vendredi 4 novembre 2011

Barefoot college: l'école des pauvres et des illettrés

Voici venir Bunker Roy. Comme vous le verrez à la fin de la vidéo ci-après, il a eu beaucoup de succès à TEDGlobal et reçu une "standing ovation". Tellement qu'il m'a été difficile de l'approcher après sa conférence. Je vais traduire ce "talk" en Canadien sous une dizaine de jours ! Il nous y présente les enseignements de sa vie passée à développer l'école des illettrés en Inde et comment cette initiative est devenue une ONG mondiale avec des essaimages en Asie, en Afrique et en Amérique Centrale et du Sud:


De quoi parle-t-on concrètement ?
Il s'agit d'initiatives villageoises d'amélioration du cadre de vie communautaire en milieu rural beaucoup axée sur l'utilisation de l'énergie solaire. Il y a du Mahatma Gandhi chez Bunker Roy: naissance dans la très bonne société indienne, éducation élevée, sens de la dramaturgie, parti pris pour les humbles et opiniâtreté. Les villageois manquent parfois de tout en Inde: d'eau, d'énergie, de sols fertiles ... Le Barefoot college enseigne aux pauvres à mettre en place des systèmes écolo-économiques: éclairages individuels, fours solaires,  construction, production d'énergie photovoltaïque, stockage des eaux de ruissellement, etc ... Et comment ? En s'appuyant sur le savoir existant chez les villageois et en organisant au mieux la transmission de ce savoir entre eux grâce aux ... grand-mères et en comptant d'abord sur le travail et l'implication des femmes, des anciens et des enfants.

Pour aller plus loin, je vous encourage à aller voir sur le site de Barefoot et aussi sur le blog en français de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle .

Sanjit "Bunker" Roy controversé:
Bunker Roy est critiqué. Il est parfois accusé d'être un peu "show off", d'exagérer et de caricaturer... ou de jouer les gourous, cela c'est pour les gentils. Les plus vicieux soulignent que ce que l'on montre ici ressemble fort à une utilisation abusive de main d'oeuvre bon marché ... et à une flatterie des femmes présentées comme plus intelligentes et plus fiables... surtout plus disponibles et plus soumises comme le pensent certains. D'autres encore, l'accusent d'avoir un agenda caché et de s'enrichir sur le dos des pauvres tout en recherchant les honneurs pour lui-même ... en récupérant les dons d'organisations charitables comme la Deutsche Welthungerhilfe (contacts: Annette Benad et Lotte Roman si vous voulez faire les recherches que je n'ai pas le temps de faire).

Sa réponse est dans sa conclusion, c'est une citation de Ghandi: 
" Au début ils t'ignorent, ensuite ils se moquent de toi, puis ils t'attaquent et enfin tu gagnes !"

Que nous apprend ce "talk" ?
Franchement, je ne sais s'il faut prêter l'oreille à ces ragots ou s'il faut prendre le risque de se faire abuser mais pour ma part, j'ai envie de retenir ceci:

0. Il existe des ONG issues du "tiers" monde !
1. Il existe un autre modèle d'enseignement que celui que nous pratiquons dans les pays occidentaux.
2. L'âge ou les discriminations ne sont pas des barrières pour apprendre et enseigner.
3. Les pauvres n'ont pas à attendre une aide extérieure, le développement rural peut être largement endogène, l'intrant essentiel est déjà sur place: le savoir, il faut le développer et le transmettre.
4. Les illettrés et les déshérités ne manquent ni de savoir, ni d'intelligence, ni d'envie de vivre.
5. Le patriarcat et l'Etat traditionnels font figures de freins alors que la famille et la communauté ont besoin d'apprendre et d'innover pour survivre.
6. La détermination et la vision stratégique de certains individus accomplit parfois les miracles que les gouvernements, la technologie et les puissances financières ne réalisent pas.

