samedi 31 mars 2012

Argent 5, les monnaies du net

Dans cet article, nous poursuivons notre plongée dans le monde de la monnaie et de l'argent. Aujourd'hui, les monnaies du net offrent une perspective fabuleuse: même logique que les monnaies locales mais aucune limite géographique aux transactions.

Virtuellement une alternative au système financier global actuel !



J'ai bien connu vers 2004/2005 (et utilisé pour mon malheur) une monnaie virtuelle qui s'appelait e-gold et que l'Etat américain a réussi à faire interdire pour blanchiment et autres accusations. Vous voyez à quel point nous rejoignons ici ma série d'articles sur "copier ou partager" et notamment le cas megaupload ici et ici ! Du coup, il y a nécessité de se demander très vite comme avec Mégaupload ce que cette opportunité apporte vraiment et comment elle peut, comme Mégaupload, cacher de nouvelles déceptions.

Bitcoin:
Avec le net,  nous ne sommes plus guère dans le territorial n'est-ce pas ? N'en déplaise aux ennemis de la globalisation, les monnaies communautaires s'en accordent ! Voici donc le cas bitcoins dans un très court reportage de LCI en français:

Bitcoin est donc une monnaie virtuelle sur le net, lancée en 2009 par un programmeur de génie sous le pseudo de Satoshi Nakamoto. Totalement décentralisée, la monnaie est créée, protégée et authentifiée par un programme Open Source chargé sur tout ordinateur. Pour fonctionner le système a besoin de la puissance de votre PC et il la rémunère ... en bitcoins qui peuvent aussi être achetés, utilisés pour payer sur des sites marchands et même dans des magasins réels et échangés contre des monnaies classiques.

Voici le petit film qui présente bitcoin sur son site:


Le "mining" c'est l'action de creuser virtuellement c'est-à-dire de prêter la puissance de votre machine au système en échange d'une (modique) rémunération en bitcoins.

Pour une histoire (en anglais US) bien documentée de Bitcoin, je vous suggère la vidéo suivante tirée des conférences "Lift" (une sorte de TED) par Adrienne Jeffries journaliste au New York Observer.




Cette monnaie en peer-to-peer a attiré l'attention et deux sénateurs ont rapidement voulu l'interdire car un site, SilkRoad, vendait de la drogue et acceptait des bitcoins. En outre comme e-gold en son temps, cette monnaie étant anonyme, elle est accusée de pouvoir servir au blanchiment d'argent. Ses serveurs ont connu des tentatives de piratage, diverses opérations de spéculation ont fait grimpé puis chuté sa valeur, d'ailleurs voici la courbe d'évolution de sa valeur jusqu'en Février 2012:


On voit que la valeur a fortement baissé autour de 4$ pour un BC mais on voit aussi (traits rouges et verts) que son volume d'échange augmente car il y aurait quelques centaines de milliers d'utilisateurs. Le tout montre que son usage est bien ancré.

En quoi sommes-nous concernés ?

Il ne s'agit plus d'économie solidaire et pourtant il y a bien ici un aspect communautaire et comme toujours le net nous affranchit des distances. La communauté est ici virtuelle. 

On comprend aussi que les problèmes évoqués au sujet de "mégaupload" se reposent ... d'un côté, un buzz puis un mythe se créent autour de Nakamoto qui devient le prophète d'un mouvement contestataire pendant que de l'autre, on s'active pour démontrer que tout ceci est illégal et/ou n'est qu'un moyen d'enrichir les initiateurs du système au détriment de ceux qui y sont venus tardivement selon un schéma pyramidal (ponzi) classique.

Il est vrai que Bitcoin représente un vrai défi pour les "autorités" politiques et pour le système financier établis. Il ressemble aussi assez à une arnaque internet majuscule. Ne seraient-ce pas en définitive les deux face d'une même ... pièce de monnaie ? Preuve, en tous les cas, que la question de la monnaie est bien une affaire de confiance !

Retenons aussi que pour toute monnaie, il faut un organisme émetteur-régulateur afin d'empêcher toute fausse monnaie. L'originalité de Bitcoin est d'avoir confié cette tâche à ... un programme informatique !

Sachez aussi que d'autres monnaies sur le modèle de Bitcoin existent comme Namecoin qui est une évolution de Bitcoin ou un nouveau venu comme le Dwollah. On parle aussi de "Google wallet" et de "Facebook credits", faisant ainsi entrer en scène les géants actuels du net. L'histoire de Bitcoin pourrait bien être celle d'un laboratoire grandeur nature préfigurant des changements d'une magnitude bien plus importante.

