un peu victimes du sensationnel qui nous fait passer à côté de l'essentiel ? Le saut de Benji au dessus du Zambèze est un beau prétexte, de la mousse médiatique. En revanche, le geste de survie d'Erin que personne n'a vu montre que même en jouant à se faire peur, il faut rester vigilant et savoir réagir. Je regrette que la presse n'ait pas saisi l'occasion de souligner non pas le "miracle" (il n'y en a aucun) mais la belle envie de survivre de cette jeune fille et la qualité de l'enseignement de son guide de rafting ...
En quoi sommes-nous concernés ?
Besoin de montrer le spectaculaire, de se faire peur sans prendre de risque et de s'extasier une demi-seconde sur une banalité qui nous concerne mais ne nous implique pas ...banal ! Pourquoi insister alors sur cette "brève" ? Parce que je me demande s'il en est autrement de sujets plus "sérieux" tels que les causes des accidents de la route ou la crise économique par exemple ? Et de tant d'autres ...
Ne sommes-nous pas intoxiqués par de trop hautes doses de "sensationnine" et de "sécuritine" qui se font miroir dans la presse et qui tendent à obscurcir notre jugement et in fine à nous empêcher de nous préparer à agir correctement le moment venu en tant qu'automobiliste comme en tant qu'acteur économique ? Ce temps de cerveau disponible que l'on occupe stérilement avec du sensationnel et du spectaculaire ne nous prépare-t-il pas à prendre l'habitude d'accepter des mesures sécuritaires aux visées électoralistes et aux effets peu évidents qui, peut-être, prendront le pas sur des actions de fonds bien plus utiles ?
Au volant comme dans l'économie, en cas d'événement brutal (ou perçu comme tel), j'ai l'intuition qu'il serait payant de se préparer à réagir, à s'ajuster et donc à changer de trajectoire, à lâcher prise au bon moment comme a su le faire Erin Langworthy pour préserver sa vie. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle entre la chute d'Erin et celle de la notation de la signature d'emprunteur de la France ... par exemple.
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