7. Faire par soi-même permet de survivre et surtout de retrouver une fierté légitime. 


Pour aller plus loin sur le thème d'une autre approche éducative pour le monde, voir ce nouveau film: http://schoolingtheworld.org/film/

En quoi sommes-nous directement concernés ici et maintenant ?
Comme dans de nombreux sujets dont il m'a été donné de rendre compte dans ce blog, j'ai je sentiment profond que ce qui s'accomplit dans le tiers monde à l'occasion de très graves crises de survie oubliées pourrait bien avoir valeur d'exemple chez nous sans attendre que la catastrophe (quelle qu'en soit la nature) soit sur nous si nous savions en tirer les leçons. Prenons deux exemples qu'il ne faut pas décalquer mais qu'il faut mûrir en cherchant les points communs plus que les différences.

Eau/énergie/construction: 
Cette vidéo montre qu'en milieu rural, face à la famine et à la sècheresse et quand l'Etat est défaillant, les pauvres peuvent survivre en mettant en oeuvre des technologies vertes. Pourquoi attendre la sècheresse pour creuser des citernes ? Avez-vous remarqué: l'hiver dernier a été sec, les agriculteurs ont manqué de fourrage et d'eau au début de l'été puis la campagne a reverdi et rien n'a été fait ! Pourquoi ne pas apprendre déjà comme les Baronnet à construire avec de la paille, à creuser sa citerne ou à produire soi-même son énergie électrique ? 

Ce n'est pas seulement parce que ces technologies sont vertes qu'elles paraissent plus désirables mais de plus en plus comme en Inde dans ces villages perdus parce qu'il n'y a rien d'autre à faire ce qui se traduirait chez nous par le fait que beaucoup ne peuvent déjà plus payer les factures correspondantes des compagnies des Eaux ou d'électricité ... c'est-à-dire indirectement qu'ils ne peuvent plus financer les infrastructures centralisées (et détournées) des Etats modernes.

L'éducation:

Après avoir fait un progrès gigantesque au XXème siècle, l'institution éducative patine chez nous. Elle devient de plus en plus difficile à financer dans sa forme et ses missions d'origine (tout est difficile à financer quand l'Etat est en faillite* !). 

Bien sûr, on peut, comme François Hollande, s'en émouvoir et proposer toujours la même recette: embaucher 60000 fonctionnaires de plus dans l'Education Nationale. On peut faire comme Nicolas Sarkozy en dénoncer le coût et ne rien proposer sinon ne pas remplacer les départs en retraite. A la place de ce statu quo stérile, ne pourrait-on un peu s'inspirer de l'esprit du Barefoot College et appliquer la maxime de Mark Twain: "Faire en sorte que l'Ecole n'interfère plus avec l'Education". 

Cette provocation de Bunker Roy est radicale car le Barefoot Collège s'est créé dans un contexte radical de survie. Les premiers villages ont démarré au Rajasthan en pleine famine et sècheresse. Mais n'avons-nous pas besoin d'un peu plus de radicalité et de courage face à des situations qui pourraient s'enkyster ? Nous sommes ici et maintenant en pleine récession avec "mise à disposition" de millions de chômeurs, retraités, ... qui tous disposent de temps et beaucoup de savoir, certains ont encore de la détermination. Ne voyez-vous pas le lien entre ces deux histoires ? Devrions-nous attendre que la situation devienne radicale chez nous aussi ou ne pourrions-nous par exemple faire en sorte que les disponibilités et les bonnes volontés viennent naturellement à la rescousse d'un Etat déficient et en désarroi au besoin en faisant en plus un usage productif et contrôlé des NTIC qui sont maintenant à notre disposition ? 

*"Si la France était une entreprise, un ménage, elle serait en cessation de paiement.  François Fillon en visite en Corse le vendredi 21 Septembre 2007 (il ne l'a pas redit officiellement depuis mais est-ce nécessaire ?)

Barefoot College dans le monde:

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