Notons encore au passage que ces systèmes permettent bien sûr des échanges sur un téléphone mobile ... et pour la route, retour aux SEL voici les "cyclos" en hollande, plateforme de logiciels libres pour favoriser les échanges locaux sur votre smartphone ...

samedi 24 mars 2012

Argent 4, entre incident de paiement et défaut de relation client

http://www.lavoixdunord.fr
Rétablissons le lien entre monnaie-instrument de paiement et monnaie-confiance. Ce faisant, c'est un pont improbable entre deux sujets de réflexion présents dans ce blog:  l'intérêt pour les monnaies communautaires et l'importance toujours pas bien comprise de la Gestion de la Relation Client en Entreprise et ses conséquences. Le tout, comme souvent, à partir d'une anecdote vécue:


Etape 1: comment passer rapidement du statut de client à celui de fraudeur

 
Un rendez-vous m'oblige à me déplacer en auto, je décide de passer à la pompe du Carrefour Market près de chez moi sur mon trajet de départ. Ce magasin a des pompes en libre service et d'autres avec paiement en caisse. Ma carte visa avait été refusée aux automates un soir et là, nous sommes en journée, je suis rassuré car si un problème survient, j'aurai affaire à une vraie personne.

Je me sers et passe en caisse dans mon véhicule. La carte est acceptée ainsi que le code ... la transaction est un peu longue. L'employée l'interrompt, la connexion est parfois difficile ... problème de ligne ... Après deux nouvelles tentatives (carte et codes à chaque fois acceptés), la caissière me demande un paiement par un autre moyen de paiement. Un autre moyen de paiement, pas une autre monnaie ! Le plein est important (presque le cinquième d'un RSA) et je n'ai pas assez de monnaie (!), j'ai fermé récemment mon autre compte Visa et je n'ai pas habituellement de chéquier ... Problème donc que je n'avais jamais expérimenté ... la caissière si !

J'insiste sur le fait que ma carte fonctionne habituellement (en fait, j'ai déjà eu un refus sur des automates cependant jamais à un guichet). Commence alors le petit jeu de la pression réciproque. Mon véhicule bloque toutes les pompes et d'autres clients attendent. Une dame viendra d'ailleurs fort désagréablement nous faire part de son inconfort du fait de la situation en demandant des explications de façon fort agressive. Je propose de demander par téléphone que mon épouse qui n'est qu'à 2 minutes de m'apporter un chéquier ... et ce n'est subitement plus une option. Il faut obligatoirement un paiement cash, "en liquide" insiste la caissière, liquide que j'ai dans le réservoir, pas sous la main. Je propose donc de signer une reconnaissance de dette et de passer le lendemain pour régler. Au passage, ce bout de papier-là est le signe d'une création monétaire mutuellement reconnue !

C'était prévu ! La caissière sort un imprimé, je n'ai qu'à signer. Ayant la mauvaise habitude de lire ce que je signe, je découvre une rédaction certainement abusive sur un plan juridique au terme de laquelle, passé un délai de 48 h, une procédure sera intentée contre le fraudeur pour "grivèlerie". Jusqu'ici j'étais un client mis en retard par son fournisseur, me voilà étiqueté fraudeur !

Etape 2: comment la "procédure" consacre l'abus de droit

Je signe en indiquant sur le document ne renoncer à aucun de mes droits car je n'entends pas reconnaître une quelconque fraude. De plus, ayant été victime en tant que client-patron d'entreprise d'une fraude mettant en scène certains de nos ex-employés et le caissier-pompiste d'un supermarché probablement complice, je commençais à trouver étrange un telle insistance à vouloir être exclusivement payé en "liquide"... suspicion réciproque !

L'échange quoique pénible du fait du regard exaspéré des autres clients, fut totalement courtois. Ce n'est aucunement une affaire de comportement ou une bête dispute où une maladresse en entraîne une autre ... je n'en aurais pas fait un article.

La caissière demande alors gentiment une pièce d'identité pour noter l'adresse puis ... refuse de me la rendre !  Je dois ensuite faire mes 300 km et en cas de contrôle routier ... mon permis de conduire devrait bien me suffire, entends-je ! Me voilà piégé car je suis bien élevé et l'on m'a appris qu'il est impoli de tenter de détruire l'hygiaphone et la petite baraque construite tout autour ! Je suis désormais furieux car me voilà symboliquement dépossédé de la preuve de ma citoyenneté et ceci de façon totalement arbitraire et sournoise. Je redemande ma carte d'Identité avec insistance. Nouveau refus. Argument magique: c'est la procédure ... face aux clients indélicats !

