samedi 11 octobre 2014

Fin de l'Ecotaxe, place aux fermiers généraux !

Voilà c'est fait, comme nous l'annoncions ici depuis des mois, le projet Ecotaxe est enterré. Il serait trop facile d'imputer ce fiasco à Ségolène Royale. Elle a eu au moins le courage de trancher.

250 millions par an pendant 11 ans

C'est ce que va coûter l'entreprise "Lorraine" Ecomouv à l'Etat français en pure perte ! Car comme le disait le député Savary, nous vivons dans un Etat de droit, nous ne pouvons déjuger la signature de la France au bas d'un contrat. Donc avant, il y avait un consortium hyper inefficace mais extrêmement rentable, maintenant il y a un transfert financier direct et en totalité du contribuable vers un consortium italien piloté par Goldman Sachs !

Cela vaudrait la peine de voir comment l'on pourrait amener, dans le respect du droit, ce consortium à intervenir pour au moins soutenir les PME et start up lorraines !

Le retour des fermiers généraux

A l'occasion de cette funeste affaire, on apprend que comme il va bien falloir financer les infrastructures existantes qui se dégradent, on va augmenter le coût des péages, donc faire payer non plus les transporteurs mais tous les usagers ! 

Vous remarquez que malgré les cris des écolos, il ne s'agit plus du tout d'une politique environnementale, il s'agit ici purement de collecte d'impôts pour entretenir les routes et autoroutes ! Et cet impôt est confié à Vinci et à Eiffage entre autres. Comme le dit encore Savary, sur un euro payé à Vinci, 40c reviennent à l'Etat, tout de même ! Encore heureux pourrait-on se dire !

Ne trouvez-vous pas frappant le parallèle avec la fin du 18e siècle comme le remarquait dès 2011 Jean Pierre Fourcade, devenu sénateur ? A cette époque en effet, des particuliers, appelés fermiers généraux, achetaient une charge (comme les professions protégées dont nous parlions dans le précédent article) et prélevaient l'impôt dont il reversait une part au roi. Déjà à l'époque cela permettait à court terme à l'etat de faire rentrer de l'argent frais mais cela réduisait les rentrées ultérieures, alourdissait la charge du contribuable et conduisait l'Etat à s'endetter. 

Aujourd'hui, des groupes achètent des concessions par appels d'offres interposés (comme l'a fait Ecomouv, dans des conditions plus que suspectes) et prélèvent un véritable octroi. CQFD.

L'inefficience de notre système étatique de gouvernance

En Septembre, mon épouse et moi avons conduit notre fille à Vienne (Autriche) où elle a emménagé pour un séjour Erasmus. Nous avons traversé une partie de l'Europe Centrale avec notre grosse voiture familiale pour transporter sacs, ustensiles, vêtements et vélos. En dehors du carburant, à l'aller, il nous en a coûté 8 euros soit le prix de la vignette autoroutière autrichienne pour 10 jours car nous sommes passés par le Luxembourg et l'Allemagne où les autoroutes sont gratuites par puis l'Autriche où l'on achète une vignette. Au retour, nous sommes passés par Haguenau. Nous avons donc acquitté 8 euros rien que pour faire le trajet d'Haguenau à Forbach !

Même si je dois à la vérité de dire que la qualité du revêtement et même des sanitaires est de bien meilleure facture en France, on ne peut que s'étonner de la différence de prix pour ce service régalien quasiment obligatoire ! Cela traduit la déroute d'une conception erronée de la gouvernance de l'Etat à la française. La toute puissante et arrogante puissance publique passe de l'autoritarisme sourcilleux à la délégation de Service Public sans limite ni réel contrôle (lire l'auto-satisfecit ici). Cela revient finalement dans les deux cas à créer une classe privilégiée et à en faire payer le coût au contribuable et/ou à l'usager. Des fermiers généraux de Louis XVI à Ecomouv, même combat !

Dans le cas des autoroutes, nos gouvernements récents, égarés par une certaine conception pseudo-libérale ont concédé ces "charges" de fermiers généraux aux sociétés d'autoroutes jusqu'en 2032. Et comme nous l'avons montré dans nos articles précédents, ce sont les mêmes qui commencent dans les cabinets ministériels pour finir dans les comités de direction de ce type d'entreprises selon le système bien connu de la pantoufle.

En quoi sommes-nous concernés ?

Si l'on y regarde bien, notre vie quotidienne est corsetée par de multiples obligations de consommer de façon normée des services obligatoires qui ne sont finalement que des impôts prélevés par des organisations privées qui en laissent une part congrue à l'Etat. Vinci par exemple, une compagnie des eaux gèrent les péages autoroutiers, les parkings de centre ville incontournables au moment les municipalités font tout ce qu'elles peuvent pour limiter l'accès des centre-villes ... Tout devient péage obligatoire (on disait "octroi" dans l'ancien temps) et tout pointe dans la direction de ces entreprises spécialistes des "utilities" par ailleurs devenues expertes en l'art subtil du "Marketing Social et Politique".


Depuis quelques temps déjà, nous avons entrepris de nous échapper de tous ces systèmes contraints par exemple en ne prenant plus l'autoroute quand c'est possible. Et il semble qu'à la faveur de la crise, nous ne soyons pas les seuls car pour la première fois en 2011, le trafic "VL" a baissé sur les autoroutes de notre beau pays.

Mais la situation que révèle le fiasco de l'Ecotaxe pose plus largement le problème d'une gouvernance que décidément les citoyens vont devoir reprendre en main. Cela finira inévitablement par entraîner la rupture unilatérale des contrats qui leur sont trop défavorables et de placer devant leurs responsabilités ceux qui les ont signés et qui en font profiter leurs amis. Ces "amis" sont des consortium divers qui n'agissent plus selon les principes de la libre entreprise ni d'une saine concurrence mais appliquent bien souvent des pratiques de lobbying et d'influence politique qui confinent avec des pratiques mafieuses comme nous l'avons montré ici  dans le cas de l'Ecotaxe. 

Pour les curieux, rappelons-nous que des 45 fermiers-généraux de1791, 37 furent ensuite guillotinés (jugement du 19 floréal An II, soit le 8 mai 1794). 

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