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samedi 15 janvier 2011

Miguel Benasayag: entre légitimité et légalité

J'ai plaisir à vous présenter ce philosophe argentin, homme de pensée et de vécu.

La vidéo est extraite de TEDxParis 2010, le premier événement en français dans la galaxie TED. Or, aujourd'hui se tient justement à Paris la deuxième édition de cet évènement. Miguel Benasayag est un ancien résistant argentin émigré en France et désormais psychanalyste et philosophe francophone de premier plan.
J'ai retenu cette conférence non pas pour l'analyse culturelle anglo-saxons/latins car je crois que la pression lui a fait se prendre les pieds dans le tapis ... J'aime cette conférence pour ce qu'elle a de central: la réflexion sur la ligne de partage entre le légal et le légitime ou aussi comment se crée une morale donc une légitimité et comment se structure une légalité. Voici:
Miguel Benasayag à TEDxParis le 30/01/2010

Que dit Miguel Benasayag ?

La culture occidentale est une culture de la Vérité Absolue. La recherche de la Vérité fonde à la fois la démarche scientifique et notre morale, notre droit et nos règles sociales. Alors chemin faisant, l'Occident ayant un peu perdu sa fraicheur initiale et ses fondements, s'est profilée une culture relativiste. Le Vrai est  devenu unique dans sa culture mais comme il y a d'autres cultures, la Vérité se relativise en fonction des cultures. Pour M. Benasayag vérités absolue et relative sont deux fausses pistes et nous parle alors de la différence entre légitimité et légalité. La marge est selon lui différente entre anglo-saxons et latins. Les seconds sont censés être plus prompts à transgresser la loi ... Il  raisonne à contrario de Kant en s'appuyant sur la question posée par Benjamin Constant au 19ième siècle. S'il faut moralement toujours dire la vérité, dénonceriez-vous, pour ne pas mentir, à l'assassin venu tuer votre ami réfugié chez vous ? Pour Kant oui. Par principe.

Pour nous tous, non bien sûr ! Du moins, j'espère. Et Miguel Benasayag s'en sert pour nous expliquer que ce qui est bien ou ce qui est mal ne dépend pas d'une Vérité absolue qui nous viendrait d'en haut de façon transcendante mais d'un ensemble de choses puisées ou activées dans et par la situation elle-même. Ces choses sont les données propres à la situation et à notre conception particulière de ce qui est bien ou mal. La résultante donne notre choix. Ce choix est incertain et contingent. La Vérité est cachée dans la situation, faire le bon choix est une question d'engagement, la Vérité n'apparaissant que plus tard ... Pensez aux patriotes de 1940 qui ont choisi Laval et Pétain et qui ont été fusillés à la libération et à ceux qui sont allés rejoindre de Gaulle à Londres et qui sont devenus ministres ...

En quoi tout ceci nous concerne-t-il ?

Oui cette réflexion sur le fondement de la morale a une importance pour nous aujourd'hui. Notre société a adopté une vue très tranchée et en apparence très rigoureuse et vertueuse de la transparence et de la sécurité. Tout doit être traçable, explicable et communicable. Légalement correct ! "Notre gestion doit être auditable" m'a dit un jour mon Président. Auditable ! Or pour que cela marche, il faut transgresser un peu sinon aucune création ni aucune adaptation n'est possible. En tant qu'ancien chef d'entreprise, cela me parle fort. Il est souvent impossible de respecter toutes les exigences de tous les codes en vigueur (Code du travail = 2000 pages) et il y a l'affichage obligatoire, le document unique, la prévention de la grippe aviaire, la responsabilité pénale en cas d'accident, les déclarations de charges, le code de la route, la convention collective ... Autant d'occasions de sortir de la légalité car codes et procédures ne sont pas toujours compatibles entre eux, je vous assure !

Et cela est vrai dans d'autres contextes, allez un peu écouter l'anecdote que raconte Dan Schwarz de ce père qui a fait de la prison et qui s'est vu interdire son propre foyer parce que, par erreur, il a acheté à son gamin une limonade alcoolisée un jour de match de baseball ! Américain seulement ? Vous auriez dû voir le regard que ce jeune flic a lancé à ma fille de 14 ans assise à côté de moi dans la voiture familiale et ramenant sa bouteille vide de "Champomy" au sortir du goûter de son club de gym. Un sourire de ma fille et la présentation opportune de l'étiquette à travers la vitre m'ont peut-être évité la mise en examen ! Je suis chanceux sur ce coup-là mais sans rapport autre que le thème développé par M. Benasayag, de très nombreux cas de dénonciations calomnieuses ont été scrupuleusement instruits aboutissant à l'anéantissement de l'accusé surtout lorsque, in fine, ce dernier est finalement reconnu innocent comme par exemple dans les affaires connues sous le titre générique des pères de Pontoise. La quête de la Vérité couplée aux difficultés propres à une telle instruction peut conduire à une manipulation aux conséquences extrêmement graves pour les familles concernées et pour la crédibilité de la Justice elle-même. Comment un principe Absolu pourrait-il encore se justifier dans ce cas ?

Un conseil:

Prenons garde de ne pas nous laisser enfermer dans le "panoptique" (prison imaginaire où tout est sous contrôle visuel dont ont parlé Jérémy Bentham puis Michel Foucault). Défendons avec Miguel Benasayag une Vérité qui ne serait ni Absolue, ni Culturellement Relative mais un centre de gravité dynamique suivant des principes certes mais aussi s'adaptant au contexte de la situation et à la nature des liens entre les acteurs. A l'extrême donc, il faut absolument pouvoir continuer raisonnablement et légitimement à désobéir ... !

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