Voici donc notre quatrième intervenant de la journée TEDxLaDéfense
, Djamel Berbachi vient opportunément nous rappeler le pouvoir des mots et de l'écoute.
Pierre Bigazzi avait rappelé des concepts philosophiques, Jean David Haddad pointé l'une des expressions aigües de la crise financière, Mario Capraro a décortiqué la construction d'un scénario de crise violente. Nous venions aussi de projeter la vidéo de Justin Hall Tipping déjà présentée ici et qui est une de mes favorites qui montre que la finance peut aussi chercher à sauver la planète. Cette intervention inaugurait la session "apaisements".
Et si une grande partie de nos difficultés venait aussi d'une insuffisance d'écoute et de compréhension des mots ? La vidéo ci-après présente une approche centrée sur la relation à travers l'usage prudent des mots justes et partagés.
Quel est l'angle de Djamel ?
Il intervient depuis 25 ans dans les entreprises, les
administrations, associations et syndicats spécialement sur l’art d’expliquer, d’argumenter, d’informer, de dire sans froisser son interlocuteur … oralement comme par écrit.
Ses interlocuteurs sont employés, cadres, dirigeants ou travailleurs sociaux. Dans ses interventions, le contexte est parfois difficile, les mots peuvent être lourds et froids, il aide à mieux les apprivoiser. Pour cela, il réfléchit aux intentions qui conduisent à prononcer ou à écrire tel ou tel mot et
aux effets produits par le langage.
Quelques clefs autour du malentendu:
Fable des 4 mendiants: le syndrôme de babel est toujours présent. Chacun a ses mots et ses propres sens. Le mal entendu conduit facilement au malentendu.
Oxymore: par exemple "une triste joie", écartèlement de sens qui crée un choc sémantique qui engendre dans le nuage de sens un contre-choc conceptuel créatif comme dans "Humanisme et profits" justement !
Trois filtres: éducation, expérience personnelle, bain social. Le mot "chien" rappelle au choix une morsure, un souvenir d'enfance ... un plat en sauce ! Ainsi se crée le malentendu.
Citation de Bourdieu: "Le malentendu est la règle, la compréhension est l'exception".
Trois préconisations:
L'émetteur doit prendre garde à bien nommer les choses. "Mal nommer les choses c'est ajouter aux malheurs du monde" selon Albert Camus.
Le récepteur doit être attentif à produire une écoute prudente. La prudence évite d'être victime d'une perception automatique. Ainsi, un bébé africain de 3 semaines peut être blanc et le restera d'ailleurs toute sa vie car l'Afrique n'est pas uniquement noire ...
Emetteur et récepteur doivent se mettre d'accord ensemble sur le sens des mots pour qu'ils profitent à tous.
Conclusion du talk:
Prenons la plus grande attention aux mots:
"Le mot qui illumine ou redonne vie, déchiffre et définit avant de nous faire sombrer dans une énigme plus vaste encore." Zoé Valdès.
En quoi sommes-nous concernés ?
Si mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur des choses, il nous fallait à ce point du déroulement de notre journée faire cette parenthèse sémantique. La fureur des arguments, l'émotion des prises de positions, l'énormité des enjeux comme nous l'avaient rappelés les trois premiers sujets et la vidéo de Justin, nous obligeaient à observer cette petite pause.
L'apparente simplicité de ce talk est essentielle pour nous rappeler que la crise que nous vivons aujourd'hui est d'abord celle de l'opacité. Est-ce si difficile de comprendre qu'aucune organisation ne peut vivre à crédit indéfiniment ? Que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel ? Qu'on ne peut dépenser ce que l'on n'a pas ?
Les mots utilisés par les rhéteurs professionnels (politiques et media, les 1er et 4eme pouvoirs ) prospèrent surtout dans le malentendu. Malentendu sur les chiffres, nous le reverrons avec d'autres intervenants et malentendus sur les mots. Mis à part les intérêts propres aux rhéteurs donc, serait-il si difficile de définir ce qu'est un capitalisme acceptable, ce que sont des outils financiers adaptés et comment le fonctionnement de l'ensemble reste à portée "démocratique" de ceux auxquels ils doivent profiter et qui, entre-temps, doivent régler la facture ?
Autre leçon que je tire de ce talk et qui renvoie au travail du médiateur de tout conflit: aller chercher l'autre là où il se trouve. Cela signifie faire l'effort de comprendre les mots de l'autre à travers le prisme de ses trois filtres à lui. Et faire cela pour les diverses parties afin de renouer vraiment le dialogue !
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