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, aucune possibilité de discussion ne semble exister, la procédure a heureusement tout prévu. Et deuxième argument magique, je serais bien le seul à avoir un compte ou une carte de crédit en état dont le paiement ne passerait pas s'il n'y avait pas une bonne raison (j'ai appris par la suite par le service Visa de la banque, que les incidents de connexion non élucidés représentent 2% des transactions, à vérifier !). J'abandonne donc ma carte d'identité nationale et je pars à mon rendez-vous. Pour l'auteur de "Stratégie de service" (photo de gauche), voilà bien un constat qui montre que la notion de "porte de sortie" proposée dans ce livre mériterait ... une nouvelle édition et un stage de formation pour le réseau Carrefour-Market.

Etape 3: comment le client s'oblige à devenir cyber-détective et reste fraudeur

Le lendemain, je vérifie auprès de ma banque que la demande de débit a été acceptée. Il arrive que la transaction mette 24 ou 48 h avant que la contrepartie comptable ne s'établisse. Le paiement est donc accepté et en instance (j'en ai la preuve sous forme d'une e-mail de ma banque), j'ai donc bien rempli mes obligations de client. En revanche, la caisse du supermarché n'a pas été créditée. Simple méchant bug, alors pourquoi tant de haine envers le client ? Cela devrait s'arranger.

Le service consommateur de Carrefour (fin du fin de la GRC) est "à l'écoute", bien "drillé" et poli, presque sympathique. Ils vont vérifier auprès du magasin (c'est une franchise). Et: ... c'est bien un défaut de paiement de ma part, ma carte d'Identité ne sera restituée que contre paiement ... Le tout dit de façon professionnelle sans qu'il puisse être imaginé que cette procédure abusive nuise d'une façon quelconque au client, ni par conséquent à l'image du groupe. Ma "preuve" n'est pas recevable, il faudra un relevé bancaire officiel (et attendre un mois donc bien après le dépôt de plainte par le magasin).

La Police me confirme que les stations services sont souvent victimes de fraudes et que l'on ne peut prendre ma plainte concernant ma carte d'identité... Il faut payer. Ceci est aussi un scandale car la Police semble méconnaître la défense des libertés les plus fondamentales mais il y a des causes plus importantes que celle-là, alors ... tout de même, j'insiste, je menace de saisir directement le Procureur de la République ... et puis l'adjudant est une femme qui m'a déjà entendu en tant que patron d'entreprise plusieurs fois victime d'autres faits et se souvient de moi.

Alors, elle convient que la position du magasin est illégale et propose de régler cela en appelant le Carrefour Market si zélé. J'y passe dans la foulée récupérer ma carte d'Identité auprès d'une responsable du magasin qui obtempère à contre-coeur. Je montre le mail de ma banque et j'espère que l'on va enfin facilement régler cela. Je propose de faire un chèque et de prendre sur moi de veiller par ailleurs à ne pas être débité du fait de la transaction toujours en cours. Nouveau refus: "c'est la procédure, en pareil cas (je suis donc toujours suspect de tentative de fraude) il faut payer en liquide, "en vrai argent", d'ailleurs puisque vous dites que votre carte de crédit fonctionne vous avez un distributeur pas loin ... sous-entendu si vous êtes vraiment de bonne foi, rien ne vous empêche de payer.

Etape 4: Relation Client-Canada dry !

Je prends donc encore un peu de mon temps puis je paie ainsi. Ma carte a été acceptée au distributeur bancaire, elle fonctionne, le problème est bien ailleurs. Hé bien cela ne change rien, ceci n'arrive qu'à moi semble-t-il. Et puis le système du magasin est fiable, il a été contrôlé, m'affirme-t-on ! La connexion ? Ce n'est pas au magasin de s'en occuper. C'est donc certainement au client de s'impliquer pour savoir où est le bug et assurément de vérifier qu'il n'est pas débité plusieurs fois ... Dernière faute de goût, personne dans le magasin n'a exprimé son regret quant à la gêne occasionnée ... et au temps que j'ai perdu.

