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jeudi 29 août 2013

L'Ecole, la Presse et les passions françaises

En cette veille de rentrée, voici une petite réflexion suite à une nouvelle de ce mois d'Août. Un parent d'élève a rendez-vous ce soir avec le recteur de son académie (Bordeaux) pour évoquer le cas de sa fille et de ses 20 camarades de classe injustement notés, selon lui, au bac français de juin.

Le scoop
Crédit photo: Sud Ouest, T-DV
6/20 en moyenne (de 2 à 10/20) pour la section littéraire passée en totalité devant un jury qui a, à chaque fois, insisté pour connaître le nom de leur lycée, Saint Caprais ci-contre, un lycée privé d'Agen. Pendant le même temps, la section scientifique du même lycée passait devant un autre jury qui ne posait pas cette question et obtenait des notes correctes et conformes aux notes nationales habituelles. Vous trouverez plus de détail de l'affaire dans Sud Ouest.

L'interview bâclée
Bon, sans doute pas terrible comme scoop. En fait, je n'étais pas informé de ce "fait divers" et bien qu'ayant une fille qui a passé cette épreuve-là en Juin, je n'étais pas spécialement intéressé par le sujet jusqu'à ce matin. J'ai, en effet, entendu l'interview du parent d'élève qui a pris la tête de ce que "20minutes", jamais en panne d'un bon mot, appelle une "classe-action". Cet interview est celle d'un parent (Virgil Javorski) à Europe Un (Europe matin) un peu avant sept heures ce Jeudi 29 Août. Le journaliste, sans doute excédé d'avoir à s'occuper des "chiens écrasés", a semblé peu à l'écoute de ce parent et plus préoccupé par ses "bons mots" à lui que par son sujet. L'interview fut introduit par un cliché, une question-alibi et un jugement moralisateur qui donnaient à peu près ceci (citation approximative):
 "il n'est pas courant qu'un parent décide de passer un oral pour sauver celui de sa fille, qu'est-ce qui vous a poussé à prendre rendez-vous avec le recteur, vous vous rendez-compte si les recteurs devaient recevoir tous les parents dont les enfants ont eu une mauvaise note ... ?".

La réponse professionnelle
Heureusement, ce monsieur fut précis et neutre: 
"nous sommes 21 parents à avoir écrits au rectorat et c'est le recteur qui m'a proposé ce rendez-vous et je corrige la présentation que vous avez faite: ma fille n'est pas une brillante élève mais plutôt moyenne mais ses camarades et elle sont 21 à avoir des notes ne correspondant pas à leur niveau, ils sont tous passés avec le même jury, tous ont dû dire, contrairement aux règles de cet examen, de quel lycée ils venaient..."

L'arrogance d'un journaliste qui ne connaît même pas son dossier, qui tronque ou change les faits pour faire un mot et qui, en plus ensuite, houspille l'interviewé, me dérange. Par chance, en peu de mots, le parent d'élève fut nettement plus professionnel que le journaliste qui ne put s'empêcher de finir en parlant du "grand oral" de ce papa et de lui conseiller avec une superbe condescendance de s'entraîner , pour avoir une bonne note, à faire court et d'être concis. Pour moi, ce journaliste que je ne connais pas, car j'écoutais Europe Un par hasard ce matin, ne mérite vraiment pas la moyenne. 

Chacun a bien fait son boulot
Il y a un peu plus. Je voudrais, en contrepoint de la médiocrité et de l'arrogance de ce mauvais interviewer, souligner l'exemplarité des acteurs de cette affaire. Qu'avons-nous en effet ici ?
1) Tout porte à penser à un règlement de compte sous-jacent entre privé et public, une vieille passion triste à la française et pour autant aucune accusation hâtive n'a été proférée.
2) Des faits assez clairs. En effet, il ne s'agit pas d'un cas isolé comme l'avait compris le journaliste mal informé d'Europe Un, mais d'un échantillon de 21 cas à comparer presque selon la méthode du double aveugle chère aux chercheurs en sciences sociales, avec un autre échantillon comparable et neutre (la section scientifique). Ce genre de situation est rare au naturel.
3) Les parents, pour une fois unanimes, se sont concertés et ont sagement écrit au rectorat. Peut-être aussi au journal (Sud Ouest) mais l'histoire ne le dit pas. En tous cas, ils ont été des parents et des citoyens responsables et respectueux.
4) Le rectorat, malgré les vacances, a réagi rapidement et de façon appropriée. Il montre ainsi qu'il est vraiment à l'écoute et là-encore, contrairement à notre pauvre journaliste, il démontre sa considération et sa compétence.
5) Les media écrits locaux (Sud Ouest) voire nationaux (Le Figaro) qui ont rendu compte du problème l'ont fait de manière précise et mesurée.

Alors ? 
Sans l'arrogance et la bêtise de cet interviewer, grâce à qui  j'ai tout de même été informé (LOL), je constate que malgré un problème encore à clarifier et à traiter, tout le monde a parfaitement fait son travail dans cette affaire jusqu'ici ! Je voulais souligner cette petite bonne nouvelle partielle parce que, grâce aux clichés entretenus par les media, on a l'habitude de considérer les parents d'élèves comme des veaux totalement partiaux, l'administration de l'Education Nationale comme impuissante et les media locaux comme insignifiants. Il est temps que les "grands media centraux" cessent de penser avec des clichés.

Les grands media entretiennent les passions tristes
La seule chose qui semble déplacée ici et c'est d'ailleurs le cas dans bien d'autres affaires plus conséquentes, c'est la "grande" aristocratie médiatique qui attend qu'on lui apporte les sujets, qu'on les lui prépare et qui ensuite ne les lit pas et ne sait même pas en tirer parti sauf pour entretenir les préjugés, le défaitisme et les tenaces passions françaises. En plus, l'évolution de leur audience montre que le public, peu à peu, "consomme" l'information à la demande via le net et prend ses distances par rapport à ces nouveaux féodaux que sont les media traditionnels. Je trouve cela plutôt réconfortant. 

Souhaitons à monsieur Javorsky et au recteur de l'académie de Bordeaux non pas un bon "grand oral", ni que l'un donne à l'autre une "bonne note" et réciproquement, mais que le dialogue constructif amorcé permette de régler intelligemment le problème sous-jacent. Souhaitons surtout que le traitement médiatique du sujet ne vienne pas empêcher les gens compétents et concernés de gérer leurs affaires entre eux.

Comme promis avant cette longue interruption d'été, je vous donnerai bientôt la suite et sans doute la fin du feuilleton sur la douane et je vous parlerai des dernières parutions ACATL.

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