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dimanche 13 avril 2014

L'importance du ton

L'actualité politique et des média ainsi que mes expériences récentes de "TEDx-coach " m'incitent à vous proposer de revenir sur un angle de lecture particulier de notre environnement médiatique. Vous souvenez-vous de vos récitations à l'école primaire ? Et de votre instituteur vous incitant à "y mettre le ton". Voilà mon sujet du jour.

Commençons par notre nouveau premier ministre dont j'ai désapprouvé ici l'attitude face à
Crédit photo: C. Platiau Reuters
Dieudonné. Hé bien politiquement c'est lui qui avait raison. Contrairement à ce qu'affirmait Dieudonné, il ne s'est pas fait le public relations de ce dernier. C'est Dieudonné qui lui a servi de marche-pied pour son nouveau job. Mais passons.

Changement de ton

Les éditorialistes et la presse que je lis, comme celle que je ne lis pas (le Parisien par exemple), ont tous salué de la part du Premier Ministre un "changement de ton". Et quand j'ai écouté son discours d'investiture (sans revenir sur le fond qui reste malheureusement bien insuffisant), j'ai entendu et éprouvé une véritable émotion sur la fin. Plus que Sarkosy avant lui, Valls est un immigré et, mieux que Sarkosy, il a su faire ressentir une émotion authentique lorsqu'il a parlé de son engagement en tant que français. Et j'ai remarqué que sur les bancs de l'assemblée, nombre de députés de droite ont applaudi. Je suis sûr qu'ils étaient sincèrement touchés.

Cela m'a donné l'idée de relier cette observation à ce que nous disons à nos intervenants dans nos TEDx. Cherchez à faire passer une véritable émotion. Valls a fait cela. Et cela a marché pour clôturer un discours tout d'abord dans la droite ligne du pilotage à vue. Le ton, voilà l'élément fondamental. Il ne lisait plus, le niveau d'énergie général avait visiblement augmenté, les yeux se posaient sur l'assemblée de façon semi-circulaire. On n'avait enfin plus l'impression d'une récitation de Cours Moyen... Le personnage semblait s'engager. Les mots évoquaient enfin une action, en l'occurrence, la démarche personnelle d'un vrai bipède. Sémantique et gestuelle étaient en cohérence. Même l'opposition aurait eu envie de lui emboîter le pas !

La trouille de se montrer, la trouille de tout

C'est tout ce qui manque cruellement au personnel politique et encore plus aux hauts fonctionnaires et même aux dirigeants de grandes entreprises. Etre vraiment là, présents derrière les mots pour évoquer l'action. Sans cela, l'engagement a-t-il seulement la moindre chance d'exister ? La réponse, même si le ton à lui seul ne suffit pas, il faut aussi du contenu, la réponse dis-je se trouve dans les 25 dernières années de surplace de notre pays. Notre personnel dirigeant de tous bords a trop été occupé à réciter une leçon à laquelle il ne croyait pas pourvu qu'elle lui rapporte des voix et des dividendes. 

Il ne s'apercevait pas que sa sourde trouille d'être mauvais, de s'avancer à découvert, de risquer ne pas être réélu ou d'être en privé démoli par la "com" et lâché par les actionnaires s'il se risquait hors du politiquement correct était la même que celle des rugbymen français ou des footeux du PSG. La trouille de gagner, d'oser se montrer vraiment, d'avancer dans la tourmente, de démontrer par l'action ses véritables convictions, d'avoir du courage. Hé bien comment voulez-vous que le dirigeant qui ne peut montrer cela dans son discours entraîne une équipe, une entreprise, un gouvernement ou un pays quand justement il va falloir agir... enfin ? Là ça change, dans le ton au moins.

Le courage d'être soi et de se dépasser

Finalement, et j'en ai été le témoin et un petit peu l'acteur en coulisse, c'est ce que font nos intervenants de TEDx. Ils osent prendre la parole et parler à la fois avec leur tête et avec leurs tripes. Je reviendrai prochainement sur les interventions de TEDxMinesNancy, très emblématique de cela.

Pour finir, je voudrais évoquer un grand et "jeune" patron français, Matthieu Pigasse, que j'avais imaginé inviter à TEDxLaDéfense2012. Il passait hier à "On n'est pas couché" face à des chroniqueurs-auteurs (Polony et Caron) pas faciles, flanqués en plus de Michel Onfray ... L'exercice n'était pas simple: se présenter comme de gauche, patron de Presse, dirigeant de la Banque Lazare, ami de Strauss Kahn et pourfendeur de la "normalité" de F Hollande pour finalement défendre l'approche libérale et européenne dont beaucoup pensent qu'elle est la cause de tous nos mots...

Là non plus, je ne veux pas revenir sur le fond. Je voudrais simplement garder l'angle du TEDx-coach. Matthieu Pigasse était visiblement très tendu, la transpiration perlait, la posture était mal assurée, la sémantique était plaidante, il demandait la permission de dire... Tous les signes d'une communication loupée, la curée n'était pas loin... Onfray ne l'a pas raté d'ailleurs mais...

Tout d'abord, Pigasse a vraiment réfléchi à ses sujets et a certainement écrit son livre lui-même. Ensuite, malgré son trouble et même grâce à lui, il a réussi à être lui-même (me semble-t-il). Il a été sincère tout du long et quand on lui a demandé pour qui il roulait, sans être brillant, il est resté crédible malgré ses amitiés gauche-caviars plus que sulfureuses. Onfray a même dit comme un cri du coeur: "il vendrait des frigos au pôle Nord". Venant d'Onfray, je peux affirmer qu'il y avait une sorte d'hommage derrière la pique.

Une condition de l'engagement et du changement

On regretterait qu'un Pigasse ne se présente pas... La condition de l'engagement et du dépassement de soi qui font vraiment changer les choses sont cette ambition qui vous met en risque justement. Gardons-nous de trop d'enthousiasme mais notons ce changement de ton à peu de jours d'intervalle chez un premier ministre et un grand dirigeant d'entreprise.

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