Côté banque, plusieurs appels auprès du service Visa et de mon agence m'ont fait comprendre que personne ne sait précisément d'où vient le problème, probablement de l'opérateur des transactions. Personne ne fera de recherches ni d'ailleurs en s'engage à m'avertir au cas où la transaction fautive finirait par se boucler. Par contre, afin de me "sécuriser", je reçois (3 semaines plus tard) une nouvelle carte Visa (l'autre n'est pourtant pas en cause) ... avec une validité jusqu'à 2015. C'est de la fidélisation ça ! J'aurai droit à des excuses de la banque pour cela et toujours aucune explication. Les meilleurs auteurs en GRC (Gestion de la Relation Client) disent qu'un client mécontent est une opportunité de faire une nouvelle vente. Principe connu de ma banque. Il faudrait aussi se souvenir que cela ne marche qu'à la condition d'avoir préalablement rassuré le client en lui donnant par exemple une explication sérieuse et qu'il ait dit oui !

Les structures de "back office" (service consommateur de Carrefour, service Visa d'ING) peuplés de jeunes "execs" formatés et bien élevés n'ont pratiquement pas eu de valeur ajoutée. Sur le terrain, libre cours est laissé à du personnel peu formé, non-responsable et désagréable car parfois directement confronté à et souvent travaillé par la peur de l'agression. Malgré des années de discours marketing, de systèmes et de procédures, nous aboutissons à une impasse relationnelle dès que le système se grippe. Et au chien de fraudeur-payeur, de trouver les solutions aux failles d'un système qu'il entretient financièrement. Et c'est à encore à lui à qui l'on démontre d'un message violent que la boucle d'auto-contrôle ne se fera pas même s'il insiste et donc que l'apprentissage curatif n'aura pas lieu. Cela fait rêver d'autre chose ...

Thomasravaux.com
Faillite ordinaire et quotidienne de Carrefour Market que la prudence me conseille désormais d'éviter et faiblesse de ma banque (ING) qui m'oblige à ouvrir un deuxième compte Visa à la concurrence. Seul point positif, cette femme-adjudant que sa fonction a fait évoluer vers un rôle empathique de médiateur. Le "conciliateur du village", le seul qui ait su préserver la relation dans cette affaire, est donc ici la Police !

En quoi ceci vous concerne-t-il donc ?

Les structures, systèmes, équipes et managers mis en jeu dans ce type d'incident vous semblent ils au niveau de leurs prétentions ? La GRC n'est-elle pas le cataplasme managérial sur la jambe de bois procéduro-systémique de ces grandes organisations bureaucratiques et pourtant privées et incontournables qui encadrent notre vie quotidienne ?

Ajout du 20 Avril 2012:
 Sur ce point au moins ce billet aura peut-être un léger impact car lorsqu'on s'intéresse à la Relation Client chez Carrefour Market et que l'on saisit ces mots dans Google, le présent article sort en première page à la quatrième ligne:

Que se serait-il passé si j'avais été un petit jeune "basané" de notre banlieue difficile pas si éloignée, au volant d'une voiture déglinguée dans le contexte actuel de chasse aux sans-papiers ? Comment ce gamin-là aurait-il été "traité" et comment aurait-il interprété cela ? Tout ceci ne lui aurait-il pas paru hypocrite et injuste ? Aurait-il pu comprendre la complexité sous-jacente et dominer les émotions violentes qui ne manquent pas d'assaillir le mammifère quand il se sent grugé ou menacé ?

Enfin, revenons à la monnaie. Bernard Lietaer la définit comme un accord. Ce moyen de paiement instantané, facilitateur et sans frontière que représente ce morceau de plastique coloré appelé carte Visa est un sésame. Grâce à lui, on nous accorde une confiance relative qui permet l'échange économique. Parfois, ça bugue si l'on ne peut interroger votre crédit en ligne ! Et là, on revient à la monnaie papier qui semble plus concrète car la confiance s'envole. Plus de confiance dans le système de paiement, plus de confiance entre client et fournisseur. Ralliement à la procédure pré-établie et non-apprenante. S'installe alors immédiatement la violence symbolique de la menace juridico-policière. On peut comprendre aussi que parfois cela dérape ... où l'on comprend la nature relationnelle de la monnaie.

Il est urgent de disposer de monnaies communautaires. Elles offriront entre autres une alternative en cas de problèmes de paiement (dont la cause est la pauvreté bien plus sûrement que le ridicule bug que je rapporte ici). Ces monnaies apporteront à tous niveaux (individus, familles, voisinage et aussi entreprises !) un surcroît de confiance, de lien et de bon sens dont nous avons besoin pour continuer à assurer, malgré les crises, la survie d'une société un peu plus saine.