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vendredi 22 février 2013

Le triangle dramatique de Karpman

S. Karpman karpmandramatriangle.com
Dans mon dernier article, je vous parlais de la loi de Godwin à l'occasion d'une altercation par mail avec un inconnu. Cette histoire me donne l'occasion de creuser un peu en partageant un concept courant dans les relations 2.0 et dans la vie réelle. (La photo du ténébreux de droite n'est pas celle de mon inconnu ... c'est celle de Stephen Karpman !).

Le triangle dramatique

Peu importe la cause réelle de l'ire de mon quidam et qui l'a conduit à me traiter de nazi. L'important est que cette histoire m'a remis en mémoire le  "triangle de Karpman" qui sert en Analyse Transactionnelle notamment à décrypter des situations de harcèlement,  de manipulation et de conflit en général.

Voici une représentation du triangle modélisé par Karpman dès 1968 et empruntée à un blog français (enquête de sens) que j'apprécie pour sa clarté:
Source: blog "enquête de sens"

Le piège du triangle dramatique appliqué à une situation simple :

Sans doute mon inconnu s'est-il senti légitimement (à ses propres yeux) agressé par mon attitude méfiante. Peut-être a-t-il revécu sincèrement une situation pénible pour lui et a-t-il endossé le rôle de la VICTIME ?

Ou peut-être a-t-il senti que sa prospection ayant échoué, il pouvait se défouler ou se donner le beau rôle en me collant le timbre de ce qu'il dit détester le plus et jouer au SAUVEUR ? Il se disait expert de tas de choses et brandissait les traités européens sur la tolérance pour pacifier obligatoirement les consciences...

Bien vite donc, emporté par  ses émotions non assumées, il a alors endossé un rôle qui est le seul que j'ai perçu sur le moment (du fait du choc émotionnel en retour provoqué chez moi: surprise,  étonnement, indignation ...) celui du PERSECUTEUR qui insulte, agresse et menace de façon déplacée. Voici ce que dit un autre coach du rôle du persécuteur:

"Ne nous y trompons pas... il cache une personne pétrifiée de trouille face aux relations. C'est souvent (une victime ou) un sauveur déçu qui, ne sachant plus comment s'y prendre, emploie la manière forte..."

Après réflexion, ma position est devenue: prenons acte de tous les délires sans pour autant y accorder d'autre intérêt que ... pédagogique. Voici pourquoi et comment.

Pour en sortir: reconnaissance et refus ferme 

Dès que se met en place un début de harcèlement, il y a bien vite une tentative d'inversion des rôles. La "victime" du harcèlement est immédiatement accusée et sommée de mettre fin à des agissements qui sont en fait ceux du harceleur. C'est ce qui peut rendre la tâche d'un juge assez complexe quand les choses ont dégénéré et qu'il est impossible d'en démêler les fils. Avant d'en arriver là; se trouve parfois une petite place pour le médiateur qui est théoriquement mieux formé que le juge à éviter les pièges du triangle dramatique ...

L'important est de refuser d'entrer dans les rôles du triangle, tous sont perdants. Endosser le rôle assigné de victime soumise sera perçu par la partie adverse comme un signal invitant à plus de violence. La surenchère violente, à l'inverse, vous ferait entrer dans le rôle d'un persécuteur ce qui est un piège encore plus évident que l'on vous tend. Quand au sauveur, il finit souvent épuisé et très frustré.

Les spécialistes de l'Analyse Transactionnelle insistent sur la non-défense (et non-attaque): une attitude de reconnaissance de la situation et de refus ferme d'entrer dans le triangle. Quand on parvient à démontrer que l'on reste à distance du triangle, cela rend alors le jeu beaucoup moins drôle ! Et l'on peut enfin revenir au vrai sujet.

Seulement dans la vie quotidienne, on ne peut pas toujours éviter un fâcheux. Il peut être un proche: un collègue, un client, un patron, un important partenaire de négociation.

Les fâcheux du net nous offrent gratuitement un vaccin anti triangle dramatique !
Dans mon histoire, il a été facile de couper court à l'échange et de supprimer l'inconnu de ma liste de contacts. Ce cas-là était facile à gérer car sans implication réelle et pourtant tous les ingrédients classiques que décrivent les coachs étaient bien là et il n'est pas douteux que le quidam adopte dans la vie réelle les mêmes postures dès que son interlocuteur commence à réfléchir par lui-même... Un individu sans doute aussi toxique à la ville que par mail. A éviter donc. Et c'est pour cela que je saisis l'occasion, car tout est plus compliqué dans la vie réelle. Voici donc ce que je propose:

Mon hypothèse est que les gens qui se défoulent sur le net, se croyant à l'abri, jouent constamment ces exacts mêmes rôles qu'ils jouent en face à face. Plutôt que de seulement les "zapper" (ce qui est légitime), observons gratuitement les mécanismes en jeu alors que nous pouvons y couper court à tout moment pour apprendre à tenir les fâcheux à distance quand nous les avons en face à face. Au lieu de seulement les stigmatiser et comme nous ne pouvons pas les éviter (loi de Godwin), servons-nous de ces études de cas à ciel ouvert comme d'entraînements pour éviter de tomber dans le jeu du triangle quand c'est vraiment important dans la vraie vie.

2 commentaires:

  1. Il me semble important de distinguer manipulation, jeu psychologique (triangle de Karpman) et harcèlement (réel, différent de pratiques harcelantes) : j'ai détaillé et tenté d'expliquer ces éléments dans mon livre : Violences en entreprise. Comment s'en sortir? De Boeck, 2006 et dans Gérer et dépasser les conflits, Dunod, 2010 et dans Choisir la Paix, InterEditions, 2012. Dans ce dernier je redonne une lecture du jeu psychologique et comment en sortir qui, effectivement, repose sur la distance à prendre sur les faits et la capacité à ne pas rentrer dans le jeu lui-même.
    Un autre point que j'ajoute ici c'est : qu'est-ce qui fait que nous sommes pris dans ce type de jeu? Ce questionnement est essentiel pour apprécier comment nous nourrissons nous-même des phénomènes déplaisants. Quelle jouissance y-a-t-il à croiser le fer? Tant que nous y prenons plaisir, la vie généreuse nous y répond et nous fournit toute sorte de travaux pratiques.....

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  2. Sans doute n'y a-t-il pas conflit si l'on prend soin de ne pas le nourrir, de l'éviter ou de le dissuader ... Et d'aucuns d'aller bien plus loin nous renvoyant à une idée que nous ne serions jamais victimes que de nos propres turpitudes et que nous n'attirerions jamais que le résultat de nos propres pensées.
    Je ne dis pas que c'est ce que tu affirmes ici, Christine, mais la pente existe et elle est même une ligne de force de diverses "théologies" ...

    Pourquoi pas ?

    Et en même temps, j'affirme qu'il existe aussi de véritables malades, pervers et autres "décoiffés du bocal" sans lesquels on ne risquerait pas de tomber dans ce type de pièges.
    Pour qu'un conflit prenne forme, il faut certes bien deux belligérants mais l'agresseur et le défenseur sont ils toujours à ranger sur le même plan ?

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